En 1953, quand s’ouvre le roman, Maria vit depuis plus de cinquante ans seule dans la maison de famille délabrée. On la surnomme « la sorcière de Waipu », elle qui très jeune se rebella contre sa mère pour vivre sa passion avec un cantonnier. Mise au ban d’une communauté encore très respectueuse des strictes règles morales édictées par son sourcilleux fondateur – l’autoritaire et charismatique Norman McLeod, avec qui sa grand-mère Isabella quitta l’Écosse en 1817 –, elle a tout le temps de se pencher sur le passé.
Je continue ma découverte de la littérature néo-zélandaise avec ce roman qui m’intriguait. Jusqu’à présent, je n’avais lu aucune autrice de ce pays. S’il y a bien un point commun entre ce texte et les autres romans écrits sur l’île que j’ai déjà lus (Sous la terre des maoris par exemple), c’est sa violence et sa dureté. C’est âpre, sans concessions. J’ai trouvé ce texte difficile à lire, particulièrement au début. On suit trois générations de femmes et j’ai mis un peu de temps à me faire à la structure du texte mais on s’y habitue et ensuite l’histoire n’est plus si difficile à suivre. En tout cas on est clairement sur une littérature exigeante qui ne sombre pas dans la facilité et peut rebuter.
Ce roman-ci ne parle pas du tout de la culture maorie mais des colons. Plus exactement d’une communauté religieuse qui après bien des pérégrinations s’est installée dans un coin reculé de Nouvelle-Zélande. Le moins qu’on puisse dire c’est que les femmes n’y jouissent pas d’une grande indépendance, ce qui va être loin de s’arranger avec le temps. C’est glaçant de penser que ce type de communauté existe réellement. Le personnage principal est une « sorcière », une femme qu’on a assignée à résidence, dans un passé pas si lointain ! Le récit s’efforce de retracer son parcours.
On commence loin avant elle, avec sa grand-mère, puis sa mère, mais si au départ cela peut sembler remonter trop loin ou ne pas avoir de lien direct, on comprend peu à peu comment leurs actions, leurs caractères, l’éducation qu’elles ont donné à leurs enfants ou leur place dans la communauté mènent au drame qui allait suivre. J’ai trouvé ça passionnant de voir cette évolution, de suivre ce fil. Ca permet de démonter certains mécanismes d’une manière que j’ai trouvée brillante. J’ai lu Sorcières de Mona Chollet en parallèle et j’ai eu l’impression de prendre une leçon de féminisme bien plus cruelle avec ce roman qu’avec l’essai somme toute très consensuel. Ca ne fait pas dans le sentiment, ça expose une vérité crue, insoutenable. Un texte très dense et poignant qui est parfois difficile mais dont je suis ressortie bouleversée et qui me hantera sans doute encore longtemps.
La peur est un phénomène étrange. On peut craindre toutes sortes de choses. La colère de Dieu, la façon dont d’autres gens voient le monde, les Maoris et les Dalmates, la distance et la séparation, et oui, certainement, la mort elle-même. Mais tout cela n’est rien, ce sont des peurs surmontables, si on n’a pas peur de soi-même. Si on observe une certaine vérité en s’adressant à sa propre conscience.
Il n’y a pas de Dieu, pas de paradis et pas d’enfer, sauf celui que les hommes et les femmes savent créer pour eux-même et pour les autres.
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