Rodion Romanovitch Raskolnikov est un étudiant sans le sou, âgé de vingt-trois ans. Rongé par la pauvreté, il s’isole du reste du monde. Alors qu’il vend son dernier bien, la montre de son père, à une usurière, une idée lui vient à l’esprit : un meurtre est-il moralement tolérable s’il conduit à une amélioration de la condition humaine ?
J’ai découvert Dostoïevski à la faculté, ç’a été une vraie révélation : les portes de la littérature russe s’ouvraient à moi. Je n’en lis pas autant que je voudrais mais j’essaie de m’en tenir au moins à un classique russe par an (à ce rythme-là, vers 50 ans je commencerai à être relativement calée en la matière). J’ai lu pas mal de romans de Dostoïevski mais je ne m’étais jamais attelée à Crimes et Châtiments, pourtant souvent considéré comme un de ses meilleurs ouvrages. Je suis tombée amoureuse de cet auteur en lisant Les démons. Les frères Karamazov m’avaient un peu moins séduite mais le sujet de ce roman-ci me tentait beaucoup. Et puis un titre pareil avait tout pour me plaire. Mon professeur d’université nous avait prévenus – et j’avais déjà pu constater à quel point son conseil était judicieux : toujours lire Dostoïevski dans la traduction d’André Markowicz chez Babel.
Un ami m’a donné ce roman en Folio et je me voyais mal lui dire « non merci, ce n’est pas la bonne traduction ». J’ai hésité à le racheter dans la version adéquate mais je trouvais ça un peu bête, ma bibliothèque croulant déjà sous les livres. J’ai donc tenté le coup. On ne m’y reprendra plus. C’est confirmé, ne jamais lire Dostoïevski dans ailleurs que chez Babel ! Jamais, sous aucun prétexte. Je peux vous expliquer en deux lignes pourquoi (oui, je ne suis pas juste une fétichiste de la traduction, il y a des raisons à cela). Dostoïevski n’est pas connue pour sa prose raffinée. Beaucoup on d’ailleurs dit qu’il avait un style épouvantable. Ca peut paraître étrange mais c’est justement pour cela qu’il faut une traduction fidèle. Longtemps, les traducteurs ont voulu lisser ce style impétueux pour le rendre plus honorable. Le résultat est d’un mortel ennui. La force de l’auteur tient dans la richesse de la langue qu’il emploi et ses dialogues savoureux. André Markowicz a redonné vie à ces romans et a révélé toute leur modernité. Un vrai régal.
Comme on pouvait s’y attendre puisque j’ai voulu tenter le diable en renonçant à mes principes, j’ai trouvé ce roman franchement insipide pour ne pas dire carrément assommant pendant une bonne partie de ma lecture. Pourtant, l’histoire avait tout pour me passionner. Le personnage principal est complètement siphonné, on se demande toujours à quel moment ça va mal finir. L’auteur dépeint la folie mieux que personne et j’étais enchantée de le retrouver sur ce terrain-là (je sais, j’ai des centres d’intérêt particuliers, on me le dit souvent). L’histoire est assez simple mais très intéressante et surtout assez avant-gardiste puisqu’il y est question de psychologie de bout en bout, bien avant les thèses de Freud (oui bon, juste un peu avant,d ‘accord). Dostoïevski n’a pas son pareil pour créer des personnages aussi tordus que réalistes, avec toutes leurs bizarreries qui les rendent si humains.
Même si on sait dès le départ qui est le coupable, on est très proche d’une trame policière. On se demande de bout en bout à quel moment il va se faire prendre ou craquer et aller se dénoncer. De là naît un certains suspens parfois un rien agaçant (« mais il va se décider à parler ou se taire oui ! ») mais franchement réussi. C’est sans nul doute la raison pour laquelle malgré une traduction d’une platitude sans nom, je suis quand même allée au bout de ce roman avec un certain plaisir. J’ai regretté qu’il y ait un semblant de morale, ce qui ne me semblait pas absolument nécessaire, mais ça reste suffisamment léger pour ne pas déranger outre mesure. La première chose que j’ai pensée en refermant ce livre c’est qu’il ne me restait plus qu’à le lire dans une traduction un peu plus moderne. Je vais quand même attendre un peu pour ça, il ne faut pas abuser des bonnes choses. Un roman d’une grande modernité sur le pouvoir de la psyché.