Mes lectures

Black Manoo, Gauz

Une chronique de la vie de Black Manoo, un Ivoirien arrivé à Paris dans les années 1990, entre drogue, musique, amitiés et rencontres amoureuses.

Couverture du roman Black Manoo

De Gauz, j’avais adoré Camarade papa et son style inimitable. On change totalement de genre cette fois. C’est toujours bien écrit mais on rigole beaucoup moins. Je dois admettre que si j’ai bien aimé ce roman, je ne sais pas trop quoi en dire. C’est agréable à lire, l’histoire est bien : c’est pas mal. On suit Black Manoo, un ivoirien débarqué à Paris dans les années 90. On est loin de la ville lumière, allant de squat en squat et montant un resto clandestin. On y croise une galerie de personnages hauts en couleurs qui se débrouillent comme ils peuvent pour survivre.

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Petit pays, Gaël Faye

          En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. 

          J’avais beaucoup entendu parler du roman de Gaël Faye au moment de sa sortie. On en disait de toutes parts le plus grand bien. Après hésitation, je ne l’avais pas acheté sur le moment, attendant sa sortie en poche. Ce n’est sans doute pas plus mal, ça m’a permis d’oublier un peu entre-temps ce que j’avais pu entendre à son sujet. Je vais mettre les pieds dans le plat (pour changer) mais j’ai été un peu déçue par ce roman. Ou en tout cas pas tout à fait aussi enthousiasmée que je l’espérais.

Couverture du livre Petit Pays

          L’écriture est agréable ne m’a pas non plus emballée outre mesure. C’est simple et ça fait le boulot à défaut d’être un style particulièrement marquant, ça se laisse lire (c’est déjà pas si mal me direz-vous). Du côté de l’histoire en revanche, j’ai trouvé que ça coinçait un peu. Au début du moins Toute la première moitié est d’un intérêt très mitigé. L’auteur y raconte une enfance finalement très privilégiée et extrêmement protégée où il ne se passe pas grand-chose. Il a en plus un petit côté sale gosse assez exaspérant. Je me suis longtemps demandé pourquoi on avait autant parlé de ce texte.

          Toutefois, la seconde moitié marque une réelle rupture et on rentre dans le vif du sujet avec l’arrivée de la guerre et ses scènes d’horreur. Si dans un premier temps la famille du personnage est assez épargnée vivant dans un quartier résidentiel tranquille, peu à peu l’atrocité de la situation les rattrape et les dernières scènes sont particulièrement marquantes. Le basculement dans les horreurs de la guerre semble inexorable, malgré toutes les précautions. Les faits sont décrits avec simplicité mais avec beaucoup de justesse et on se représente sans mal les scènes de violence et de mort décrites par l’auteur.

          Si l’enfance protégée de la première partie permet surement de trancher plus surement encore avec le déferlement de violence qui va suivre et de montrer à quel point personne n’y échappe, j’ai toutefois trouvé que ça prenait beaucoup de place dans le récit. Cela crée un déséquilibre qui rend l’ensemble un peu bancal. C’est d’autant plus dommage, qu’en effet l’auteur signe dans la deuxième moitié de ce court roman un grand texte, particulièrement poignant. Un récit en demi-teinte mais qui après un début laborieux finit avec brio pour un résultat intéressant et marquant qui malgré tout mérite d’être lu.

Portrait de Gaël Faye, auteur de Petit pays
Photo : Jérôme Fouquet

Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.

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Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance. Ce qui me paraît bien plus cruel encore.

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L’Américaine, Catherine Bardon

          Septembre 1961. Depuis le pont du bateau sur lequel elle a embarqué, Ruth tourne le dos à son île natale, la République dominicaine. En ligne de mire : New York, l’université, un stage au Times. Une nouvelle vie… Elle n’en doute pas, bientôt elle sera journaliste comme l’était son père, Wilhelm.

          J’avais bien aimé Les déracinés, précédent roman de Catherine Bardon. Bien écrit malgré quelques maladresses dans le style par moments mais surtout avec une histoire passionnante et méconnue : celle des juifs qui fuyant la guerre ont atterri en République dominicaine pour y établir un kibboutz. Les personnages principaux sont très attachants et leur épopée est un vrai régal à suivre. J’ai appris énormément de choses en lisant ce livre et j’ai beaucoup apprécié la mise en lumière de ce pan d’histoire absolument incroyable.

L'Américaine, Catherine Bardon, couverture

          Je ne pouvais donc pas laisser passer la sortie de ce second tome ! Dès les premières pages, j’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver les personnages à me replonger dans le style de l’auteur qui a évolué et s’est affirmé. C’est très bien écrit et agréable à lire. La première partie m’a vraiment séduite, bien que le personnage de la jeune ? ne soit pas celui auquel je suis le plus attachée, un peu enfant gâtée à mon goût, je peine parfois à m’émouvoir des déboires de cette jeune femme. Mais cela n’empêche pas de la voir tout de même évoluer avec un certain plaisir et d’aimer se replonger dans la vie de cette famille.

          La seconde moitié m’a un peu moins convaincue. J’ai trouvé que ce second tome n’avait pas la profondeur du premier. Si le style a évolué est que j’ai trouvé qu’il avait gagné en qualité (et en régularité surtout), en faisant un roman particulièrement agréable à lire, l’histoire n’a pas la même portée. On retombe sur des choses plus classiques avec cette jeune femme qui se cherche un peu et hésite dans ses études, ça n’a pas la profondeur du premier roman. Toutefois la quête des origines n’est pas inintéressante et offre de beaux passages. Un roman dans la continuité du premier, avec belle plume mais une histoire moins touchante pour ce second tome toutefois plutôt réussi. On se prend à espérer une suite…

Portrait de Catherine Bardon

A l’aube d’écrire page de ma vie, j’avais besoin de ce lent arrachement à ma terre natale, et surtout, je m’étais mis en tête de refaire à l’envers le voyage qui avait amené Wilhelm et Almah Rosenheck, mes parents, sur cette île, plus de vingt ans auparavant.

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Je ne les avais pas connues et une fois de plus, malgré mon âge, Hannah et Esther, qui n’avaient jamais été pour moi que des ombres, des visages sur des photographies jaunies aux bords dentelés, me manquaient cruellement.

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Ici les femmes ne rêvent pas, Rana Ahmad

          L’auteure raconte son parcours et sa rébellion contre l’éducation musulmane sunnite qui lui a été imposée en Arabie Saoudite. Contrainte de porter le hijab à 9 ans et le niqab à 13 ans, elle découvre le monde par la biais d’Internet puis des livres et de la science. Menacée en raison de son engagement pour les droits de l’homme et de la femme, elle se résout à quitter son pays et sa famille.

          Voici un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire de septembre. Oui, tout comme je ne finissais plus de lire, je ne finis plus d’en parler mais je crois bien que ce livre est le dernier ! avec 6 mois de retard donc… Je ne pensais pas en venir à bout donc je suis assez fière d’y être finalement arrivé, peu importe le temps que ça aura pris. Mais revenons-en à nos moutons. J’avoue que j’apprécie souvent de lire ce genre de témoignages, même si le style n’est pas toujours au rendez-vous. C’est toujours intéressant de découvrir d’autres cultures à travers des parcours extraordinaires. J’étais donc ravie de me lancer dans cette lecture et je n’ai pas été déçue !

Couverture d'Ici les femmes ne rêvent pas

          L’histoire est très forte. C’est celle d’une jeune femme qui nous raconte comment, élevée dans une famille aimante, elle a vu son horizon se restreindre au fil des ans : devoir cacher ses cheveux en plus de cacher son corps, ne plus pouvoir faire de vélo, ne plus pouvoir sortir seule… Des libertés petites ou grandes dont elle se retrouve privée au fur et à mesure qu’elle devient une femme. Finis les rêves et les ambitions. La femme est avant tout une fille, une épouse, une mère, elle n’a pas d’identité propre, ses aspirations ne comptent pas.

          L’auteur nous raconte son parcours, comment elle a vécu ces frustrations, comment elle a essayé de s’adapter à sa condition, mais aussi et surtout comment elle a peu à peu changé de regard, appris ou réappris à réfléchir par elle-même, à se demander quelle vie elle souhaitait vraiment. On veut peu à peu éclore une jeune femme indépendante et brillante, qui a de l’ambition et doit se cacher car ses convictions pourraient lui coûter la vie. J’ai aimé suivre son parcours et la voir évoluer peu à peu au fil de ses lectures clandestines. J’ai trouvé son histoire vraiment passionnante.

          Surtout, bien qu’elle ait fui et qu’elle ait réussi à sortir de ce carcan, la jeune femme parle de son pays et plus encore de sa famille avec une certaine tendresse, notamment s’agissant de son père. Elle semble garder plus de tristesse que d’amertume de cette rupture difficile et j’ai trouvé sa manière de raconter très touchante. C’est à la fois sans concessions et empreint d’une certaine tendresse. La fuite, l’errance qui a suivi, puis l’arrivée en Europe n’ont évidemment pas été chose aisée, même si elle a eu la chance de trouver de l’aide sur son chemin. Un parcours chaotique qui laisse entrevoir les difficultés immenses qui attendent celles qui voudraient suivre ce chemin. Quant à celles qui vivent dans une société qui opprime à ce point les femmes, je peine à m’imaginer leurs souffrances. Je ne peux que compatir et espérer qu’un jour l’égalité sera la norme. Un récit courageux et bouleversant, un de mes gros coups de cœur de la fin d’année.

Portrait de Rana Ahmad

J’ai vingt-neuf ans. Une femme divorcée à Riyad, avec un diplôme d’anglais, quelques années d’expériences professionnelles et un ordinateur portable dans son sac. Je quitte mon domicile sans bagages ni certitudes, je marche vers l’inconnu.

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Je tente de saisir l’enchaînement des faits. Un instant plus tôt, j’avais encore une bicyclette à moi et je pouvais sentir le vent dans mes cheveux. A présent je dois les couvrir et je n’aurai plus le droit de sortir seule quand nous serons revenus à Riyad. (…) Abandonner un vélo pour un voile, voilà qui me fait l’effet d’un bien mauvais troc.

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Les femmes saoudiennes n’iront pas en enfer. Il y a longtemps qu’elles y vivent.

Mes lectures

Les exilés meurent aussi d’amour

          Shirin a neuf ans quand elle s’installe à Paris avec ses parents, au lendemain de la révolution islamique en Iran. Dans cette tribu de réfugiés communistes, le quotidien n’a plus grand-chose à voir avec les fastes de Téhéran. Shirin découvre que les idéaux mentent et tuent.

          Les bonnes surprises de la rentrée de septembre se seront fait attendre (comment ça je suis super à la bourre dans mes articles ?!) mais elles se sont enchaînées sur la fin, me laissant finalement un goût  presque pas amer. Je n’irai pas jusqu’à dire que ça m’a fait oublié les 3 mois de souffrance où j’ai enchaîné les lectures au mieux médiocres mais ça m’aura au moins évité de me dégoûter définitivement de la littérature contemporaine, c’est déjà ça (non, je ne change pas d’avis, la rentrée littéraire 2018 reste le pire cru que j’ai connu !)

Couverture du roman Les exilés meurent aussi d'amour

          J’ai beaucoup aimé ce roman où on suit une petite fille et sa famille à leur arrivée en France. Voir le monde avec ses yeux apporte une certaines fraîcheur. Si des sujets sérieux sont abordés, il y a toujours un décalage dû à l’âge de la narratrice qui leur donne une touche de légèreté. C’est bien écrit et très agréable à lire. La famille – aussi dysfonctionnelle soit-elle – est décrite avec beaucoup de tendresse et on a vite l’impression d’en faire un peu partie. Les personnages ont des caractères forts, décrits avec un certain humour qui les rend attachants (enfin, presque tous).

          A travers cet histoire d’intégration, on en apprend pourtant un peu plus sur la culture iranienne et j’ai trouvé leur rapport à leur nouvelle patrie intéressant. Ils tentent de reproduire dans leur nouvel environnement la vie qu’ils ont laissé derrière eux et de trouver de nouveaux repères dans un monde qui leur est étranger. J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur, qui allie gravité et humour et raconte son histoire avec beaucoup de tendresse. Il y a un côté assez merveilleux dans sa manière de conter, même s’il s’estompe un peu au fil des pages, devenant plus sombre sur la fin. Un premier roman très réussi, intéressant et bien écrit. Une très belle surprise.

Portrait d'Abnousse Shalmani

Ce que rappelle ce « ghazal » à ma famille, c’est que pour elle, il ne faut jamais regarder la vérité en face et encore moins la dire (la dire, c’est l’accepter et c’est intolérable) et si le mari est homosexuel, mieux vaut raconter une histoire qui deviendra un mythe, une plaie béante dans le cœur des descendants

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Il est impossible de pleurer la nostalgie, c’est l’hymne national de l’exil. L’exil est une identité, un langage, un passé sans avenir. L’exil est une île où se retrouvent tous ceux qui n’ont ni le visage du pays natal ni celui du refuge : ceux qui sont trop vieux pour oublier et pas assez jeunes pour se fondre, ceux qui restent toute leur vie sur une île qui flotte sur des océans qui ne leur appartiendront jamais.