C’est la guerre, pour éviter d’avoir à fusiller le convoi de prisonniers qui arrivent, trois hommes partent à la chasse dans le froid. A la chasse au juif. Ils en trouvent un peu par hasard et vont tout faire pour repousser le moment du retour. Dans une maison abandonnée, ils vont tenter de faire un feu pour préparer le repas. Dans des circonstances si difficiles, les choses les plus simples vont prendre une toute autre tournure.
J’aime beaucoup la finesse et la sensibilité des romans d’Hubert Mingarelli. La guerre est un thème qu’il a déjà abordé dans d’autres ouvrages et la solitude est au coeur de son oeuvre. On retrouve donc ici des thèmes qui lui sont chers. Comme à son habitude, l’auteur s’attache à l’importances des petites choses de la vie dans des circonstances particulières. Un travail dans lequel il excelle. Le point de vue adopté est ici surprenant. En effet, si les romans sur la seconde guerre mondiale sont nombreux (bien qu’elle ne soit jamais nommée ici), rare sont ceux qui adoptent le point de vue du soldat allemand. Ceux-ci ne sont pas des héros, juste des hommes ordinaires qui obéissent aux ordres, qui font ce qu’ils ont à faire, et essaient d’échapper de leur mieux aux conditions de vie difficile. Cette moralité est particulièrement intéressante. On est face à trois êtres humains, ni meilleurs ni pires que les autres, simplement pris dans des rouages qui leur échappent. L’écriture un peu hachée semble reproduire le fil décousu de leurs pensées. Un roman qui surprend, qui déroute. Un univers âpre et poétique à la fois où on perd sais repères et ne sais pas toujours à quoi se raccrocher. L’identification à « l’ennemi » met mal à l’aise et pourtant, c’est bien là que réside toute la force de ce livre. Si le style est moins fluide que d’habitude et le sujet dérangeant, Mingarelli nous livre toutefois en cette rentrée un roman fort et poignant, encore et toujours tout en délicatesse.
Tout à l’heure nous avions traversé un village polonais, triste comme une assiette en fer qu’on n’a jamais lavée.
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Parce que si vous voulez savoir ce qui moi me faisait du mal, et qui m’en fait jusqu’au jour de maintenant, c’était de voir ce genre de choses sur les habits des Juifs que nous allions tuer : une broderie, des boutons en couleur, ou dans les cheveux un ruban. Ces tendres attentions maternelles me transperçaient. Ensuite, je les oubliais, mais sur le moment elles me transperçaient et je souffrais pour les mères qui s’étaient donné ce mal, un jour. Et ensuite à cause de cette souffrance qu’elles me donnaient, je les haïssais aussi. Et vraiment je les haïssais autant que je souffrais pour elles.
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