Mes lectures

La lettre à Helga

          Bjarni a vécu un amour aussi bref qu’impossible avec Helga. A la fin de sa vie, depuis la chambre de sa maison de retraite qui donne sur l’ancienne ferme de sa bien-aimée, il lui écrit une lettre dans laquelle il lui dit tout : ses regrets et ses joies ; son amour pour elle, mais aussi pour sa terre natale, les pêches solitaires, ses moutons et la nature sauvage.

livre_l_572074          Ce roman qui se présente sous la forme d’une longue confession se lit d’une traite. Je craignais un peu de m’ennuyer dans ce monologue sur l’amour qui, avouons-le, n’est pas trop ma tasse de thé. Un peu peur de tomber dans les clichés, que le propos ne peine à se renouveler et s’enlise rapidement, sombrant dans la mièvrerie en voulant jouer sur la corde sensible. Les critiques m’avaient toutefois un peu rassurée de ce côté-là : une belle déclaration d’amour, qui n’en fait pas trop ; mais tant qu’on n’a pas lu, la crainte persiste pourtant, les romans d’amour, c’est quitte ou double : soit on passe totalement à côté, soit on est embarqué et c’est alors magique.

          L’écriture de ce texte peut s’avérer assez déroutante. En effet, on est habitué aux histoires d’amour pleines de tendresse et de bons sentiments. Il semblerait que la guimauve supporte très mal le climat islandais et gèle sous ces latitudes. Tout y paraît plus dur et plus froid, comme les terres arides malmenées par le vent violent de l’hiver qui donne au paysage des teintes un peu grisées, un peu inhospitalières à première vue peut-être et tellement plus authentiques pourtant. Une force incroyable se dégage de ces lignes au parler franc, voire parfois cru, mais jamais vulgaire. La confession d’un homme simple qui parle sans détours et se livre sans retenue.

29331-253          Mais avant tout, la véritable force de ce texte tient à mon sens dans le fait qu’il soit en réalité une double déclaration d’amour, à la fois à la femme aimée, mais aussi et surtout à sa terre natale. Car s’il n’a pu aimer la première comme il aurait voulu, c’est qu’il n’a pu se résigner à quitter la seconde. Un choix impossible entre Helga, qu’il désire plus que tout, et la ferme qui l’a vu naître, son mode de vie, ses racines en somme, dont il sent bien qu’en homme simple il ne pourrait se détacher sans devenir un ivrogne de plus englouti par la ville.

          Je me suis immergé pendant quelques heures dans la campagne islandaise en compagnie de cet éleveur de mouton. J’aurai presque pu ressentir sa souffrance devant ce choix impossible. Que la vie peut-être cruelle parfois ! J’ai beaucoup aimé ce roman qui m’a fait voyager, loin très loin et m’a donné – si besoin était – envie d’aller errer sur les terres islandaises. Une écriture rude et simple, comme le personnage, des sentiments francs et purs pour un roman aussi vivifiant que l’air islandais. C’est beau, c’est très beau, c’est simple surtout. Et universel.

birgisson-bergsveinn-347C’est quand les gens tournent le dos à leur histoire qu’ils deviennent tout petits.

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Je me souviens avoir dit que les sociétés humaines étaient comme des pommes. Plus elles sont grosses, moins elle ont de goût.

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Les foyers d’aujourd’hui sont sacrément pauvres du point de vue de notre culture. Les objets qu’on y trouve viennent des quatre coins du monde, le plus souvent sans indication de leur lieu d’origine.
Or quelle est la différence entre un objet fabriqué maison et un autre qui sort de l’usine ? Le premier a une âme et l’autre non.

          Vous pouvez trouver la très jolie lettre d’un libraire au personnage ici  ou des informations complémentaires sur le site des éditions Zulma là.

J’ai lu ce roman dans le cadre des matchs de la critique littéraire Price Minister et lui attribue la note de 17/20.

Mes lectures

Linda Lê, A l’enfant que je n’aurai pas

          Comme son titre l’indique, ce texte est une lettre à l’enfant que l’auteur n’a pas eu. Parce qu’elle a eu une relation difficile avec sa mère qu’elle avait peur de reproduire, parce qu’elle n’en ressentait ni l’envie ni le besoin, parce qu’elle souhaitait garder sa liberté, l’auteur explique à l’enfant qu’elle n’aura pas les raisons pour lesquelles elle ne l’a pas conçu. 

          Je n’aime généralement pas beaucoup les récits intimes, autant dire que ça commence mal. Toutefois, je me suis lancée dans la lecture de celui-ci car je voulais depuis longtemps découvrir cet auteur et qu’il me semblait qu’un texte court serait un bon début. Première impression plutôt positive, l’écriture est très belle. Le style est soutenu, les phrases bien tournées, le tout est élégant. On n’est plus habitués à un tel raffinement et c’est bien agréable.

          Malheureusement (eh oui, il y a toujours un « mais »), j’ai trouvé le style assez peu approprié à l’histoire. Il me semble que si on écrit à un enfant imaginaire, on se le représente forcément en bas âge (« enfant » quoi), hors, qui parlerait de manière aussi sophistiquée à un tout petit ? On a beau ne pas avoir d’enfants, voire ne pas les aimer, ce langage me semble tout ce qu’il y a de moins naturel en la circonstance. D’autant qu’elle lui parle rarement directement, se parlant plutôt à elle-même. Ce récit tient plus de l’exercice de style que de la confession. Un cruel manque de naturel qui lasse vite. C’est dommage, le contenu comme la forme étaient pourtant intéressants. Un texte moyennement réussi mais qui m’a donné envie de découvrir cet auteur.

Et même quand nous aurions été déçus dans nos attentes, quand nous aurions été déçus dans nos attentes, quand il se serait révélé un gosse tout à fait ordinaire, sans aptitude particulière, un copieur collectionnant les zéro pointés et bon client des boîtes à bachot, nous lui aurions trouvé des qualités, telles que la serviabilité et la modestie.

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Et Big Mother nous inculquait des maximes puritaines, nous prémunissait contre les dévergondages et les lectures corruptrices, contre l’onanisme, cette pratique de futures traînées, contre les beaux discours des tentateurs qui se feraient une joie de suborner de calamiteuses gourdes dans notre genre, contre l’influence des camarades émancipées, au parler cru.

Mes lectures

Stefan ZWEIG, Lettre d’une inconnue

          Un homme reçoit un jour une lettre d’une inconnue qui, sur son lit de mort, lui déclare son amour. Elle l’a aimé toute sa vie durant, sans que lui ne la connaisse.

          A la première lecture de ce texte, j’avais été bouleversée. Tant d’amour sans jamais le moindre retour m’avait révoltée. J’étais exaltée par cette jeune fille si entièrement dévouée à une cause perdue. J’en avais eu les larmes aux yeux. On peut raisonnablement supposer que je devais moi-même être empêtrée dans une grande histoire d’amour impossible à ce moment-là (pour ceux qui l’ignorent, c’est un genre de spécialité « maison ») et que ce texte trouvait donc un écho tout particulier en moi. Depuis je me suis visiblement endurcie parce que si j’ai aimé ce texte, qui est évidemment toujours aussi remarquablement écrit, il n’a pas franchement déclenché en moi de bouleversement majeur. Je sais que c’est beau, je sais que je devrais pleurer, être touchée au moins mais non, impossible, mon romantisme semble s’être totalement évaporé. Toutefois, ceux qui ont un coeur en état de fonctionnement ne pourront qu’aimer ce très beau texte.

Extrait à venir