Cinéma

Conversation animée avec Noam Chomski

Documentaire d’animation français de et avec Michel Gondry avec Noam Chomsky

          Noam Chomsky a livré plusieurs interview à Michel Gondry. Ensemble, ils ont parlé de son parcours, de sa vision du monde. Le cinéaste a animé à la main cette conversation avec le linguiste et philosophe pour un résultat pour le moins surprenant.

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          Malgré quelques ratés, j’aime généralement assez l’univers de Michel Gondry. Quant à Noam Chomsky, j’ai forcément entendu parler de lui durant mes cours de linguistique. En lettres modernes ceux-ci sont très très nombreux et bien qu’ils m’aient rarement passionnée et que je me sois empressée d’en oublier le plus possible, le penseur américain fait toutefois partie de ceux dont j’ai retenu le nom ; essentiellement car il a largement contribué à dépoussiérer cette matière très figée depuis l’arrivée du structuralisme (même si dans les facultés le changement est long à venir, c’est bon de savoir qu’il est en route…). Je n’avais pas entendu parler de la sortie de ce film quand quelqu’un m’en a parlé au cours du soirée. Il ne me tentait pas des masses mais le lendemain, j’ai voulu aller au cinéma et tout était complet, je suis donc allée voir le seul film pour lequel il restait de la place, selon mon habitude d’aller voir les films un peu au hasard. Eh bien je n’ai pas été déçue !

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          J’avais un peu peur de trouver cela trop austère sur le fond et trop fou dans la forme. Les dessins de Gondry sont quand même très particuliers et je voyais mal comment ils pouvaient coller au sérieux de Chomsky. Et pourtant, la magie opère. Michel Gondry n’est pas un grand philosophe et, qui plus est, son anglais est assez médiocre. Les questions qu’il pose sont donc assez simple et il oblige souvent son interlocuteur à reformuler ses réponses, les mettant ainsi à la portée de spectateur. Pas que Chomsky soit obscur d’ailleurs, bien au contraire, il tient un discours extrêmement clair, mais certains concepts gagnent à être reformulés, ça aide à mieux les appréhender. Michel Gondry illustre ces conversations avec beaucoup d’humour et s’amuse de ses propres contre-sens, créant des situations pour le moins cocasses.

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          Ce documentaire hors-normes m’a beaucoup plu. Il aborde des thèmes essentiels et parfois complexes avec une grande simplicité et beaucoup d’humour. J’aurais aimé que certaines questions soient plus approfondies mais en même temps, c’est la la légèreté de ce film qui m’a séduite et trop des questions trop ardues l’auraient mise à mal. Ce documentaire m’a réellement donné envie de me plonger dans les textes de Noam Chomsky auxquels il me semble proposer une excellente introduction. Pour qui lit très peu d’essais depuis que j’ai fini mes études, me donner l’envie de lire de la linguistique – matière que j’abhorre – tient de l’exploit ! Difficile de définir cet OVNI cinématographique, on se retrouve catapulté dans un monde complètement à part et assez fascinant. Il y a bien quelques longueurs mais le tout reste assez jouissif et tellement inventif !

Cinéma

L’écume des jours

Comédie dramatique française de Michel Gondry avec Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy

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          Quand Colin rencontre Chloé, le coup de foudre est immédiat. Pendant des mois, il vont filer le parfait amour. Colin a beaucoup d’argent, suffisamment pour ne pas avoir à travailler et se consacrer tout entier à leur idylle. Mais un jour Chloé tombe malade, un nénuphar lui mange peu à peu le poumon. Colin va devoir se mettre au travail pour payer le coûteux traitement de sa femme et leur vie va commencer à s’assombrir.

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          J’avais lu l’Écume des jours il y a quelques années. Un roman que j’avais bien aimé, lui trouvant une certaine poésie, sans pour autant vraiment l’adorer, lui trouvant quelques maladresses. Je l’ai lu à 21 ou 22 ans, âge où on est déjà trop terre à terre pour hurler au génie face à la douce folie de Boris Vian, et pas encore assez pour le trouver dénué d’intérêt. Raymond Queneau (auteur et éditeur de génie) disait de ce roman qu’il était « le plus poignant des romans d’amour contemporain ». Sans aller jusque-là, il faut reconnaître que Vian renouvelle le genre et qu’à travers ses excentricités, se dessine un touchant désespoir. Personne n’avait encore osé porter à l’écran ce roman à l’univers totalement déjanté et il fallait bien toute l’inventivité de Michel Gondry pour tenter le coup !

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          J’aime généralement l’univers décalé du réalisateur, souvent construit en carton pâte et plein de trouvailles scénaristiques. J’étais donc assez optimiste sur cette adaptation qui me semblait avoir tout pour plaire. Mon enthousiasme n’a pas fait long feu. A peine les premières images étaient-elles apparues à l’écran que je m’ennuyais déjà ! Ces deux heures de film ont été un vrai supplice ! Je ne sais pas trop comment parler de ce film tant pour moi rien ne marche vraiment dans la mise en scène, la magie n’a tout simplement pas opéré. Pourtant l’adaptation est assez fidèle mais j’ai eu l’impression que l’univers farfelu de Michel Gondry venait se superposer à celui déjà surchargé de Boris Vian et que ça faisait simplement trop. Trop de détails un peu fous dans tous les sens, trop de tout partout, trop de trop. Ca aurait pu être génial mais ça ne marche pas.

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          J’ai trouvé que les acteurs surjouaient constamment et n’étaient pas crédibles une seule seconde. Les minauderies incessantes d’Audrey m’ont exaspérée. Le début veut donner un air d’insouciance qui sonne faux : beaucoup de couleurs, de sourires forcés, d’agitation inutile. Peu à peu, le décor s’assombrit avec la maladie de Chloé, tout comme dans le roman. Le film devient alors oppressant. Étrangement, c’est sans doute encore la partie qui fonctionne le moins mal, arrivant plus ou moins au résultat escompté. Bien que Michel Gondry signe une adaptation fidèle du roman de Boris Vian, j’ai trouvé que le film ne fonctionnait pas vraiment, voulant constamment trop en faire. La magie se retrouve noyée sous la surabondance de gadgets et le jeu outrancier des acteurs. Le résultat est décevant, et d’un terrible ennui.

Cinéma

The we and the I

          Comédie dramatique américaine de Michel Gondry avec Michael Brodie, Teresa Lynn, Lady Chen Carrasco.

          C’est le dernier jour de l’année scolaire. Des lycéens plutôt dissipés montent dans un bus pour un dernier trajet entre l’école et chez eux avant les vacances. Ce trajet banal est l’occasion de montrer la violence ordinaire : insultes, bousculades, railleries. Mais au fur à mesure des arrêts, le bus se vide et la force du groupe s’étiole. Les personnalités de chacun commencent à se détacher et les rapports s’apaisent en même temps que chacun laisse apparaître ses fêlures.

          N’aimant pas trop les huis clos et moins encore les engueulades au cinéma, j’étais quelque peu réticente en allant voir ce film. Cependant, connaissant le talent et la créativité de Michel Gondry, je ne pouvais laisser passer son dernier film, toujours gage de nouveauté. Ainsi, j’allais plus voir ce film en tant qu’expérience cinématographique qu’en m’attendant à être réellement emballée. Eh bien, eh bien, ne faisons pas durer le suspens plus longtemps, mes craintes se sont dissipées dès les premières minutes pour laisser place à un réel enthousiasme.

          J’ai beaucoup aimé ce film. C’est filmé de manière assez sobre, ce qui rend le jeu de ces adolescents très naturel. On ne se sent pourtant pas dans un mauvais documentaire (ni un bon d’ailleurs), grâce à une grande inventivité dans la mise en scène : des flash-back nous aident à comprendre les histoires de ces jeunes, le dessin est utilisé pour évoquer leurs rêves, c’est visuellement assez varié et on sort finalement régulièrement de ce bus pour prendre une petite bouffée d’air. J’ai trouvé ce film extrêmement réaliste et pourtant Michel Gondry parvient à dépasser cette réalité par un oeil extérieur à la fois juste et bienveillant. Il parvient à retranscrire la violence sans créer le malaise, rendant même ces adolescents plutôt sympathiques, il nous fait rire de leurs maladresse sans pour autant se montrer moqueur, il nous émeut même. Entre documentaire et film d’auteur, à la sobre et créatif, il se dégage de ce film une force incroyable. Un petit bijou d’esthétisme, humaniste et intelligent. Ce film n’est peut-être pas renversant, il n’impressionne pas, il n’en met pas plein la vue, mais Michel Gondry arrive pourtant à un équilibre et une justesse qu’on ne voit que trop rarement. Il n’y a qu’une chose à dire, bravo.