Cinéma

Tree of Life, de Terrence MALICK

          Drame américain de Terrence Malick avec Brad Pitt, Sean Penn, Jessica Chastain.

          D’après le synopsis, c’est l’histoire de Jack, qui alors qu’il va devenir père, repense à son enfance : un père autoritaire, une mère aimante et deux frères avec qui il a fallu partager l’amour de celle-ci. Un drame va venir tout bouleverser et remettre en cause son existence. Arrivera-t-il à ne pas reproduire le modèle de ce père trop dur avec lui ? Une réflexion sur la famille avec en toile de fond de belles envolées lyriques sur la naissance de l’humanité.

          Et dans la dure réalité ? Si vous cherchez une histoire, vous risquez de la chercher longtemps. Je ne sais pas où les journalistes sont allés chercher que la femme de Jake était enceinte, elle passe tellement vite à l’image que c’est à peine si on a le temps de la voir. D’ailleurs, on ne voit guère plus Jack adulte. Je serais curieuse de savoir combien a touché Sean Penn pour ses 5 minutes d’apparition à l’écran.

          On nous laisse entendre que le pauvre petit a été martyrisé par un père tyrannique. Finalement, c’est plutôt un type bourru qui veut le meilleur pour ses enfants et ne sait pas comment les emmener vers la réussite autrement qu’en les élevant « à la dure ». Un père aimant à sa manière mais qui ne sait pas le montrer. Dans l’Américaine des années 50, celui qu’on nous présente comme un monstre d’autorité devait plutôt passer pour un coeur d’artichaut. Il y a bien un drame, mais il n’est qu’évoqué au début et on ne revient jamais dessus. Le film tourne autour du pot sans jamais en venir au but. Voilà pour la partie vie de famille : une histoire d’une banalité sans nom dont le seul aspect intéressant est à peine esquissé.

          L’envolée lyrique sur la création du monde maintenant. Eh bien elle on ne peut pas la rater ! C’est indéniable, elle est bien là. On se demande bien ce qu’elle y fait d’ailleurs. Pendant une bonne demie-heure, les images de coulées de lave, brins d’herbes, fonds sous-marins, cosmos et dinosaures dans une forêt (!!!!) se succèdent sur fond de chants religieux. C’est beau, certes, mais ça n’a rien à faire dans une histoire qui a déjà bien du mal à convaincre toute seule.

          La première demi-heure du film est d’un ennui mortel : à peine 10 phrases prononcées. Tout est décousu, on passe du coq à l’âne (dans ce cas précis, respectivement Sean Penn et Brad Pitt) en permanence, seules des bribes de pensées des personnages nous parviennent, souvent sous forme de prière. Bref, c’est fatigant.

          Ensuite, on passe au fameux passage sur les merveilles de la nature et les grands dinosaures. Jusque là la moitié de la salle somnolait, ça a au moins eu le mérite d’attirer l’attention de la foule. Attention qui s’est vite transformée en agacement, puis en effarement croissant. Quelques personnes ont quitté la salle à ce moment-là. Les autres sont restées pour voir jusqu’où on allait bien pouvoir sombrer dans la connerie. Et là, il s’est passé une chose incroyable. Une expérience cinématographique intense. Terrence Malick a réussi à perdre tous les spectateurs en même temps. Nous étions encore physiquement présents mais pas un n’était encore dans le film. Les gens ont commencé à discuter, se lever pour aller chercher à manger, ont été pris de rires nerveux compulsifs. Il est si rare de sentir une telle osmose dans toute la salle ! Partager avec son voisin son ressenti sur le film sans que personne ne s’offusque de la gène occasionnée. Et puis ce sentiment d’être en train de vivre ensemble quelque chose de fort : le visionnage (mot qui soit dit en passant ne semble pas exister ; d’après le tlfi, qui a toujours raison, on dit visionnement, je me permets donc volontairement un néologisme) d’un des pires films de tous les temps.

          Après les dinosaures sont partis, il y a eu un moment qui ressemblait presque à un film pas trop raté (voire même plutôt réussi) : l’histoire d’une famille avec un gamin insupportable et un père un peu con. Mais le mal était fait. Il n’y avait plus de retour en arrière possible. On est ensuite repartis dans un délire mystique histoire de bien finir. On a tous regretté que les dinosaures ne refassent pas leur apparition pour clôturer en beauté. Je trouve qu’il y a eu un léger manque de créativité de ce côté-là…

          A ça s’ajoute la soupe religieuse qu’on nous sert au passage : tous les gens sont gentils au fond d’eux et il faut tous les aimer. Dieu est grand, la vie est belle. Il faut souffrir pour accéder au bonheur. Je vous en passe, et des meilleures. Le seul personnage sympathique de ce film est une pub à elle toute seule pour la nouvelle édition de la Bible. Je n’ai pas compris où il voulait en venir avec son film sous forme de prière hallucinatoire. J’ai bien peur que ce soit à prendre au premier degré : du bourrage de crâne religieux. C’est fait de manière tellement ridicule qu’on se demande même comment c’est possible d’en arriver là.

          Un petit tour d’horizon rapide des points positifs tout de même. Le choix des acteurs est excellent. Je suis une inconditionnelle de Sean Penn, que ce soit en tant qu’acteur ou que réalisateur, difficile de juger de sa prestation ici tellement ses apparitions sont brèves. Brad Pitt, pas au summum de son élégance, est également très bon, comme à son habitude. Il écope d’un assez beau rôle. Je me demande toutefois si tous deux ont accepté le projet de leur plein gré, si on les a drogués avant ou s’ils avaient une arme braquée sur la tempe. Mais que sont-ils donc allé faire dans cette galère ? Jessica Chastain, dont c’est le premier rôle, est une découverte prometteuse. Une belle femme qui semble être doublée d’une bonne actrice. Elle a tourné dans 7 ou 8 autres films depuis le tournage de celui-ci et nous aurons donc l’occasion de la voir souvent à l’écran prochainement, en espérant que son talent se confirme.

         La musique, issue du répertoire religieux, est souvent très belle et impressionnante apposée aux images de chaos. De belles images également dans l’ensemble. Quant à ce qui est du semblant « d’histoire », l’idée d’un homme se questionnant sur ce qu’est la famille avant de devenir père à son tour était bonne. On aurait pu en faire un grand film, à la fois dur et émouvant. Les acteurs sont excellents. Félécitations aussi à celui qui a fait la bande-annonce qui donnait teriblement envie, ç’a a dû être dur de trouver 2 minutes de potables dans tout le film et d’en faire quelque chose.

          En résumé, une Palme d’or bien peu méritée. Un film incompréhensible sur fond d’obscurantisme religieux. Un délire digne d’un schizophrène qui aurait fumé un champ entier de pavot avant de se plonger dans une cuve d’absinthe (j’en profite pour signaler que la boisson de poètes maudits est à nouveau autorisée à la vente en France, après un siècle d’interdiction). Comme toujours, quand on ne comprend pas, on est tenté de crier au génie, voie qu’a visiblement choisie le jury cannois. D’autres ont parlé de nanard. Ce n’est pas non plus le terme que j’emploierais. Ce film n’est pas à proprement parler un navet. Il est foisonnant, les acteurs sont bons, il regorge d’idées – bonnes ou moins bonnes. Non, ce film n’est pas un navet, c’est simplement un énorme plantage. On attendait avec impatience le dernier chef-d’oeuvre du grand Terrence Malick, réalisateur si peu prolifique. Eh bien cette fois il est allé trop loin. Le génie ne suffit pas, et ce n’est pas parce qu’on est un grand nom du cinéma qu’on peut se permettre n’importe quoi. Il a perdu son public en route. La Palme du plus gros ratage de l’histoire du cinéma et de film le plus inutile de tous les temps.

          Fait rarissime : le film (qui dure 2h15, rappelons-le), a été abondamment sifflé à la fin de la projection.

           Pour aller plus loin, les critiques de la presse (surprenant, même quand elles se veulent bonnes elles sont quand même mauvaises. Et celles des spectateurs. Mes préférées, juste pour le plaisir

 – « Le sublime s’épuise en gaga new-age inquiétant. » Libération

– « The Tree of Life, le cinquième film de l’Américain, attendu depuis si longtemps, est d’une présomption tour à tour effrayante, dérisoire et bouleversante. (…) Un objet d’une difformité cosmique (et parfois comique), qui peut diviser un public et même un spectateur, entre émerveillement et exaspération. » Le Monde

– « Terrence Mallick fidèle à lui-même, livre un film-monument qui s’égare dans un symbolisme fumeux. » Télérama

« Bel exercice de branlette cinématographique. »

– « J’ai eu envie de me pendre à « l’arbre de la vie » ! »

13 commentaires sur “Tree of Life, de Terrence MALICK

  1. Ben dis donc… Ça donne presque envie de le voir tellement ça a l’air mauvais ! J’ai toujours du mal avec les palmes d’or, à croire qu’elle ne peut être décernée qu’à des films incompréhensibles.

    1. Honnêtement, je trouve que ça vaut presque le coup d’aller le voir pour se rendre compte à quel point ce truc est obscur. A ce point là, c’est même plus de la nullité, c’est un stade supérieur qui n’est visiblement pas accessible au commun des mortels.

  2. J’attendais ton avis, qui a l’air de rejoindre la grande majorité. Au moins, tu as la mérite d’être claire. Le genre film que je fuis comme la peste !!

    1. Et moi donc ! Je me suis laissée avoir par l’affiche. Enfin, au moins j’aurai vu la Palme d’or. Si je n’y étais pas allée avant que tout le monde en parle, je pense que je me serais passée d’aller voir cette chose incompréhensible.

    1. Ah tiens, un film que je voulais aller voir à sa sortie et que j’ai complètement oublié d’aller voir, visiblement j’ai bien fait 🙂
      La critique est sur ton blog ?

    1. Je suis d’accord avec ta critique. Il n’y a pas que du mauvais dans ce film mais il est tellement déroutant et maladroit par moments qu’on se sait plus trop qu’en penser !

  3. Euh non a la rigeur je peux la publier (la je suis en plein dans la serie pour une chambre d’enfant), je peux la publier dimanche avec un autre dessin ca correspondra +

  4. Peut-être que je peux utiliser à meilleur escient deux heures de ma vie… ? (j’en ai déjà perdu presque deux avec « Le gamin au vélo »… ça va aller, merci!)

    1. Non mais ça vau quand même le détour, le moins qu’on puisse dire c’est que c’est surprenant… Après c’est sûr qu’il y a surement des façons plus agréables de dépenser 2h20

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