Mes lectures

Les gens heureux lisent et boivent du café, Agnès Martin-Lugand signe un premier roman agréable

         Quand Diane perd sa fille et son mari dans un accident de voiture, son monde s’arrête de tourner. Elle finit par fuir en Irlande la compassion de ses proches trop prévenants. Dans l’espoir de pouvoir s’adonner tout entière à son chagrin, loin des regards. Mais un jour ou l’autre, la vie finit toujours par reprendre ses droits.

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          Voilà un roman dont la couverture et le titre me tentaient depuis bien longtemps. Pourtant, je n’en avais pas entendu dire que du bien et son grand succès populaire m’avait rendue quelque peu méfiante (oui, je fais partie de ces gens qui se méfient des succès fulgurant en littérature). Et puis j’avais entendu dire qu’il s’agissait d’une histoire d’amour et les histoires d’amour et moi ça se termine mal, en général… Mais quand même, ce titre, il me tentait vraiment, je m’y retrouvais un peu dedans (même si je préfère le thé, mais on s’en fiche). J’en étais donc là de mes hésitations quand j’ai gagné le concours de l’été chez Pocket et reçu les 34 titres de la sélection estivale, dont celui-ci. Voilà qui réglait mon problème et me donnait une bonne occasion de le lire. Un peu par hasard, c’est d’ailleurs le premier roman de la sélection que j’ai lu et j’ai été plutôt agréablement surprise.

          J’ai eu beaucoup de mal avec les premières pages. Je trouvais ça terriblement mal écrit. Pas que le style soit incorrect mais fade, convenu. Des phrases toutes faites qui sonnaient creux, le genre qui me repousse d’emblée. Et puis le personnage, enfermée chez elle et fumant clope sur clope, m’a té immédiatement antipathique. J’ai quand même un peu insisté, le livre et court, ça ne valait pas vraiment le coup de le lâcher. J’ai plutôt bien fait d’être patiente. Après les 10 ou 20 premières pages, ça s’arrange. L’histoire devient plus intéressante, le personnage reprend un peu vie et devient plus sympathique par la même occasion, et j’ai même trouvé l’écriture plus fluide. Pas exceptionnelle certes mais plutôt agréable. J’ai également bien aimé la galerie de personnages qui entrent en scène. On peut leur reprocher d’être sans doute un peu stéréotypés mais j’ai trouvé que ça fonctionnait bien.

          On pourrait trouver certains aspects de l’histoire convenus, toutefois, ça ne m’a pas trop dérangée dans la mesure où tout est plausible et où l’auteur n’en fait pas trop. L’air de rien, on ne tombe pas dans les gros clichés et c’est appréciable. Finalement, j’ai pris plaisir à cette lecture qui n’est pas franchement le style que j’apprécie habituellement. Trop léger à mon goût, j’ai toujours aimé les choses plus denses, moins attendues. Le décor m’a fait rêvé et m’a beaucoup aidé à m’intéresser à l’histoire. Ca m’a donné envie d’aller découvrir l’Irlande illico (les livres me font souvent ça, j’avoue) ! J’ai également apprécié la brièveté de ce texte, qui lui évite de s’enliser dans des lieux communs qui l’auraient alourdi. Si ce livre ne sort pas vraiment du lot, il est loin d’être ce que j’ai lu de plus mauvais dans le genre, dommage que l’écriture ne soit pas un peu plus forte pour donner du corps à l’histoire. Un roman léger, sans grande prétention, mais agréable à lire. Une bonne détente.

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J’étais simplement capable de profiter des petits bonheurs simples. C’était déjà ça, c’était déjà mieux.

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Je devais réussir à m’échapper, lui couper l’herbe sous le pied, le rassurer tout en me débarrassant de lui. Rester chez moi était exclu. Partir, quitter définitivement Paris, c’était finalement la solution. Trouver un coin perdu où il ne me suivrait pas.

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Retour à la case départ. Rien n’avait changé; les citadins pressés, la circulation infernale, l’agitation des commerces. J’avais oublié à quel point les Parisiens faisaient la gueule en permanence. Un stage de chaleur humaine irlandaise devrait être obligatoire au programme scolaire? Je pensais ça, mais je savais pertinemment que, dans moins de deux jours, j’aurais le même visage blafard et peu avenant qu’eux.

Cinéma

Tom à la ferme, un thriller époustouflant

Thriller franco-canadien de et avec Xavier Dolan. Avec Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roy

          Un jeune publicitaire voyage jusqu’au fin fond de la campagne pour des funérailles et constate que personne n’y connaît son nom ni la nature de sa relation avec le défunt. Lorsque le frère aîné de celui-ci lui impose un jeu de rôles malsain visant à protéger sa mère et l’honneur de leur famille, une relation toxique s’amorce bientôt pour ne s’arrêter que lorsque la vérité éclatera enfin, quelles qu’en soient les conséquences.

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         De Xavier Dolan, je n’avais vu que Les amours imaginaires qui m’a laissé un souvenir pour le moins marquant. En effet, ce film tourné avec très peu de moyens m’avait totalement fascinée. J’étais tombée dessus un soir sur Canal+ et malgré l’heure tardive, je n’avais pu me détacher de cet ovni cinématographique. J’avais honteusement raté Laurence Aniways et quand j’ai vu qu’il sortait son 4° film, Tom à la ferme, j’étais aux anges, pressée de découvrir ce que le petit génie québécois nous avait réservé. Ici, le jeune réalisateur change un peu de registre avec un film moins axé sur les sentiments (quoi que ce soit discutable) pour virer plus vers le thriller (dont on trouvais déjà les prémices dans certains passages des Amours imaginaires). J’avoue avoir été très surprise par ce film et je ne sais trop comment vous en parler sans trop en dévoiler.

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          Je ne sais pas au juste à quoi je m’attendais sachant que Xavier Dolan n’est pas du genre à faire dans le classique mais en tout cas certainement pas à ça. Je savais qu’on sortait du côté sentimental de ses précédents films et je crois que je pensais avant tout avoir affaire à une histoire de deuil, même si je me doutais un peu que ça n’allait pas être aussi simple… Certes il y a de ça, mais c’est aussi (et surtout) tellement plus ! Le deuil est le point de départ de ce film et reste très présent, toutefois, on retrouve aussi la « marque » de Xavier Dolan avec une réflexion sur le regard de l’autre et l’acceptation qui est très subtile et donne une belle profondeur à l’ensemble. Mais surtout, ce film est avant tout un excellent thriller !

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         Je n’en dirai pas plus sur l’histoire pour ne pas gâcher le suspens mais la mise en scène est extrêmement réussie. Il ne se passe finalement pas grand chose d’exceptionnel mais chaque détail est pensé pour laisser songer au pire. Une force de suggestion redoutablement efficace. Le film est sobre mais très réfléchi : chaque scène est construite intelligemment et on monte peu à peu en puissance, chaque plan est millimétré et il y a quelques images fortes même si on est très loin d’une réalisation esthétisante. Il y a au milieu une scène de toute beauté, éblouissante dans ce décor assez chiche (oubliez la ferme bucolique, la réalité est plutôt un grand hangar mal entretenu au milieu de champs d’une platitude déconcertante). La musique est à mon sens le point faible de bien des films, ici, bien que très présente, elle souligne parfaitement les sous-entendus de l’histoire et contribue grandement à créer l’angoisse ou l’émotion.

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          J’ai vu ce film en avant-première et il était présenté de manière originale. Dans l’esprit ciné-club, avant la projection, l’oeuvre est analysée, sans bien sûr en dévoiler le contenu, mais de manière à offrir des pistes de lecture. Pour cela, différents extraits étaient proposés dont une chanson de la Reine des neiges, des extraits de Witness avec Harrison Ford ou de Misery. Le point commun a tous ces extraits est le travail ou la ferme. Toutefois, la présence de Misery dans cette sélection m’avait un peu interpellée. Finalement, chaque extrait était très bien choisi et venait éclairer différents aspects du film de Xavier Dolan. J’ai trouvé cela tout à fait passionnant et ça met en avant la manière dont ce film entre en résonance avec une certaine forme de cinéma et se la réapproprie.

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          Le moins qu’on puisse dire c’est que ce film ne laisse pas indifférent et les commentaires ont été pour le moins nombreux à la sortie. J’y suis allée avec une amie et j’ai été heureuse de pouvoir en discuter avec elle tant nous étions sonnées. Nous avons passé une grande partie du film accrochées à nos fauteuils en état de stress intense. Xavier Dolan crève l’écran, il est presque aussi bon acteur que réalisateur, ce qui n’est pas peu dire ! Ce film est fait avec peu de moyens : une poignée d’acteurs et Xavier Dolan à peu près partout au générique restreint, mais on oublie vite cet aspect tant on se retrouve plongé dans cet univers dépouillé et un rien sordide. Il y a là quelque chose qui tient de l’exploit. Je ne pense pas que tout le monde accrochera avec cette ambiance très noire mais ce qui est certain, c’est que le cinéma de Xavier Dolan ne laisse pas indifférent ! A 25 ans, il confirme son statut de petit génie du cinéma avec une inventivité et une maîtrise qui forcent le respect. Un film sombre et angoissant, impeccable de bout en bout, dont on ne ressort pas tout à fait indemne : âmes sensibles s’abstenir.

Mes lectures

Daffodil Silver – Isabelle Monnin

          Quand Daffodil Silver perd ses parents et doit régler leur héritage, elle décide de raconter avant leur histoire au notaire en charge de la succession. L’histoire de deux sœur inséparables, dont l’une, morte trop tôt, laisse un vide que l’autre n’aura de cesse de combler, créant un projet faramineux. 

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         Deuxième livre de cette rentrée littéraire auquel je me suis attaquée, il m’avait également été recommandé par un libraire. Dès les premières lignes, j’ai été surprise par la qualité de l’écriture et il ne m’aura fallu que deux pages pour tomber totalement sous le charme de ce style assez particulier. Le roman est conséquent (400 pages) et la première moitié est un vrai régal ! Je suis rentrée avec bonheur dans cette fresque familiale originale, à la fois touchante et pleine de fantaisie. Malheureusement, j’ai trouvé qu’elle s’essoufflait un peu dans la durée et tout en prenant un tour peut-être un peu trop fantaisiste à mon goût. Sans doute aurait-il fallu songer à alléger ce scénario foisonnant pour le rendre un peu plus digeste. Toutefois, malgré une construction qui ne m’a pas toujours semblé à la hauteur, ce texte n’en demeure pas moins intéressant.

         En effet, le premier point fort de ce texte – hormis le style, déjà évoqué – est tout simplement son histoire, originale et foisonnante, qui a le mérite de sortir de l’ordinaire. Et si celle-ci parait légère et bien souvent excentrique, elle n’en aborde pas moins des thèmes essentiels. J’ai trouvé notamment que le deuil était traité de manière intéressante et très sensible. C’est d’ailleurs sans doute la partie de ce roman que j’ai préférée. Si les personnages sont excessifs, ils échappent aux clichés et leurs émotions exacerbées surprennent et nous renvoient à nos propres réactions et nos propres peurs. On frôle parfois la folie avec cette histoire qui se veut à la fois tendre et légère et si le texte aurait à mon goût demandé à être allégé, ce roman original au joli style n’en demeure pas moins une lecture agréable et surprenante.

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Les morts sont des vivants qui me foutent la paix.

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Elle ne cultive pas seulement des champs de coquelicots mais aussi son chagrin, un parterre d’orties que l’on nourrirait scrupuleusement d’engrais. Toujours renaissent pour vous gratter les jambes, sans cesse reviennent les vilains souvenirs et les peines comme un lierre finissant par étouffer les plus vivaces des plantes.

Divers

Un dernier adieu…

          Aujourd’hui, je publie sur ce blog le 1 000° article en un peu plus de trois ans d’existence. Même si bien sûr certains n’avaient pas de réel contenu et n’étaient que de petits messages en passant, je dois avouer que ce nombre m’impressionne tout de même un peu et que je n’aurais jamais cru l’atteindre. Vous êtes 150 à me suivre régulièrement ici et environ le triple sur les réseaux sociaux. Plus de 150 000 visites et 3 500 commentaires (dont près de la moitié sont mes réponses, il est vrai). Des chiffres certes loin d’égaler ceux des blogs mode ou cuisine mais qui pour un blog culturel auquel je ne croyais guère au départ me donnent un peu le tournis et, je dois bien l’admettre, m’emplissent à la fois de joie et d’une pointe de fierté. Je voulais donc vous remercier une fois de plus pour votre soutien, vos visites, vos commentaires, les découvertes que vous me faites faire et les belles rencontres qui se succèdent grâce à ces pages.

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          J’avais prévu un article ciné, qui d’ailleurs me convenait moyennement pour l’occasion, étant donné que j’avais trouvé le film un peu moyen et que j’aurais aimé marquer le coup. Et puis, malheureusement, une amie de ma famille, une vieille dame que je connais depuis toujours, s’est éteinte ce matin. Il m’a donc semblé tout naturel de lui laisser la place pour ce 1 000° article en un dernier hommage. Yvonne avait 90 ans et malgré nos 64 ans d’écart, je crois pouvoir dire qu’elle était mon amie, comme elle a été celle de ma mère, et de ma grand-mère aussi, sans distinction d’âge. L’amie que trois générations de femmes d’une même famille se sont partagée toute une vie durant. Elle a été près de nous dans les moments difficiles et nous aura fait rire plus d’une fois. Un sacré personnage, comme on dit ! Jambes nues et en chemisier quasiment toute l’année, tête en l’air, à toujours oublier quelque chose. De l’énergie à revendre, un intérêt prononcé pour l’actualité et des anecdotes à raconter pour chaque occasion. Et toujours ses étourderies : la fois où elle a oublié un œuf dur dans la casserole sur le gaz et qu’il a fini par exploser et repeindre toute la cuisine, sa manie de partir en plein concert à l’opéra pour vérifier si elle a bien éteint le feu sous la cocotte ou encore son habitude de prendre son Temesta avec du café. Un côté girouette absolument irrésistible qui nous aura valu bien des fous rires et qui à 90 ans en faisait encore une jeune fille un peu insouciante.

          Ma belle Yvonne, je crois bien avoir ri chaque fois que je t’ai vue et même sur ton lit de mort, tes dernières paroles m’auront arraché un sourire ; ce n’est pas là le moindre de tes exploits. Chaque moment passé ensemble aura été un moment de joie et ton rire emplit ma mémoire. Pourtant derrière cette façade de bonheur, se cachent bien des blessures et une réalité plus complexe que j’ai à peine effleurée et que jamais sans doute je ne comprendrai à présent, malgré toutes les traces que nous a laissées. Jamais je ne t’ai dit à quel point j’appréciais ces moments partagés, comme j’admirais ton humour et ton esprit curieux de tout, à quel point je t’aimais, tout simplement. Pas de regrets pourtant, je n’ai jamais été douée pour les effusions, et toutes deux, nous avons toujours préféré nous raconter des blagues et de jolies histoires plutôt que de s’embarquer sur ce terrain-là ; le rire, comme moyen de montrer son affection, voilà à quoi nous excellions toi et moi. Mes derniers mots pour toi, ceux que tu ne peux plus entendre, je les laisse ici, pour que d’autres qui ne te connaissaient pas puissent les lire à ta place. Tu as toujours aimé La Fontaine, ses Fables ont été ton livre de chevet, en voici une dernière pour le grand voyage (elle est un peu tronquée, tu m’en vois désolée mais elle était longue et je n’aimais pas le milieu) : La mort et le mourant.

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La Mort ne surprend point le sage ;
Il est toujours prêt à partir,
S’étant su lui-même avertir
Du temps où l’on se doit résoudre à ce passage.
Ce temps, hélas ! embrasse tous les temps :
Qu’on le partage en jours, en heures, en moments,
Il n’en est point qu’il ne comprenne
Dans le fatal tribut ; tous sont de son domaine ;
Et le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent les yeux à la lumière,
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.
Défendez-vous par la grandeur,
Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse,
La mort ravit tout sans pudeur
Un jour le monde entier accroîtra sa richesse.
Il n’est rien de moins ignoré,
Et puisqu’il faut que je le die,
Rien où l’on soit moins préparé.

[…] Je voudrais qu’à cet âge
On sortît de la vie ainsi que d’un banquet,
Remerciant son hôte, et qu’on fit son paquet ;
Car de combien peut-on retarder le voyage ?