Théâtre

La nuit du cerf

          Il y a deux ans, j’avais découvert le cirque Le Roux avec leur premier spectacle, The elephant in the room. Si je n’avais pas accroché avec leur humour potache, j’avais adoré la mise en scène hyper originale et extrêmement bien maîtrisée et la qualité des acrobaties avait fini de me séduire. Malgré un début un peu longuet, j’avais finalement beaucoup aimé ce spectacle inventif. J’étais donc curieuse de découvrir leur nouvelle création, La nuit du cerf, cette fois présentée au Théâtre Libre. Vous pouvez retrouver mon avis complet sur leur premier spectacle ici.

Affiche du spectacle La nuit du cerf

          On reste tout à fait dans le même esprit, avec une référence marquée au cinéma et un aspect très théâtral. Dans l’ensemble, beaucoup des remarques faites sur leur premier spectacle pourraient tout à fait s’appliquer à celui-ci, on est vraiment dans la même veine. J’avais une petite préférence pour le côté noir et blanc du précédent spectacle, mais encore une fois, la mise en scène très travaillée est une vraie réussite. J’aurais aimé que le parallèle avec le cinéma soit un peu plus exploité toutefois l’ensemble fonctionne plutôt bien avec une esthétique très marquée. Ils parviennent à construire un univers fort dans chacune de leurs créations.

La nuit du Cerf 2019
©Jean-Marc Helies

          A mes yeux, le point faible de spectacle est à chercher du côté de l’humour et plus globalement de l’écriture. C’est souvent très lourd… Il faut dire que je ne suis pas une adepte des blagues potaches et le vaudeville m’ennuie terriblement. Le côté surjoué n’aide pas et il y a toujours un clair problème de rythme (même si c’est cette fois un peu moins marqué) : il y a certaines longueurs et l’écriture manque cruellement de précision. On est entre cirque et théâtre et c’est vraiment très bavard. Dommage, ça plombe un peu l’ambiance par moment, avec un auteur de talent, ils pourraient faire quelque chose de vraiment exceptionnel, c’est bien là leur principal point faible.

- La nuit du Cerf 2019
©Jean-Marc Helies

          Heureusement, la qualité des numéros est toujours au rendez-vous. Les numéros de main à mains sont absolument époustouflants. C’est enlevé, rythmé, on croirait assister à un ballet. Leur sens aigu de la mise en scène met parfaitement en valeur les numéros de hautes volée qui sont proposés. C’est un véritable régal. Je ne vous en dirai pas plus pour vous laisser la surprise mais le dernier numéro m’a particulièrement éblouie. C’est très original, poétique et virtuose à la fois. J’en suis restée bouche bée d’admiration. Malgré quelques maladresses dans l’écriture du texte, le cirque Le Roux propose un spectacle inventif et original, avec une mise en scène soignée, un univers décalé et des numéros très réussis. Une troupe à suivre !

Cirque Le Roux, La nuit du cerf
©Frank W Ockenfels

La nuit du Cerf
Cirque Le Roux

Théâtre Libre
4, bd de Strasbourg
75010 PAris

Jusqu’au 9 février 2020
A partir de 16€

Théâtre

Cirque Plume, La dernière saison

          J’ai découvert le cirque Plume il y a de cela bien longtemps. Je devais avoir 7 ou 8 ans. C’était la première fois que je voyais du cirque contemporain et j’étais tombée amoureuse de leur poésie. Tant d’années après, je me souviens encore de mon émerveillement. Je ne les avais jamais revus depuis, bien que leurs spectacles passent régulièrement à Paris. Je me disais toujours que j’avais le temps, que si c’était complet cette fois-ci ou trop cher pour mon porte-monnaie, l’occasion se représenterait toujours l’année suivante. Et puis, cette année, nous avons appris que ce serait la dernière. J’ai voulu prendre des places pour aller les voir en famille à Noël mais je n’ai pas été assez rapide, c’était complet. C’est donc la mort dans l’âme que je m’étais doucement faite à l’idée que jamais je ne les reverrais.

Affiche de La dernière saison du Cirque Plume

          Et puis, je suis allée faire une cure thermale à Chambéry. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que le cirque Plume y était exactement aux mêmes dates que moi ! Évidemment, c’était depuis bien longtemps complet mais quelques places étaient disponibles chaque soir aux premiers arrivés. J’ai donc tenté ma chance. Et – ô joie – j’ai réussi à avoir une place ! La grande amatrice de cirque contemporain que je suis allait avoir la chance de revoir la compagnie avec qui tout avait commencé. La boucle pourrait être bouclée.

Photo du spectacle La dernière saison du Cirque Plume
Photo Yves Petit, Cirque Plume 2017

          Après tant d’années et tant d’autres spectacles vus, j’avais presque peur d’être déçue. Ou en tout cas, de trouver que finalement, ce n’est pas forcément très différent des autres compagnies. Mais non, je ne m’étais pas trompée du haut de mes 8 ans, mes souvenirs ne m’avaient pas trahie, Plume c’est vraiment un univers très particulier, tout en poésie. D’ailleurs, ce n’est presque plus du cirque à ce niveau-là, plutôt un tableau qui prendrait vie. Les décors sont magnifiques, avec des ambiances très travaillées qui nous plongent dans un univers féérique. Des tableaux tous plus beaux les uns que les autres, un peu inquiétants aussi parfois, qui font travailler notre imaginaire. C’est terriblement beau.

Photo du spectacle La dernière saison du Cirque Plume
Photo Patrick Denis, Cirque Plume 2020

          La musique a également une grande place dans le spectacle. C’est presque autant un concert qu’une représentation de cirque et j’ai beaucoup aimé leurs créations musicales. Il y a beaucoup de numéros de clowns dans ce spectacle. Pas du genre nez rouge évidemment, plutôt du mime ou une espèce de théâtre muet, quelque chose qui pourrait parfois se rapprocher d’un humour à la Chaplin (en moins fin tout de même). Je dois avouer que c’est loin d’être ce que je préfère. Si ça m’a parfois fait sourire, il y a pas mal de moment où j’ai trouvé cet humour un peu lourd. Il faut bien avouer cependant que les enfants, eux, riaient de bon cœur (quelques adultes aussi d’ailleurs) et j’ai envié cette propension à savoir ce qui les touchait. Leur bonheur avait quelque chose de communicatif.

Imagage de La dernière saison du Cirque Plume, musiciens et parapluies
Photo Yves Petit, Cirque Plume 2017

          Il y a au final peu de numéros de cirque pur dans ce spectacle. Mais en revanche, non seulement ils sont assez longs et magnifiquement mis en scène, mais ils sont surtout de haute volée. Chaque fois, c’était ce que j’ai pu voir de mieux dans la discipline. Absolument bluffant ! On reconnaît sans peine leur influence dans beaucoup de troupes de cirque d’aujourd’hui. Finalement, plus qu’un cirque, Plume est un ovni à la frontière des genres : cirque, musique, théâtre, on ne saurait trop où le classer. Une esthétique léchée et une poésie folle de bout en bout, un moment de grâce pure.

Théâtre

Comédiens !

          Paris 1948. Au tout nouveau Théâtre de la Huchette, trois comédiens s’apprêtent à créer la version musicale d’un célèbre vaudeville endiablé.. Le succès semble leur tendre les bras. Mais, dans l’après-midi, au cours de l’ultime répétition, la tension monte, monte…Et dans les coulisses un autre spectacle s’écrit. La représentation du soir réservera aux comédiens comme au public bien des surprises…

          Nous avons vu cette pièce à Noël (oui, je suis quelque peu en retard dans mes critiques), nous cherchions quelque chose d’un peu festif à des tarifs abordables, ce qui a tendance à pas mal réduire le choix. Nous avions beaucoup entendu parler de cette pièce qui se situe entre théâtre et comédie musicale. Elle a reçu 5 trophées de la comédie musicale 2018, dont celui de meilleure comédie musicale. Les critiques élogieuses et l’originalité de l’histoire n’ont eu aucun mal à nous convaincre d’aller voir de quoi il retournait.

Comédiens !
Photo : Fabienne Rappeneau

          J’ai beaucoup apprécié le début. C’est enlevé, c’est joyeux, les parties chantées sont sympas, franchement, ça démarrait très très bien. C’est l’histoire de la création d’une pièce au théâtre de la Huchette et j’ai beaucoup aimé cette mise en abîme très réussie. C’est dynamique, l’histoire fonctionne pas mal, on était bien partis pour apprécier le spectacle qui avec peu de moyens parvient à nous embarquer dans son univers un peu désuet et plein de charme. Mais si la première moitié nous a convaincus, ça gâte un peu par la suite.

          Evidemment, le trio d’acteurs finit par virer un peu au triangle amoureux, ça tourne au vaudeville, et on ne peut pas dire que ce soit un genre que j’affectionne particulièrement même si en l’occurrence ça fonctionne plutôt bien. Mais la pièce peine sur la fin, ça gesticule beaucoup, ça s’engueule (j’aime pas les engueulades, désolée, ça me stresse), ça tourne en rond, le rythme s’essouffle. Le dernier tiers m’a semblé particulièrement long et bien moins réussi que le début. Dommage, ça commençait si bien. Si la fin tranche avec le ton du début et m’a un peu déçue j’ai dans l’ensemble quand même apprécié ce spectacle drôle et enlevé.

Affiche de Comédiens !

Une comédie musicale librement inspirée de l’opéra « Paillasse » de Ruggero Leoncavallo
Concept et mise en scène : Samuel SENÉ
Livret et paroles des chansons : Eric CHANTELAUZE
Musique : Raphaël BANCOU
Décor : Isabelle Huchet
Costumes : Julia Allègre
Lumières : Laurent Béal
Chorégraphie : Amélie Foubert
Assistante à la mise en scène : Elisa Ollier
Régie  Yves Thuillier

Avec : Marion PRÉÏTÉ (Coco), Fabian RICHARD (Pierre), Cyril ROMOLI (Guy)

Théâtre de la Huchette

23 rue de la Huchette
75005 Paris

Jusqu’au 6 avril à 21h
Plein tarif 28€

Théâtre

Tabarnak : un spectacle survolté à Bobino

          Un peu de cirque sur le blog parce que ça commençait à faire longtemps ! Il faut dire que je ne sors pas des masses en ce moment. Je ne connaissais pas le cirque Alfonse mais je n’ai encore jamais été déçue par la programmation de Bobino et ça avait l’air d’être du cirque contemporain comme je les aime. Tabarnak est, comme son nom l’indique, un spectacle québecois. Entre cirque contemporain, théâtre et musique, le spectacle est assez déroutant et unique en son genre. Le Cirque Alfonse est un cirque familial, créé par la famille Carabinier-Lépine et leurs amis proches, perpétuant la tradition du cirque familial itinérant. Une jolie promesse.

Tabarnak à Bobino, affiche

         Sur scène, un joyeux bordel accueille le spectateur. Dès l’arrivée dans la salle, on sait qu’on a affaire à de gais lurons. Ils sont habillés de chemise blanches comme au XIX° s. et tricotent en attendant le début du spectacle qu’ils définissent eux-mêmes comme une « messe à gogo surréaliste, happening musical débridé, office exubérant et festif ». J’ai beaucoup aimé l’univers que ces artistes complètement déjantés arrivent à mettre en place. Ca respire la bonne humeur. Ils chauffent la salle, ils jouent avec le public, ils font rire : j’ai rarement vu une aussi bonne ambiance lors d’un spectacle de cirque. Ils sont rayonnants, un vrai régal.

Cirque Alfonse, Bobino
Photo : Nicolas Descoteaux

         Côté performance, ce n’est peut-être pas ce que j’ai vu de plus spectaculaire mais ils se défendent bien. Il faut dire qu’entre Les 7 doigts de la main qui accomplissent prouesse sur prouesse et la compagnie XY qui rend fade à peu près tout numéro de main à main, j’ai été très gâtée ses dernières années. Il y a deux très bons acrobates dans la troupe (je soupçonne qu’ils sont habituellement 3 mais qu’il y a eu une blessée lors d’un petit raté en tout début de spectacle) et j’ai trouvé que l’un d’eux notamment tenait vraiment le spectacle par son énergie et son charisme. C’est bien simple, plus il fait des trucs fous, plus il rayonne : un véritable soleil. On voit que cette troupe prend un énorme plaisir à ce qu’elle fait et leur bonheur est communicatif. Ils sont totalement barrés et essaient plein de trucs fous avec une certaine réussite. J’ai grandement apprécié leur audace.

Cirque Alfonse
Photo : Audric Gagnon

         J’ai beaucoup aimé l’histoire que raconte ce spectacle. Il nous transporte dans un Québec d’un autre temps, avec beaucoup d’humour et de tendresse. Les musiciens sont un gros plus et donnent une énorme pêche à l’ensemble. Il y a une bonne dose d’inventivité dans les numéros, j’ai souvent eu l’impression qu’ils s’étaient dit : « tiens, qu’est-ce qu’on pourrait faire de plus fou / de plus improbable ? ». Ca fonctionne dans l’ensemble assez bien. Il y a quelques passages peut-être un peu brouillon qui mériteraient d’être affinés mais c’est vraiment histoire de chipoter. On passe un très bon moment avec le cirque Alfonse qui propose de très belles choses avec une énergie et une bonne humeur communicatives. Que du bonheur !

Cirque Alfonse, Bobino
Photo : Audric Gagnon

Tabarnak – Cirque Alfonse

Du 16 mai au 09 juin

Bobino

14 – 20 rue de la Gaîté
75014 Paris

De 19 à 49€

Théâtre

Humanoptère

          C’est avec beaucoup de retard que je vous parle de ce spectacle vu le mois dernier. J’avais vu sa présentation sur Arte et trouvé les propos de son créateur très intéressants. J’avais donc hâte de voir ce que ça donnait sur scène. On spectacle de jongle avec un message politique derrière, ça avait de quoi intriguer. C’est parti donc pour une expérience surprenante. Déjà, il faut le savoir, les mecs qui jonglent, ça me fascine sachant que je ne suis moi-même pas foutue de rattraper une balle. Je garde un souvenir ému d’un magnifique numéro du cirque Romanes notamment. L’occasion aussi de vous reparler de Maputo Mozambique que j’avais beaucoup aimé. Bref, j’avais hâte, d’autant plus que je ne connaissais pas Clément Dazin et la compagnie La main de l’homme.

Spectacle de jonglage Humanoptère

          Bon, admettons-le, je trouve qu’Arte s’est un peu emballé sur ce coup en décrivant ça comme étant entre jonglage, théâtre et danse. Certes on s’éloigne beaucoup, beaucoup du cirque traditionnel mais avec leur reportage je m’attendais à quelque chose qui ressemblait à Amargi et sa dénonciation de l’économie de marché. C’est pas tout à fait ça quand même… Du coup j’ai été surprise qu’il n’y ait quasi aucune parole et que le point de départ du spectacle – l’aspect inhumain que peut revêtir le monde du travail avec ses gestes répétitifs – ne soit pas lisible de suite. Un peu déroutant.

          Mais ce premier moment de surprise passé, ce spectacle a dévoilé pas mal de qualités. En effet, il y a dans la mise en scène quelque chose qui se rapproche énormément de la danse, notamment dans l’occupation de l’espace et le jeu d’alternance entre des parties hyper synchronisées et les « solos » des jongleurs. C’est très agréable de voir un spectacle aussi millimétré. Ensuite, au fil de spectacle le thème du travail ressort peu à peu et donne de la profondeur à l’ensemble. Enfin, si à première vue on n’est pas dans la performance technique pure, les nombreux moments où tous jonglent ensemble en parfaite synchro sont assez admirables. Finalement il m’aura fallu du temps pour rentrer dans ce spectacle et réellement l’apprécier. Une belle maîtrise technique, de l’originalité et une mise en scène impeccable pour ce spectacle aussi esthétique qu’intelligent.