Franck vit à Paris, originaire du Lot, il n’a pas rendu visite à ses parents depuis 10 ans. A la mort de son frère, Alexandre, leurs rapports déjà difficiles ont fini de s’étioller. Louise, quant à elle, est la veuve de ce frère trop tôt disparu. Ils ne se connaissent pas vraiment, se sont à peine aperçus à l’enterrement des années plus tôt, mais ils vont par hasard se rencontrer à la ferme. Ces quelques jours passés ensemble va être comme une parenthèse qui permettra à chacun de redéfinir ses envies profondes.
Dès le premières lignes, ce roman surprendra les habitués de l’écriture de Serge Joncour. Point de trace ici de son cynisme coutumier. L’écriture est plus âpre, moins facile, elle semble plus travaillée, profonde. Cette légèreté perdue perturbe au début. On est habitués à dévorer les romans incisifs de l’auteur et voilà qu’il nous demande un effort, de nous poser, de réfléchir, de nous faire à un nouveau rythme. Les 50 premières pages sont là pour nous acclimater, poser le décor, présenter les personnages. On ne voit pas bien où on va, on se demande encore où est passé l’humour acéré qu’on attendait, on comprend que ce n’est pas ici qu’on le trouvera.
Et puis l’histoire prend de l’ampleur. C’est l’arrivée à la ferme, la rencontre de Franck et Louise, le retour aux sources. Franck retrouve malgré lui les souvenirs de cette enfance qu’il a essayé de tenir à distance. Les souvenirs reviennent : la chasse au sanglier, le travail de la terre, les jeux dans la rivière avec son frère. Une vie rude et simple, où si le quotidien n’est pas toujours facile, chacun sait où est sa place. Le ton est juste est l’analyse subtile. Ce que nous raconte l’auteur, chaque citadin aux origines terriennes l’a vécu, dans une certaine mesure. Chacun a ressenti un jour cet attachement à la terre qu’il a pourtant quittée, voire parfois reniée.
Quelle chose étrange, ce que j’aimais chez Serge Joncour, ce qui me semblait définir son style et être la clef de son talent était sans nul doute son cynisme, son humour grinçant qui frappe toujours juste, son ironie mordante qui n’épargne personne. Il n’y en a trace dans ce dernier roman mais comment expliquer alors que ça n’en soit que meilleur ? Débarassée de cette carapace dont on se délectait, l’écriture n’en est que plus fine, plus sensible, plus profonde et toujours reconnaissable pourtant. Le thème abordé est intime et cela se ressent dans la grande justesse de ce texte. On a trop peu parlé de ce roman ; certes, il n’est pas le plus flamboyant de cette rentrée, ni le plus polémique, mais il est sans doute celui qui nous touche le plus directement, en nous parlant simplement et avec une touchante sincérité de la douloureuse question des origines. Un très beau texte teinté de nostalgie qui a la rudesse et la beauté de la terre qu’on laboure.
Souvent il surprend chez lui une attitude que chez un autre il ne supporterait pas. Que les autres soient décevants, c’était fatalement concevable, mais s’y surprendre soi c’était mortifiant.
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L’incompréhension quand elle s’est installée avec les parents, elle ne se règle jamais, et vouloir la régler c’est créer une incompréhension de plus.
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Pas de cri, pas de souffle, pas d’éternité, on s’aime et on s’en tient là, l’amour sns y toucher, l’amour chacun le garde pour soi, comme on garde à soi sa douleur.
bonsoir,
ah ce livre me dit beaucoup, déja le titre est magnifique et j’ai aimé UV ou l’idole du même auteur, meme si contrairement à toi c’était plus sa plume que son humour ou son cynisme que j’avais revelé chez moi…quand tu vois son profil d’ailleurs, tu ne penses pas au forcément à avoir le type le plus drole de la terre :o) je sais, je fais du délit de faciès là ,c’est petit :o)
Non mais j’avoue que sur la photo il n’est pas très engageant 🙂 D’ailleurs son humour est très corrosif, pas exactement du genre boute-en-train (personnellement, j’aime autant). Mais pour ce dernier roman, il laisse de côté son cynisme légendaire et franchement, ça lui réussit plutôt bien ! C’est un très beau texte.
Merci pour ce superbe billet qui me donne très envie de découvrir cet auteur!
C’est un auteur qui a une très bonne plume et son dernier roman est sans aucun doute le plus abouti. Dommage qu’on en est aussi peu parlé.
Le titre donne envie déjà. Et ton article ne fait que confirmer cette envie. Il est définitivement sur ma liste, et rejoindra bientôt ma PAL, je pense.
Très bonne initiative ! 🙂 Dommage que ce livre soit un peu perdu dans la rentrée littéraire.
Photo de la couverture de L’amour sans le faire de Serge Joncour de Edward Olive photographe.
Oh ! Après l’auteur voici que le photographe me fait l’honneur de sa visite ! J’en suis flattée ! Très belle photo d’ailleurs, elle donne envie de découvrir le livre. Merci beaucoup.
Entièrement d’accord avec toi !
Je n’avais encore jamais rien lu de cet auteur, et je suis alors surprise d’apprendre que le style est carrément différent de celui d’avant.
Tant mieux si c’est meilleur.
En tous cas, j’ai trouvé ce roman lumineux.
J’ai beaucoup aimé aussi ! Je l’ai trouvé tout en finesse,ça fait du bien.