Au seuil des Corbières, les Testasecca habitent un château-fort fabuleux, fait d’une multitude anarchique de tourelles, de coursives, de chemins de ronde et de passages dérobés.
Clémence, dix-sept ans, bricoleuse de génie, rafistole le domaine au volant de son fidèle tracteur ; Pierre, quinze ans, hypersensible que sa sœur protège d’un amour rugueux, braconne dans les hauts plateaux ; Léon, le père, vigneron lyrique et bagarreur, voit ses pouvoirs décroître à mesure que la vieillesse le prend ; Diane, la mère, essaie tant bien que mal de gérer la propriété.
Ils sont ruinés. Dans l’incapacité d’assumer les coûts nécessaires à la préservation du domaine, ils sont menacés d’expulsion. Et la nature autour devient folle : des hordes de chevreuils désorientés ravagent les cultures.
Frondeurs et orgueilleux, les Testasecca décident de prendre les armes pour défendre le château, son histoire et finalement ce qu’ils sont.
Ce roman a été une des trop rares bonnes surprises que m’a réservé cette rentrée littéraire. J’ai beaucoup aimé le style. J’ai trouvé qu’il avait un côté très charnel, on peut presque sentir les odeurs de la garrigue audoise. Les sons, les odeurs, j’ai aimé la force d’évocation de ce texte. J’ai grandi pas si loin que ça des lieux où se déroule le roman et l’auteur parvient à parfaitement retranscrire l’âme des lieux : des terres rudes peuplées de légendes. D’un côté, le roman est très ancré dans la terre qu’on peut considérer comme un personnage à part entière. Et puis de l’autre, il y a les personnages justement, qui ont une dimension quasi mythologique. Ils sont aussi fantasques que le décor est réaliste, pour un résultat entre le conte et le roman du terroir. C’est déroutant, intriguant aussi.
J’ai bien aimé ce mélange inattendu. J’ai eu un gros coup de cœur pour ce style à part, tour à tour âpre et flamboyant. L’histoire m’a semblé presque anecdotique au milieu de ces descriptions fabuleuses (et pourtant on ne peut pas dire que j’aime beaucoup les descriptions à rallonge…). C’est l’histoire d’une famille de châtelains ruinés qui essaie de conserver son domaine envers et contre tout. Un chant du cygne qui ne manque ni de fantaisie ni de panache. J’ai parfois trouvé des longueurs à ce texte, avec des passages plus ou moins inspirés. Ca peine à tenir la distance malgré quelques scènes qui se démarquent.
Ca repose beaucoup sur le côté fantasque des personnages et leurs frasques mais je dois admettre que ce n’est pas quelque chose qui m’attire particulièrement. En revanche j’ai bien aimé les petits clins d’œil à l’histoire de la région disséminés tout au long de l’histoire avec un château, une mine mais aussi des choses plus terre à terre comme les querelles de voisinage ou les vignes. C’est un peu fourre-tout, là encore pas trop ma tasse de thé, mais ça a son charme. J’ai beaucoup apprécié l’écriture qui rend si bien les paysages et l’ambiance des collines audoises et l’amour immense que l’auteur porte à ses personnages et à la terre où ils vivent. Un roman du terroir aux accents baroques, un texte inclassable avec une forte identité qui, s’il n’est pas exempt de défauts a le mérite d’interpeler et de faire entendre une voix singulière.
Léon est comme un homme qui toute sa vie a cru vivre libre, mais vient de réaliser qu’il portait un joug invisible, celui d’une administration capable de décider du jour au lendemain de l’exproprier, de vendre ses vignes, de transplanter ses enfants.
________________
Quarante hectares de vigne font au château une traîne de mariée tantôt d’émeraude, tantôt de rubis ou d’or mat, transmuée dans l’hiver en mantille de veuve.
_______________
Il fallait que rien ne soit décidé pour de bon, et qu’on puisse, à chaque instant, rejouer la journée, de sorte que tout était toujours neuf, et que chaque seconde ressemblait à l’éternité.