Les « vaches de Staline », c’est ainsi que les Estoniens déportés en Sibérie désignèrent les maigres chèvres qu’ils trouvèrent là-bas. C’est aussi le titre du premier roman de Sofi Oksanen, dont l’héroïne, Anna, est une jeune finlandaise née dans les années 1970, qui souffre de troubles alimentaires profonds. La mère de celle-ci est estonienne, et afin d’être acceptée de l’autre côté du « Mur », elle a tenté d’effacer toute trace de ses origines et de taire les traumatismes de l’ère soviétique.
Il y a quelques temps, j’ai découvert Sofi Oksanen avec Purge, dont on avait beaucoup parlé lors de sa sortie en France. J’en gardais un très bon souvenir (même si à relire ma critique, il semblerait que le style ne m’ait guère convaincue… l’histoire en tout cas valait le détour). J’avais donc acheté ensuite Les vaches de Staline, le premier roman de l’auteur. Il a bien longtemps dormi sur mes étagères avant que je me décide à l’en déloger. Il a même figuré durant plusieurs années sur ma liste de lecture de l’année, mais ça y est, c’est à présent chose faite !
Le roman alterne entre deux récits (voire 3 sur le dernier tiers) : celui d’une jeune femme estonienne qui quitte son pays pour épouser un finlandais, et celui de sa fille des années plus tard, anorexique et boulimique. Vient se mêler par moment l’histoire de la génération précédente, lors de la guerre en Estonie. Des récits forts et parfois difficiles qui se lisent à petite dose et demandent parfois un peu de temps pour être digérés. L’histoire de la mère est avant tout celle de la nostalgie de son pays, du choc des cultures en passant à l’Ouest et des désillusions qui ont émaillé son parcours, d’un côté comme de l’autre de la frontière.
Mais le récit que j’ai trouvé le plus réussi reste celui de la jeune fille. Sans jamais tomber dans le pathos, l’auteur parvient à nous faire partager un peu de son quotidien, et surtout de son ressenti. C’est souvent dur, pesant, mais aussi assez touchant. Ca permet sans doute d’appréhender un peu mieux ce type de troubles. Le roman est un peu long parfois et a tendance à tourner en rond sur la fin mais j’ai trouvé que sa grande force venait de cette capacité à nous faire entrevoir le quotidien de cette jeune femme. Un premier roman qui manque un peu de rythme mais traite un sujet fort avec un certain talent. On en ressort chamboulé.
Je n’ai plus de souffle. Il faut que je .arrête de parler Que je réduise mon corps au silence, que je l’aplatisse par terre comme sous une tapette à mouche. Il ne demande plus beaucoup. Encore un peu… Juste un peu. Si peu.
_______________
Le socialisme ne réussirait jamais ailleurs que sur le papier pour la simple raison que les doigts de tout le monde ne se tendent que vers soi, vers l’intérieur, même quand la main s’avance pour donner.