Une autobiographie qui ne s’affiche pas. Du narrateur, on ne sait que peu de choses. Il ne se nomme pas et se dépeint essentiellement par sa relation aux autres. A son frère tout d’abord, qui a aimé une femme toute sa vie, alors que lui en a connu des dizaines sans jamais s’arrêter avec une seule. Et puis sa relation avec une femme justement. Celle avec qui il pensait passer le reste de sa vie enfin et emportée si vite par un cancer. Un livre comme un hommage à la femme aimée.
Avec ce livre, Erik Orsenna entre dans la sphère de l’intime. On le connaît drôle et avide d’instruire, avec ses livres sur la grammaire et l’orthographe par exemple, plus sérieux avec un ouvrage sur le coton, ou imposant avec L’exposition coloniale. Mais jamais on ne l’avait vu ne serait-ce qu’approcher des sujets plus personnels. Un changement d’orientation total et réussi.
Dès les premières phrases, on retrouve le style léger de l’auteur, si aisément identifiable. La narration est pour le moins surprenante : à la 3° personne, avec un point de vue interne. L’auteur parle de lui-même comme s’il était un personnage qu’il observait de l’extérieur, le ressenti en plus. Etrange et déroutant mais ça donne un style incroyable à ce livre. Pas de long récit détaillé ici. L’auteur semble seulement effleurer les souvenirs, passant de l’un à l’autre sans jamais s’y arrêter vraiment. J’ai trouvé agréable cette manière d’avancer dans l’histoire par petites touches. Cela donne l’impression d’une certaine pudeur dans l’évocation des sentiments qui est touchante. Un très joli texte.
Une carrière, l’idée même de faire une carrière lui ayant toujours semblé le comble de l’appauvrissement personnel, et la curiosité étant, à l’évidence, son unique vocation, il s’était employé à varier les univers à varier ses univers de travail.
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Voilà d’ailleurs comment éduquer ses amis : les habituer à ne jamais s’étonner de vos questions. Et voilà comment il faut s’éduquer soi-même : tout faire pour, néanmoins, continuer d’étonner ses amis.
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La maladie est une présence. La plupart des gens guéris sont des orphelins.