Cinéma

Coldwater, un premier long métrage assez réussi

Drame, thriller, américain de Vincent Grashaw avec P.J. Boudousqué, James C. Burns, Chris Petrovski

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          Brad est un adolescent difficile qui deale dans son quartier, entraînant ses amis avec lui. Un jour, sa mère décide de le faire enfermer dans le centre de redressement pour mineur de Coldwater. Les adolescents y sont très isolés et y subissent de nombreuses violences. Ils n’ont aucun moyen de fuir et doivent se battre pour survivre. 

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          Je dois admettre que je ne savais à peu près rien de ce film avant d’aller le voir. Je dois avouer que j’ai été assez surprise par sa violence. Je connais assez mal les centres de redressements pour mineurs aux Etats-Unis et j’ai été assez étonnée par cette découverte. Le film a au moins le mérite de faire la lumière sur ce milieu très obscur, avec une violence qui risque de ne pas plaire à tout le monde. Je dois d’ailleurs dire que je l’ai trouvé assez réussi même si d’un point de vue formel, il a bien quelques défauts. Je crois qu’on peut résumer ça en disant que c’est un bon film américain.

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          Même si l’histoire se tient bien et est très intéressante, le film ne nous épargne quand même pas quelques clichés : le héros est un petit blond tout en muscles et quand il arrive malheur, ça tombe toujours sur les noirs et les hispanos. M’enfin… Cela mis à part, la réalisation est très classique mais efficace. Il n’y a pas un suspens fou mais une certaine tension naît au cours du film avant d’éclater dans un final radical mais assez réussi. Finalement, si ce film ne marque pas par son originalité, il a le mérite de mettre en avant un sujet intéressant avec efficacité.

Actualité·Culture en vrac

Une littérature pour grands ados ?

          Aujourd’hui, un article coup de gueule. La semaine dernière, Rue 89 publiait un article (à lire ici) sur la littérature pour grands ados, à savoir les 15/30 ans, nouveau créneau éditorial qui me sort par les yeux. Un papier qui m’a franchement agacée et m’a donné envie de me lancer dans un coup de gueule libérateur. En effet, cette « niche » des 15/30 ans me paraît être un vulgaire coup marketing fumeux que des pseudos journalistes, qui ont oublié en route leur esprit d’analyse, prennent visiblement tout à fait au sérieux. Mais non, comme toutes les femmes ne se nourrissent pas exclusivement de crudités sans sauce et de produits allégés, tous les moins de trente ans ne fuient pas les librairies et ne recherchent pas la légèreté à tout prix.

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          Je suis la première à défendre une littérature pour adolescents, parfois de très bonne qualité, qui avec des thèmes d’actualité et un vocabulaire moderne qui permettent de se mettre à la portée des plus jeunes. On ne s’initie pas à la lecture avec Proust et il est normal à 15 ans de lire de la littérature qui nous est destinée plutôt que de se lancer dans l’intégrale de Roland Barthes. De là à vouloir vendre la même chose aux trentenaires qu’aux adolescents, il y a un pas que je ne suis pas prête à franchir. Enfants, nos parents nous lisent des histoires, puis ce sont nous qui nous mettons à lire des albums puis les premier romans pour la jeunesse, illustrés d’abord, puis qui s’étoffent peu à peu. On passe par plusieurs phases : les grandes histoires d’amitié laissent la place à des livres d’horreur. Et puis l’adolescence, où on aime les séries, s’attacher aux personnages et les retrouver de livre en livre parce qu’il est rassurant de rester dans le même univers, empli de magie de préférence. Vient ensuite l’envie de lire autre chose, envie de grandir, de faire comme les adultes. Une évolution constante, une construction de ses goûts de lecteurs qui se fait peu à peu, d’où ma perplexité face une tranche d’âge qui durerait 15 ans et viserait pèle-mêle l’adolescente qui rentre au lycée et le jeune cadre dynamique.

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          Il y a de très bons romans pour adolescents ou jeunes adultes, là n’est pas le problème, mais comme on n’écrit pas des livres pour les 5/15 ans sans distinctions, on ne devrait pas en écrire pour les 15/30. 15/20 à la limite, et puis 20/30 à la rigueur… Ce sont des âges où on change encore énormément, où on vit tout un tas d’expériences : premiers amours, premier appartement, premier boulot ; on n’est clairement pas le même à 15 ans qu’à 30 et c’est bien normal. Je me demande à quel moment on a commencé à considérer les jeunes costards/cravate de La Défense comme de grands ados. L’infantilisation des jeunes adultes me laisse pantoise. J’ose espérer qu’à 25 ou 30 ans (c’est plus ou moins long selon les individus, je vous l’accorde), on est un adulte à part entière et non pas une espèce de grand enfant qui a besoin qu’on le prenne par la main. Je crois sincèrement que si à 30 ans on n’est pas encore sorti de l’adolescence, il n’y a plus d’espoir d’en sortir jamais. Je ne comprends pas cette infantilisation qui semble s’étendre d’année en année à des tranches d’âge de plus en plus vastes. Et je ne comprends pas que les premiers concernés se laissent ainsi faire sans broncher.

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          Je ne dénie à personne le droit de lire ce qui lui chante, on prend tous plaisir à lire des choses différentes et il n’y a aucun mal à cela ; en revanche, j’aimerais qu’on arrête de tout mélanger pour arranger les services commerciaux des grandes maisons. Personnellement je ne me considère pas comme une cible à part. Je lis à peu près de tout (sauf de la littérature pour jeunes adultes justement…). Je lis aussi bien des classiques que des nouveautés, de la littérature exigeante que des choses plus légères, de la littérature française que de l’étrangère, beaucoup de romans certes, mais aussi quelques essais, et un peu de poésie ou de théâtre à l’occasion. Bref, je lis ce qui me chante et essaie de me construire une culture littéraire acceptable, avec une constante soif de découverte. Je me sens donc vaguement insultée quand on m’explique qu’à mon âge, on va plutôt vers des choses plus légères et écrites pour nous, ce que j’ai plus ou moins abandonné depuis mes 12 ansQuand j’étais enfant, à 8 ans j’étais fière de lire des livres marqués « à partir de 12 ans », à 12 ans mes premiers romans « sérieux », à 15 les classiques piqués à la bibliothèque parentale. Je voulais grandir et la littérature était là pour m’y aider. Aujourd’hui, on ne veut plus que les livres nous fassent grandir, on veut qu’il nous ramène vers l’enfance dont on refuse de sortir.

SALON DU LIVRE ET DE LA PRESSE JEUNESSE 2010

          Je trouve ça d’une tristesse sans nom… On vendra bientôt l’intégrale de Oui-oui à de jeunes cadres dynamiques qui, les pauvres, n’ont pas le temps de lire des choses plus sérieuses. Ce qui m’agace, ce n’est pas que des trentenaires lisent de la littérature pour adolescent(e)s, s’il y trouvent du plaisir, ça ne regarde qu’eux, mais que les maisons d’éditions nous prennent par la main pour nous diriger vers cette littérature-là. Jusque-là la littérature adulte échappait un peu aux inepties publicitaires destinée à appâter le chaland. A 25 ou 30 ans, on est largement assez grand pour choisir seul ce qu’on veut lire, sans avoir besoin qu’on nous consacre des collections « adaptées ». Ces nouvelles prétendues niches m’exaspèrent au plus haut point. On a déjà des journées de dingues, surexploités, sur-diplômés et sous-payés, on n’a pas besoin de se sentir pris pour des imbéciles par dessus le marché. Moi qui a 15 ans était toute fière de lire enfin la même chose que les adultes, j’aimerais continuer à échapper à ces tranches d’âges improbables et restrictives. Ne peut-on pas dépenser son énergie à autre chose qu’à s’évertuer à coller les gens dans des petites cases bien étiquetées ? Non, vraiment, j’apprécierais que les jeunes cons du marketing éditorial qui n’ont jamais ouvert un bouquin nous foutent la paix et arrêtent un peu de nous prendre pour des buses.

Cinéma

The we and the I

          Comédie dramatique américaine de Michel Gondry avec Michael Brodie, Teresa Lynn, Lady Chen Carrasco.

          C’est le dernier jour de l’année scolaire. Des lycéens plutôt dissipés montent dans un bus pour un dernier trajet entre l’école et chez eux avant les vacances. Ce trajet banal est l’occasion de montrer la violence ordinaire : insultes, bousculades, railleries. Mais au fur à mesure des arrêts, le bus se vide et la force du groupe s’étiole. Les personnalités de chacun commencent à se détacher et les rapports s’apaisent en même temps que chacun laisse apparaître ses fêlures.

          N’aimant pas trop les huis clos et moins encore les engueulades au cinéma, j’étais quelque peu réticente en allant voir ce film. Cependant, connaissant le talent et la créativité de Michel Gondry, je ne pouvais laisser passer son dernier film, toujours gage de nouveauté. Ainsi, j’allais plus voir ce film en tant qu’expérience cinématographique qu’en m’attendant à être réellement emballée. Eh bien, eh bien, ne faisons pas durer le suspens plus longtemps, mes craintes se sont dissipées dès les premières minutes pour laisser place à un réel enthousiasme.

          J’ai beaucoup aimé ce film. C’est filmé de manière assez sobre, ce qui rend le jeu de ces adolescents très naturel. On ne se sent pourtant pas dans un mauvais documentaire (ni un bon d’ailleurs), grâce à une grande inventivité dans la mise en scène : des flash-back nous aident à comprendre les histoires de ces jeunes, le dessin est utilisé pour évoquer leurs rêves, c’est visuellement assez varié et on sort finalement régulièrement de ce bus pour prendre une petite bouffée d’air. J’ai trouvé ce film extrêmement réaliste et pourtant Michel Gondry parvient à dépasser cette réalité par un oeil extérieur à la fois juste et bienveillant. Il parvient à retranscrire la violence sans créer le malaise, rendant même ces adolescents plutôt sympathiques, il nous fait rire de leurs maladresse sans pour autant se montrer moqueur, il nous émeut même. Entre documentaire et film d’auteur, à la sobre et créatif, il se dégage de ce film une force incroyable. Un petit bijou d’esthétisme, humaniste et intelligent. Ce film n’est peut-être pas renversant, il n’impressionne pas, il n’en met pas plein la vue, mais Michel Gondry arrive pourtant à un équilibre et une justesse qu’on ne voit que trop rarement. Il n’y a qu’une chose à dire, bravo.

Cinéma

Les enfants de Belle Ville

          Drame iranien d’Asghar Farhadi avec Taraneh Alidoosti, Babak Ansari, Faramarz Gharibian

          Abkar vient d’avoir 18 ans. Il était en centre de détention pour mineur après le meurtre de sa petite amie en attendant d’avoir l’âge d’être exécuté. Son anniversaire sonne la fin de la trêve. Son seul espoir est de convaincre le père de sa victime d’accorder son pardon. Sa soeur et son meilleur ami vont unir leurs force pour tenter de le sauver.

          Le film est construit autour de la tension qui entoure la demande du pardon dans cette circonstance extrême. Le rythme est extrêmement lent et le style assez aride. J’ai bien aimé le tout début, ensuite j’ai été un peu déroutée par le déroulement des évènements. Le film est assez intimiste avec peu de personnages et une économie d’énergie troublante. Je n’aime pas beaucoup les engueulades au cinéma et autant vous dire que côtés cris j’ai été servie ! Des thèmes intéressants sont évoqués avec simplicité : le devoir, la religion, l’amitié, le pardon, l’amour…  C’est l’aspect de ce film qui m’a le plus convaincu. Ainsi que la manière dont le réalisateur se passe de juger ses personnages. Chacun a ses convictions et ses raisons pour cela, toutes sont exposées, sans donner de réponse au spectateur. J’ai trouvé cette manière de traiter le sujet intelligente. C’est ce qui fait tout l’intérêt de ce film par ailleurs pas dénué de défauts quant à la réalisation et au scénario. Datant de 2004 et inédit en France, il préfigure ce qui fera le succès du réalisateur notamment dans Une séparation. Trop âpre à mon goût, mais pas inintéressant, une séance mitigée.

Cinéma

Detachment, de Tony KAYE

          Drame américain de Tony Kaye avec Adrian Brody, Marcia Gay Harden, James Caan.

          L’histoire d’un professeur remplaçant qui arrive dans un nouveau lycée, avec de nouveaux monstres à supporter pendant un mois. Des adolescents difficiles, parfois violents et souvent profondément malheureux. Il fait de son mieux pour les aider et les intéresser à la littérature classique, sans pour autant se faire beaucoup d’illusions. C’est d’autant plus compliqué qu’il a lui-même une vie un peu chaotique. Au fond n’est-il pas aussi paumé que ceux qu’il essaie de sauver ?

          Autant le dire de suite : LE chef-d’oeuvre de ce début d’année. Ce film est magnifique, profond, bouleversant. La critique lui a reproché un trop grand idéalisme. Certes, le personnage principal est un homme bien comme il n’en existe (presque) que dans les films (oui, je veux croire qu’il existe aussi des hommes bien pour de vrai) mais il est suffisamment désabusé et torturé pour être crédible. Quand on connaît mon peu de complaisance avec les histoires larmoyantes, je crois qu’on peut raisonnablement supposer que si je n’y ai pas vu de mièvrerie c’est qu’elle doit être très bien cachée… ou que le critique était amer face à la perfection d’Adrian Brody, au choix.

          Parce que oui, Brody est exceptionnel. On a dit que c’était son meilleur rôle depuis Le pianiste, eh bien oui ! Le rôle est magnifique et il est parfait dedans. Son interprétation est d’une intensité rare. Cet homme est incroyable, j’étais déjà sous le charme mais là je suis totalement bouche-bée devant un tel talent. J’ai trouvé cette histoire très sensible. Les questions posées sont universelles et il n’y a pas de volonté d’imposer de réponses préfabriquées, simplement d’ouvrir à la réflexion. La mise en scène est très réussie, originale et inventive. A vrai dire je n’ai rien à reprocher à ce film (j’ai juste noté une incohérence dans une scène, histoire de chipoter un peu) : on frôle la perfection. J’ai été au bord des larmes du début à la fin, pas que ce soit particulièrement triste ou larmoyant mais c’est poignant. Ca m’a un peu rappelé un film sorti il y a quelques années, Half Nelson, en mieux encore. Un film bouleversant qui aurait mérité qu’on en parle plus et mieux.