Mes lectures

Nuuk, Mo Malo

Dans les villages du Groenland, une étrange épidémie de suicides touche les jeunes gens. La misère sociale et la rudesse climatique n’expliquent pas tout. Après un long passage à vide, la hiérarchie de Qaanaaq Adriensen l’a autorisé à reprendre son poste de chef de la police de Nuuk. Mais sous deux conditions : être suivi par une thérapeute et renoncer aux expéditions sanglantes qui ont fait sa réputation. Il découvre que les morts sont liées par les traces du passage d’un mystérieux chamane chez plusieurs victimes. Et partout où se rend le policier, lui sont livrées, colis après colis, les pièces d’un puzzle macabre.

J’avais découvert Mo Malø avec son précédent roman, Diskø. J’avais beaucoup aimé cette enquête du grand Nord et la manière dont l’environnement est mis en scène dans ses romans. La culture locale y tient une place centrale, c’est une bonne initiation aux traditions et au mode de vie du Groenland dont je ne savais absolument rien. Si l’histoire est un peu alambiquée, son originalité rattrape amplement les petites faiblesses et j’avais hâte de retrouver notre inspecteur.

Couverture de Nuuk de Mo Malo

Je n’ai pas été déçue par cette suite. L’enquête est tout aussi tordue, si ce n’est plus ! Ce qui n’est pas peu dire. C’est particulièrement alambiqué mais plutôt malin et bien mené, j’ai adoré. Les mythes inuits y ont encore plus de place que dans le roman précédent, ils pourraient presque être considérés comme un personnage à part entière tant ils sont au centre du récit. Je trouve que c’est l’énorme point fort de Mo Malø : nous plonger dans une culture si différente de la notre et nous faire ressentir un peu du froid et de la nuit qui l’habitent.

Mo Malø a beaucoup de talent pour recréer des univers et nous immerger dans ces contrées glacées, ce qui en fait un conteur de polar redoutable. Ses enquêtes sont aussi délicieusement tordues que palpitantes avec une manière intelligente d’exploiter le décor. Ses personnages sont toujours un peu « cassés » ce qui les rend attachants et terriblement humains. J’apprécie beaucoup la singularité de cette série. Si le style est classique, ça n’en reste pas moins terriblement efficace. Du polar comme on les aime : haletant de bout en bout.

Portrait de Mo Malo

Le lieu offrait une vue agréable sur le rivage et sur la mer, où un petit troupeau d’icebergs indolents broutait l’écume.

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Une décharge le traversa. L’excitation. Il se sentait à nouveau si vivant. Être flic : cette névrose dont on ne se débarrassait jamais tout à fait. Ce poison si doux qu’on en oubliait les interdits comme les injonctions.

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Uki est la spécialiste des tatouages cousus à Nuuk. C’est l’une des toutes dernières dans le pays à les exécuter encore.

Mes lectures

Diskø, Mo Malø

          Au Groenland, dans le poste de la police locale, les journées sont longues. L’inspecteur danois Qaanaaq Adriensen et son adjoint, l’Inuit Apputiku Kalakeq, tuent le temps en jouant à la roulette groenlandaise, une variante de la roulette russe. Jusqu’au jour où, sur la baie touristique de Diskø, un cadavre est retrouvé figé dans la glace d’un iceberg. Seuls son visage et le haut de son torse sont visibles. Une glissade dans une crevasse est si vite arrivée… Mais l’affaire se complique. La victime, un scientifique américain, n’est pas tombée : elle a été piégée vivante dans le bloc de glace. Qui aurait pu concevoir une haine assez puissante contre cet homme, ou ce qu’il représentait, pour vouloir lui infliger une fin aussi terrible ?

          Je ne sais pas bien pourquoi je n’avais pas lu le premier roman de Mo Malø. Sans doute était-il sorti dans une période où j’avais beaucoup de nouveautés à lire et où je ne pouvais plus lire assez vite tous les romans qui m’arrivaient. Toujours est-il que bien que j’en ai eu l’opportunité, je n’avais pas accepté de services de presse pour ce roman (oui, je reçois beaucoup de services de presse mais c’est un autre sujet). Mais ayant rencontré l’éditrice à Quai du Polar ce printemps, je me suis laissé convaincre de laisser une chance à Mo Malø et ses polars venus du grand froid.

Couverture du roman Disko de Mo Malo

          Elle a bien eu raison d’insister parce que j’ai beaucoup aimé ce roman et j’ai bien vite regretté de ne pas avoir lu le premier ! Même s’il est tout à fait possible de commencer directement par celui-ci. Si l’enquêteur est un personnage récurent et que quelques allusions sont faites à ce qu’il lui est arrivé dans le roman précédent, les enquêtes sont quant à elles indépendantes. La prose est assez simple mais efficace. Pas de grands effets de style, l’auteur va droit au but et le fait bien. C’est sans chichis mais c’est loin d’être mal écrit pour autant.

          C’est par son histoire que ce roman se fait remarquer. C’est terriblement efficace en plus d’être particulièrement original. On est au Groenland, terre à part s’il en est, où la neige et la glace sont omniprésentes. L’auteur joue de cet univers glacé pour construire son intrigue avec beaucoup d’à propos. C’est très malin. Le paysage se retrouve au cœur de l’enquête, créant une atmosphère très particulière que j’ai beaucoup appréciée. J’ai apprécié que le roman est pour toile de fond des sujets de société comme l’écologie. Il nous permet également d’en apprendre plus sur le pays, aussi bien d’un point de vue politique que concernant ses coutumes. C’est un aspect du livre que j’ai particulièrement apprécié.

          Si je devais émettre quelques réserves, ce serait sur la fin, où l’histoire personnelle du personnage principal prend un tour assez nébuleux. Toutefois, si c’est un peu perturbant sur le moment, ça laisse supposer une suite potentiellement intéressante, avec un homme pour le moins tourmenté. A voir comment cela évolue au fil du temps et si l’auteur parvient à exploiter au mieux ce qu’il commence doucement à mettre en place. De construction assez classique dans l’ensemble, ce roman est un polar efficace dont la grande originalité réside dans son histoire intelligemment écrite. Une belle découverte, 100% Groenland. 

Portrait de Mo Malo

De leur vivant, les hommes parlent beaucoup ; mais ils mentent tout autant. Les dépouilles des défunts, elles, ne font que murmurer ; mais leurs chuchotements sont la vérité même.

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Être flic , cela revenait bien souvent à se contenter que la situation ne s’aggrave pas. A se réjouir que les morts ne s’empilent plus, ni sur la table du légiste, ni dans sa conscience.