Mes lectures

Comme des lions, Fatima Bhutto

Anita vit dans le plus grand bidonville de Karachi. Elle fait bientôt la connaissance de son voisin, un homme âgé dont les étagères regorgeant de livres promettent une échappée vers l’ailleurs… De l’autre côté de Karachi habite Monty, fils d’un père exigeant et richissime qui possède la moitié de la ville. Mais Monty, troublé par l’arrivée d’une fille rebelle dans son école, s’écarte de la voie qui lui était toute tracée. Le père de Sunny a quitté l’Inde pour l’Angleterre et donner à son fils les opportunités qu’il n’a jamais eues. Pourtant, Sunny ne s’intègre pas. Lorsque son cousin fondamentaliste le rejoint, Sunny réalise peu à peu que la vie a peut-être plus à lui offrir. Alors que leurs existences se croisent dans le désert, là où la vie et la mort s’entremêlent étroitement, tous trois seront confrontés à des choix terribles.

Couverture du roman comme des lions de Fatima Bhutto

Je ne m’attendais pas du tout à ça en commençant ce texte. Il faut dire que la quatrième de couverture n’est pas très explicite sur le sujet. Je m’attendais à une bête histoire d’amitié entre adolescents venus de milieux différents. C’est un peu plus complexe et sombre que ça. Je ne peux pas vous en dire plus sans totalement dévoiler l’histoire. Pas qu’il y ait franchement de suspense dans ce livre mais comme le résumé ne parle pas du sujet central, si vous ne voulez pas que je vous le dévoile, je vous conseille d’arrêter là la lecture de cet article.

On suit dans ce texte trois adolescents assez différents. Deux à Karachi – l’une issue d’une famille pauvre et qui trouve refuge dans les livres, l’autre fils de bonne famille qui trompe l’ennui en sortant avec la nouvelle un peu rebelle qui intègre son lycée – le troisième en Angleterre, fils d’immigré mal dans sa peau qui rêve d’ailleurs. On imagine bien que leurs destins vont finir par se lier, même si on ne voit pas bien comment (surtout pour celui qui vit en Angleterre, forcément). Ils ne semblent pas voués à se rencontrer, et pourtant.

Sunny, notre petit anglais, va se faire enrôler par un cousin fondamentaliste qui va le convaincre d’aller combattre pour l’état islamique. Une radicalisation assez rapide et inattendue. C’est le lien qui va réunir ces trois adolescents. Chacun y parvenant pour des raisons personnelles parfois un peu obscures à mes yeux. Pour Anita notamment, j’ai trouvé qu’il restait des zones d’ombres, et les raisons de Monty m’ont semblé bien légères. Je ne m’attendais pas du tout à la tournure qu’a pris l’histoire. J’ai trouvé que c’était par moments un peu maladroit, un début assez lent puis une partie « dans le désert » qui manque parfois un peu de profondeur. Certains points auraient mérité d’être plus approfondis. Toutefois, malgré ses faiblesses, j’ai trouvé ce texte pas inintéressant et assez marquant.

Portrait de Fatima Bhutto

Layla passait son temps à écrire dans son cahier, à évoquer le passé et à regretter, à regretter et à évoquer le passé, jusqu’à ce que toutes ses journées se fondent en une longue et douloureuse rétrospective.

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C’était ça, le sacrifice. C’était ça, le plus difficile. Pas quitter un endroit qui ne compte pas, mais renoncer à quelque chose qu’on voulait, quelque chose qu’on aurait pu aimer, pour un but plus noble, pour défendre une grande cause.

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Le livre des secrets, Fiona Kidman

En 1953, quand s’ouvre le roman, Maria vit depuis plus de cinquante ans seule dans la maison de famille délabrée. On la surnomme « la sorcière de Waipu », elle qui très jeune se rebella contre sa mère pour vivre sa passion avec un cantonnier. Mise au ban d’une communauté encore très respectueuse des strictes règles morales édictées par son sourcilleux fondateur – l’autoritaire et charismatique Norman McLeod, avec qui sa grand-mère Isabella quitta l’Écosse en 1817 –, elle a tout le temps de se pencher sur le passé.

Je continue ma découverte de la littérature néo-zélandaise avec ce roman qui m’intriguait. Jusqu’à présent, je n’avais lu aucune autrice de ce pays. S’il y a bien un point commun entre ce texte et les autres romans écrits sur l’île que j’ai déjà lus (Sous la terre des maoris par exemple), c’est sa violence et sa dureté. C’est âpre, sans concessions. J’ai trouvé ce texte difficile à lire, particulièrement au début. On suit trois générations de femmes et j’ai mis un peu de temps à me faire à la structure du texte mais on s’y habitue et ensuite l’histoire n’est plus si difficile à suivre. En tout cas on est clairement sur une littérature exigeante qui ne sombre pas dans la facilité et peut rebuter.

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Ici les femmes ne rêvent pas, Rana Ahmad

          L’auteure raconte son parcours et sa rébellion contre l’éducation musulmane sunnite qui lui a été imposée en Arabie Saoudite. Contrainte de porter le hijab à 9 ans et le niqab à 13 ans, elle découvre le monde par la biais d’Internet puis des livres et de la science. Menacée en raison de son engagement pour les droits de l’homme et de la femme, elle se résout à quitter son pays et sa famille.

          Voici un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire de septembre. Oui, tout comme je ne finissais plus de lire, je ne finis plus d’en parler mais je crois bien que ce livre est le dernier ! avec 6 mois de retard donc… Je ne pensais pas en venir à bout donc je suis assez fière d’y être finalement arrivé, peu importe le temps que ça aura pris. Mais revenons-en à nos moutons. J’avoue que j’apprécie souvent de lire ce genre de témoignages, même si le style n’est pas toujours au rendez-vous. C’est toujours intéressant de découvrir d’autres cultures à travers des parcours extraordinaires. J’étais donc ravie de me lancer dans cette lecture et je n’ai pas été déçue !

Couverture d'Ici les femmes ne rêvent pas

          L’histoire est très forte. C’est celle d’une jeune femme qui nous raconte comment, élevée dans une famille aimante, elle a vu son horizon se restreindre au fil des ans : devoir cacher ses cheveux en plus de cacher son corps, ne plus pouvoir faire de vélo, ne plus pouvoir sortir seule… Des libertés petites ou grandes dont elle se retrouve privée au fur et à mesure qu’elle devient une femme. Finis les rêves et les ambitions. La femme est avant tout une fille, une épouse, une mère, elle n’a pas d’identité propre, ses aspirations ne comptent pas.

          L’auteur nous raconte son parcours, comment elle a vécu ces frustrations, comment elle a essayé de s’adapter à sa condition, mais aussi et surtout comment elle a peu à peu changé de regard, appris ou réappris à réfléchir par elle-même, à se demander quelle vie elle souhaitait vraiment. On veut peu à peu éclore une jeune femme indépendante et brillante, qui a de l’ambition et doit se cacher car ses convictions pourraient lui coûter la vie. J’ai aimé suivre son parcours et la voir évoluer peu à peu au fil de ses lectures clandestines. J’ai trouvé son histoire vraiment passionnante.

          Surtout, bien qu’elle ait fui et qu’elle ait réussi à sortir de ce carcan, la jeune femme parle de son pays et plus encore de sa famille avec une certaine tendresse, notamment s’agissant de son père. Elle semble garder plus de tristesse que d’amertume de cette rupture difficile et j’ai trouvé sa manière de raconter très touchante. C’est à la fois sans concessions et empreint d’une certaine tendresse. La fuite, l’errance qui a suivi, puis l’arrivée en Europe n’ont évidemment pas été chose aisée, même si elle a eu la chance de trouver de l’aide sur son chemin. Un parcours chaotique qui laisse entrevoir les difficultés immenses qui attendent celles qui voudraient suivre ce chemin. Quant à celles qui vivent dans une société qui opprime à ce point les femmes, je peine à m’imaginer leurs souffrances. Je ne peux que compatir et espérer qu’un jour l’égalité sera la norme. Un récit courageux et bouleversant, un de mes gros coups de cœur de la fin d’année.

Portrait de Rana Ahmad

J’ai vingt-neuf ans. Une femme divorcée à Riyad, avec un diplôme d’anglais, quelques années d’expériences professionnelles et un ordinateur portable dans son sac. Je quitte mon domicile sans bagages ni certitudes, je marche vers l’inconnu.

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Je tente de saisir l’enchaînement des faits. Un instant plus tôt, j’avais encore une bicyclette à moi et je pouvais sentir le vent dans mes cheveux. A présent je dois les couvrir et je n’aurai plus le droit de sortir seule quand nous serons revenus à Riyad. (…) Abandonner un vélo pour un voile, voilà qui me fait l’effet d’un bien mauvais troc.

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Les femmes saoudiennes n’iront pas en enfer. Il y a longtemps qu’elles y vivent.