Expositions

Indiens des plaines au Musée du Quai Branly

            Qui n’a pas rêvé enfant devant un western et ses histoires de cow-boys et d’indiens ? Dans l’inconscient collectif, les Indiens d’Amérique sont clairement définis, avec leur tenue en peau, leurs chevaux et la coiffe en plumes de leurs chefs. Sans oublier bien sûr les tipis et autres calumets de la paix. Loin de ces clichés, le mode de vie des indiens des plaines est à découvrir au musée du Quai Branly.

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          On a tous en tête des images faussée des indiens d’Amérique, pour moi, c’est surtout l’image des chefs indiens de Lucky-Luke ; bien que j’en aie vu bien d’autres représentations et que j’ai eu l’occasion de me documenter un peu sur le sujet à travers des livres ou des reportages, cette image continue à me poursuivre. Mais quelle part de réalité dans tout ça ? Ne sommes nous pas très éloignés de ce qui fut la vraie vie de ces peuples ? D’autant que ceux que l’on appelle les « Indiens » d’Amérique n’ont rien d’un peuple uni – ni d’un peuple tout court d’ailleurs tant l’appellation est large, un peu comme si on disait « les africains » ou « les européens » – mais représentent une grande diversité de tribus, plus ou moins importantes, qui possèdent chacune leur langue, leur culture, leurs croyances. Certaines sont proches, alliées parfois, d’autres sont en guerre, beaucoup de se connaissent même pas. En effet, quel lien entre le Sud du Texas et le Nord du Canada ? On oublie souvent l’immensité de ce territoire, avec ses différences de paysage et de climat qui entraînent forcément des modes de vie pour le moins variés. Impossible donc des parler des Indiens au sens large sans se lancer dans des généralisations et des clichés. Comment alors rendre compte de ce que fut la vie de ceux qui vivaient en Amérique avant l’arrivée des colons ? Le Musée du Quai Branly répond en partie à cette question en proposant une exposition axée sur le mode de vie des Indiens des plaines, qui vivaient essentiellement au centre des Etats-Unis.

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          Bien que le restriction soit déjà importante, une carte avec la liste des tribus indiennes et leur territoire respectif montre déjà la grande diversité que recouvre cette dénomination « d’indiens des plaines ». Ils couvrent un territoire assez large, parlent différentes langues et n’ont pas la même culture. Toutefois, des recoupement sont possible de par une certaine unité dans le paysage qui pousse à des modes de vie souvent similaires. Le climat n’est pas le même au sud et au nord mais on trouve toutefois des points communs dans les modes de vie adoptés dans cette zone médiane des Etats-Unis. J’ai trouvé très intéressante la partie qui montre cette diversité, carte à l’appui. Cela aide à prendre conscience d’une réalité qui semble aller de soi en y réfléchissant mais qui étrangement m’avait en partie échappée, sans doute en grande partie à cause des représentations simplistes dont nous sommes abreuvés. J’ai simplement trouvé un peu dommage que cette foule d’informations soit rassemblée à l’entrée et qu’on ne revienne pas dessus par la suite. J’ai malheureusement retenu très peu de choses en raison du flot de donné qui m’est tombé dessus d’un coup et j’aurais bien aimé, que des points de détails soient repris par la suite pour aider à la mémorisation.

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          J’ai été plus mitigée sur la suite du parcours. On commence par les œuvres modernes, ce que je trouve assez illogique. En effet, pour voir en quoi l’art moderne puisse dans les traditions et les réinvente, ne faut-il pas déjà avoir une certaine connaissance de celles-ci ? Vous me direz que bien sûr on voit tous à peu près à quoi ressemble l’art indien, ses coiffes en plume, ses tuniques de peau ornées de perles et ses patchworks. Mais justement, n’avons nous pas en tête des images erronées qui demandent à être ajustées en se confrontant à la réalité de ces objets devenus mythiques ? Personnellement, je n’avais jamais vus certains de ces objets avant (et pour les autres je les avais justement découvert au Quai Branly il n’y a pas si longtemps…). Bref, il me semblait plus logique de nous montrer d’abord l’artisanat traditionnel afin de comprendre plus finement comment l’art moderne s’en inspire.

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          Après les objets des XX° et XXI° siècles (dont certains très intéressants par ailleurs), nous passons à l’artisanat traditionnel, dans l’ordre chronologique cette fois. Il y a des pièces absolument splendides et j’ai été impressionnée par l’incroyable état des conservation de la plupart d’entre elles. J’ai trouvé cela vraiment émouvant. J’aurais parfois aimé avoir un peu plus d’explications sur certains objets à l’usage ou à la confection un peu obscurs. Toutefois, je crois que l’audioguide répondait à la plupart de ces zones d’ombres (un ami l’avait pris et a donc éclairé ma lanterne). L’exposition est riche et m’a pourtant laissé un peu sur ma faim. Tous les objets traditionnels sont exposés dans la même pièce, qui est vraiment immense. L’avantage c’est que la chronologie saute ainsi aux yeux de par le sens du parcours et, plus terre à terre, on se marche moins dessus, même en cas de grande affluence (ce qui était le cas, il y a avait un monde fou avec des enfants et des poussettes partout, je n’avais jamais vu ça !). Le revers de la médaille c’est que j’ai trouvé ça extrêmement froid (et je ne parle pas de la température glaciale qui y règne).

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          Je suis sans doute un peu futile mais c’est vrai qu’un bel accrochage m’aide à me concentrer sur ce qu’il y a dans les vitrines. Une exposition trop linéaire finit par me lasser quelque peu. Je trouve d’habitude le Quai Branly extrêmement imaginatif et j’aime beaucoup la manière dont ce musée joue généralement avec l’espace. Ce côté empilage dans un hangar m’a donc un peu déçue. Les panneaux explicatifs sont accrochés au plafond, ce qui est plutôt une bonne idée sauf qu’en cs d’affluence majeure, s’arrêter pour les lire est presque suicidaire ; dommage. Un grand mur est dédié à des points d’histoire particuliers (Buffalo Bill par exemple). L’idée est bonne, simplement, il faut choisir entre suivre le parcours qui zigzague dans le pièce selon une logique chronologique impeccable ou s’arrêter sur ces panneaux. Nous avons fait le choix de suivre d’abord l’exposition et une fois au bout, je dois avouer que j’avais moyennement envie de jouer des coudes pour retraverses toutes la pièce afin d’aller lire les textes. J’en ai donc ratés pas mal, ce que je regrette un peu (je me rattraperai si j’y reviens un jour où il y a moins de monde).

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          Malgré l’intérêt des pièces exposées, j’ai eu du mal à me faire une idée précise du mode de vie des indiens des plaines. Beaucoup d’objets du quotidien n’étaient pas ou peu présents (arcs et flèches par exemple, ou attrape-rêves qu’on retrouve pourtant à la boutique souvenir). J’ai eu l’impression de voir essentiellement des vêtements, certes splendides, mais qui ne m’ont pas suffi à appréhender le mode de vie de ces tribus de manière plus globale même si la chasse ou la croyance dans les esprits sont évoqués à diverses reprises. J’aurais sans doute aimé que ces questions aient une place plus centrale. C’est un pari-pris très compréhensible mais pas de traces non plus des représentations « caricaturales » des Indiens. Quelques dessins ou extraits de films en fin de parcours auraient permis de comprendre comment ces représentations se sont construites et ainsi de mieux combattre les a priori profondément ancrés.

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          Le sujet abordé est très vaste et il était bien entendu impossible de tout dire, de tout montrer. J’ai malheureusement trouvé que l’exposition peinait à trouver un fil conducteur et à s’y tenir même si les contraintes étaient énormes et qu’on peine à voir comment ils auraient pu s’en sortir à moins de faire une exposition qui se serait étendue sur l’ensemble du musée et qu’il aurait fallu deux jours pour visiter. J’ai aimé ce que j’ai vu, réellement. J’ai été bouleversée comme rarement devant un porte-bébé ou une robe brodée dont l’éclat m’a subjuguée. Ce qui n’empêche pas d’éprouver certains manques. Je crois que j’ai trouvé le tout un peu froid. Malgré l’intérêt porté à chaque chose, j’ai eu du mal à me représenter la vie de ses gens dont pourtant on a tous vu maintes représentations. Une exposition riche, intéressante et belle mais qui laisse des vides béants et manque de vie. Malgré ses trésors, elle ne parvient pas à nous transmettre l’esprit de ces Indiens des plaines.

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Indiens des plaines

Musée du Quai Branly

37 quai Branly – 75007 Paris

Du 8 avril au 20 juillet

Tous les jours sauf lundi de 11h à 19h ou 21h selon les jours

9€ exposition seule, 11€ avec les collections permanentes

Mes lectures

Little Bird – Craig Johnson

          Walt est le shérif d’un comté tranquille du Wyoming et espère arriver à la retraite sans encombre, à mener une vie paisible en réglant quelques conflits de voisinage, en mettant fin à des bagarres dans les bars ou en verbalisant les chauffaurds sur les routes tranquilles. Mais c’était sans compter sur la découverte du corps de Cody Pritchard, un adolescent condamné avec sursis deux ans plus tôt avec trois autres gamins pour le viol d’une jeune indienne, Mélissa Little Bird. Une mort qui a comme un air de vengeance…

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          Je n’avais rien lu de Craig Johnson mais tous ceux qui avaient lu ce roman m’en avaient vanté les mérites. Pourtant, lisant bien moins de polars qu’avant, j’ai attendu bien longtemps avant de m’attaquer à cette lecture ! J’ai une tendresse toute particulière pour les romans des grands espaces et les éditions Gallmeister ont un talent inouï pour dénicher ce qu’il se fait de mieux dans le genre. Je leur fais donc une confiance aveugle et ce n’est pas cette lecture qui me fera changer d’avis ! Dès les premières pages, j’ai bien aimé l’univers mis en place par l’auteur. L’écriture est assez sobre mais recèle un certain humour qui contraste joliment avec la rudesse des personnages. Mais c’est la nature qui est réellement au centre du texte avec de longues descriptions de paysages qui en ennuieront peut-être certains mais qui personnellement me fascinent toujours et me donnent même parfois l’envie de sauter dans le premier avion pour aller voir de mes propres yeux les merveilles que je découvre en quelques lignes expertes.

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          Du côté de l’enquête, on reste dans un scénario relativement classique même si l’auteur s’amuse à brouiller les pistes en intégrant des éléments venu des cultures amérindiennes qu’il explique au compte goutte, jouant à laisser un peu le lecteur dans le flou. Il aime aussi le mener sur de fausses pistes en évoquant de nombreuses possibilités donc bien souvent on sent bien qu’elles ne mèneront à rien, tant et si bien qu’on ne sait plus trop que croire à la fin. Ceux qui aiment l’action risquent d’être déçu, le rythme est assez lent, avec un certain nombre de digressions qui ne font pas franchement avancer l’enquête. L’inspecteur, un rien dépressif avec un certain penchant pour la bouteille, a une forte tendance a l’introspection qui prend pas mal de place dans ces pages. Le roman se construit entre ses problèmes personnels, le rapport à l’environnement (que ce soit la nature, les gens qui nous entourent ou la culture dans la quelle on a grandi) et l’enquête proprement dite ; un aspect de l’écriture que j’ai beaucoup aimé. Les personnages sont attachants et leur univers nous fait voyager. Un roman agréable à lire et intéressant dont le dénouement a réussi à me surprendre.

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Son ton était hésitant et j’étais certain qu’il y avait quelque chose à creuser, là. Alors, j’avais utilisé un de mes vieux trucs de flic et je lui avais demandé s’il n’y avait pas quelque chose qu’elle voulait me dire. Elle avait utilisé un de ses vieux trucs de mère et m’avait répondu non. Les trucs de flics ne font pas le poids devant les trucs de mère.

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Oh, Walt. Toutes les femmes de la ville te courent après. T’imagines si, en plus, t’étais beau ?

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Henry se disait que la raison pour laquelle les Cheyennes avaient toujours chevauché des appaloosas au combat c’était qu’une fois que les hommes étaient arrivés sur le champ de bataille, ils étaient tellement en colère contre leurs chevaux qu’ils étaient prêts à tuer tout le monde.

Cinéma

Même la pluie, d’Iciar BOLLAIN

          Drame historique franco-hispano-mexicain de Iciar Bollain avec Gael Garcia Bernal, Luis Tosar, Carlos Aduviri.

          Sebastian, jeune réalisateur passionné et son équipe arrivent dans le décor somptueux des montagnes boliviennes pour entamer le tournage d’un film. Les budgets de production sont serrés et Costa, le producteur, se félicite de pouvoir employer des comédiens et des figurants locaux à moindre coût. Mais bientôt le tournage est interrompu par la révolte menée par l’un des principaux figurants contre le pouvoir en place qui souhaite privatiser l’accès à l’eau courante. Costa et Sebastian se trouvent malgré eux emportés dans cette lutte pour la survie d’un peuple démuni. Ils devront choisir entre soutenir la cause de la population et la poursuite de leur propre entreprise sur laquelle ils ont tout misé. 

          Un film qui me tentait beaucoup et que j’avais bêtement raté au moment de sa sortie. Fort heureusement, Canal + m’a permis de réparer cette grave erreur ! J’attendais beaucoup de ce film dont on m’avait beaucoup parlé. J’aime généralement assez le cinéma sud-américain, surtout quand il est engagé (ce qui est assez souvent le cas). Je trouvais de plus l’idée de la mise en abîme très intéressante. Et puis il y a Gael Garcia Bernal. Qui dit mieux ?

          Avec pareil point de départ, difficile de ne pas ressortir déçu, et pourtant, c’est un pari réussi. Ce film est impressionnant. Le parallèle entre les indiens du temps de Colomb et le traitement qu’on leur inflige aujourd’hui, s’il demeure subtil, est particulièrement éloquent. On n’est pas dans une bête opposition gentils/méchants, courageux/couards, etc, etc. S’il y a forcément un peu de ça, parce que tout de même il y en a qui sont plus responsables que d’autres dans les atrocités commises, les personnages sont contrastés. Là encore, c’est valable tant pour les personnages que pour ce qu’on entraperçoit  à travers le film des hommes qui ont fait l’Histoire.

           Un film intelligent et bien mené. L’histoire, assez complexe, est efficace. Les acteurs sont très bons. Mais on savait déjà que Gael Garcia Bernal frôlait la perfection, je ne vous apprend donc rien. Je n’ai pas grand chose à redire à ce film. Sur la fin, c’est sans doute un peu tiré par les cheveux. Il y a une scène où on se croirait presque dans un film de zombis où le héros reste seul dans une ville dévastée. Cette fin pourrait être dommageable. Après tant de saloperies dites ou faites pour l’amour de l’art, se découvrir une conscience sur la fin est une concession aux normes hollywoodiennes dont le réalisateur aurait peut-être pu se passer. Cela dit, on lui pardonne parce que 1) il reste assez de protagonistes lâches et sans pitié pour que l’équilibre du monde soit préservé, 2) on a beau dire, au fond, on aime bien quand même les « belles » histoires quand elles sont bien racontées.

          J’ai beaucoup aimé ce film. Assez inhabituel dans la manière dont il est construit, avec une mise en abîme habilement réalisée. Il aborde la question épineuse du massacre des indiens assez intelligemment, tentant de présenter le sujet dans toute sa complexité. Le parallèle fait avec la manière dont sont actuellement traités les indiens est également intéressant. On peut peut-être toutefois regretter qu’il ne soit pas un peu plus appuyé et que le réalisateur ne prenne pas une position plus marquée. Cela dit, malgré mon amour pour les films engagés, cela aurait vite pu sombrer dans la caricature. Arrêtons donc de chipoter et concluons en disant que ce film a tout pour lui. Un grand moment de cinéma.