Cinéma

Mommy, Xavier Dolan à son meilleur

Drame canadier de Xavier Dolan avec Antoine-Olivier Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément

« Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir. »

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          Avec un peu de retard, je suis allée voir le film dont tout le monde parle en ce moment. Xavier Dolan est un jeune prodige qui en est à son 5° film à seulement 25 ans. Depuis qu’il a obtenu le Grand Prix du Jury à Cannes, le monde du ciné à les yeux rivés sur lui et tous ceux qui n’étaient pas à la projection cannoise attendaient avec impatience la sortie de ce que tous semblaient considérer comme un chef-d’œuvre. Ayant relativement peu de temps à consacrer au cinéma en ce moment, je n’ai pas vu ce film aussi rapidement que je l’aurais voulu (à savoir le jour même de sa sortie), ce qui fait que j’avais lu tant d’articles et entendu tant d’éloges à son sujet que je frôlais la saturation avant même d’avoir mis un pied dans la salle. Et forcément, quand on a entendu dire tant de bien d’un film, on se demande comment on pourrait ne pas être déçu. Eh bien il n’en fut rien !

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          J’ai vraiment adoré ce film de bout en bout même si je ne suis pas sure de savoir au juste comment en parler. La première chose qui frappe, c’est le format carré, très inhabituel. Moi qui ai du mal avec les plans serrés, je craignais de me sentir un peu oppressée par ce format qui resserre sacrément l’image. Finalement, j’ai trouvé qu’il était très bien utilisé. L’image est délestée de tout superflu, le décor s’efface pour laisser toute la place aux personnages. Ca leur donne une présence incroyable, d’autant plus que les acteurs sont excellents, notamment celui qui joue le jeune garçon, époustouflant. Moi qui ai du mal avec les engueulades au cinéma et les personnages un peu survoltés, pour une fois c’est passé (presque) tout seul tant ça respire le naturel. Un exploit. Ces personnages paumés et au bord du gouffre sont terriblement attachants.

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          Ce qui m’a surprise, c’est que malgré tout, ce film ne m’a en rien semblé triste. Il y a certes des coups durs mais dans l’ensemble j’ai trouvé qu’il s’en dégageait une certaine joie de vivre. J’ai toujours bien aimé ce mélange de drame et de joie et Xavier Dolan le réussit ici à merveille. La bande-son est également extrêmement bien choisie. Plus que les morceaux en eux-mêmes, c’est leur mise en contexte qui est très bien pensée. Je ne vais pas m’étendre plus tant tout à déjà été dit sur ce film. Je ne peux que me ranger aux côtés de l’immense majorité de ceux qui ont aimé. Il y a une énergie communicative chez Xavier Dolan qui gagne en maturité au fil des long-métrages, estompant peu à peu les défauts qu’on lui connaissait. Il est plus que jamais le jeune génie québécois à suivre. Porté par un trio d’acteur époustouflant, un film magnifique qui comporte quelques moments de grâce.

Cinéma

Tom à la ferme, un thriller époustouflant

Thriller franco-canadien de et avec Xavier Dolan. Avec Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roy

          Un jeune publicitaire voyage jusqu’au fin fond de la campagne pour des funérailles et constate que personne n’y connaît son nom ni la nature de sa relation avec le défunt. Lorsque le frère aîné de celui-ci lui impose un jeu de rôles malsain visant à protéger sa mère et l’honneur de leur famille, une relation toxique s’amorce bientôt pour ne s’arrêter que lorsque la vérité éclatera enfin, quelles qu’en soient les conséquences.

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         De Xavier Dolan, je n’avais vu que Les amours imaginaires qui m’a laissé un souvenir pour le moins marquant. En effet, ce film tourné avec très peu de moyens m’avait totalement fascinée. J’étais tombée dessus un soir sur Canal+ et malgré l’heure tardive, je n’avais pu me détacher de cet ovni cinématographique. J’avais honteusement raté Laurence Aniways et quand j’ai vu qu’il sortait son 4° film, Tom à la ferme, j’étais aux anges, pressée de découvrir ce que le petit génie québécois nous avait réservé. Ici, le jeune réalisateur change un peu de registre avec un film moins axé sur les sentiments (quoi que ce soit discutable) pour virer plus vers le thriller (dont on trouvais déjà les prémices dans certains passages des Amours imaginaires). J’avoue avoir été très surprise par ce film et je ne sais trop comment vous en parler sans trop en dévoiler.

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          Je ne sais pas au juste à quoi je m’attendais sachant que Xavier Dolan n’est pas du genre à faire dans le classique mais en tout cas certainement pas à ça. Je savais qu’on sortait du côté sentimental de ses précédents films et je crois que je pensais avant tout avoir affaire à une histoire de deuil, même si je me doutais un peu que ça n’allait pas être aussi simple… Certes il y a de ça, mais c’est aussi (et surtout) tellement plus ! Le deuil est le point de départ de ce film et reste très présent, toutefois, on retrouve aussi la « marque » de Xavier Dolan avec une réflexion sur le regard de l’autre et l’acceptation qui est très subtile et donne une belle profondeur à l’ensemble. Mais surtout, ce film est avant tout un excellent thriller !

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         Je n’en dirai pas plus sur l’histoire pour ne pas gâcher le suspens mais la mise en scène est extrêmement réussie. Il ne se passe finalement pas grand chose d’exceptionnel mais chaque détail est pensé pour laisser songer au pire. Une force de suggestion redoutablement efficace. Le film est sobre mais très réfléchi : chaque scène est construite intelligemment et on monte peu à peu en puissance, chaque plan est millimétré et il y a quelques images fortes même si on est très loin d’une réalisation esthétisante. Il y a au milieu une scène de toute beauté, éblouissante dans ce décor assez chiche (oubliez la ferme bucolique, la réalité est plutôt un grand hangar mal entretenu au milieu de champs d’une platitude déconcertante). La musique est à mon sens le point faible de bien des films, ici, bien que très présente, elle souligne parfaitement les sous-entendus de l’histoire et contribue grandement à créer l’angoisse ou l’émotion.

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          J’ai vu ce film en avant-première et il était présenté de manière originale. Dans l’esprit ciné-club, avant la projection, l’oeuvre est analysée, sans bien sûr en dévoiler le contenu, mais de manière à offrir des pistes de lecture. Pour cela, différents extraits étaient proposés dont une chanson de la Reine des neiges, des extraits de Witness avec Harrison Ford ou de Misery. Le point commun a tous ces extraits est le travail ou la ferme. Toutefois, la présence de Misery dans cette sélection m’avait un peu interpellée. Finalement, chaque extrait était très bien choisi et venait éclairer différents aspects du film de Xavier Dolan. J’ai trouvé cela tout à fait passionnant et ça met en avant la manière dont ce film entre en résonance avec une certaine forme de cinéma et se la réapproprie.

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          Le moins qu’on puisse dire c’est que ce film ne laisse pas indifférent et les commentaires ont été pour le moins nombreux à la sortie. J’y suis allée avec une amie et j’ai été heureuse de pouvoir en discuter avec elle tant nous étions sonnées. Nous avons passé une grande partie du film accrochées à nos fauteuils en état de stress intense. Xavier Dolan crève l’écran, il est presque aussi bon acteur que réalisateur, ce qui n’est pas peu dire ! Ce film est fait avec peu de moyens : une poignée d’acteurs et Xavier Dolan à peu près partout au générique restreint, mais on oublie vite cet aspect tant on se retrouve plongé dans cet univers dépouillé et un rien sordide. Il y a là quelque chose qui tient de l’exploit. Je ne pense pas que tout le monde accrochera avec cette ambiance très noire mais ce qui est certain, c’est que le cinéma de Xavier Dolan ne laisse pas indifférent ! A 25 ans, il confirme son statut de petit génie du cinéma avec une inventivité et une maîtrise qui forcent le respect. Un film sombre et angoissant, impeccable de bout en bout, dont on ne ressort pas tout à fait indemne : âmes sensibles s’abstenir.