Vingt ans après la mort de sa mère, Katmé Abbia, enseignante, apprend que la tombe doit être déplacée. Son mari, Tashun, préfet de la capitale, voit dans ce nouvel enterrement l’occasion providentielle de réparer les erreurs du passé et surtout de donner un coup d’accélérateur à sa carrière politique. Quand Samy, artiste tourmenté, ami et frère de toujours de Katmé, est arrêté et jeté en prison, les ambitions politiques de son mari entrent en collision avec sa vie et la placent devant un choix terrible.
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50 façons de dire fabuleux, Graeme Aitken
Billy Boy a 12 ans et vit en Nouvelle-Zélande avec ses parents fermiers. Billy s’évade dans un monde imaginaire où il se métamorphose en la belle Judy Robinson, l’héroïne de « Perdus dans l’espace », sa série télévisée préférée. Mais avec l’adolescence, cet univers kitsch et illusoire ne tarde pas à s’effondrer. Victime de la brutalité de ses coéquipiers de rugby, confronté à des problèmes de poids, tiraillé entre son attirance pour les garçons et un fort sentiment de culpabilité, Billy ne sait plus où donner de la tête. Il comprendra vite qu’il n’est pas toujours facile de grandir.
Depuis quelques temps, je m’intéresse un peu à la littérature néo-zélandaise, c’est comme ça que je suis tombée sur ce roman. Le résumé me tentait bien, c’était traduit en français, il ne m’en fallait pas plus pour me lancer. Et j’ai vraiment beaucoup aimé. J’ai de suite adoré le style, drôle et enlevé. C’est léger, plein d’auto-dérision, tendre aussi. J’ai immédiatement été sous le charme. Quant à l’histoire, elle nous plonge dans la Nouvelle-Zélande profonde et ses fermes reculées. Autant dire que ce n’est pas franchement l’endroit idéal pour un jeune garçon qui découvre son homosexualité.
Quelque chose dans ce roman m’a un peu rappelé Courir avec des ciseaux, roman pour lequel j’avais développé une véritable passion il y a quelques années et que j’ai offert à tour de bras. On y retrouve un peu le même esprit, le même humour vif, le même genre de personnage décalé. En moins exacerbé et déjanté toutefois. Le personnage est très attachant on s’inquiète rapidement de savoir comment il va bien pouvoir survivre à son adolescence qui s’annonce pour le moins compliquée.
Au fur et à mesure que le récit avance, il perd en légèreté mais gagne une forme de mélancolie, celle d’une enfance heureuse où tout semblait encore facile. J’ai beaucoup aimé cette peinture de la Nouvelle-Zélande des années 50 avec une galerie de personnages hauts en couleurs qui semblent à l’étroit dans ce paysage de champs à perte de vue. Les sentiments ambivalents du jeune garçon sont décrits avec beaucoup de juste. C’est drôle et tendre et tendre à la fois. Touchant, bien souvent. Un très beau portrait d’adolescent en décalage avec son entourage qui part à la recherche de son identité.
Cinéma et condition de la femme
Des films sur la condition de la femme : c’est à un gros morceau que je m’attaque aujourd’hui. Bien sûr, ils sont légion, mais il se trouve que j’en ai vu pas mal ces derniers mois, c’est eux que je voulais mettre à l’honneur. Certains ont été vu il y a maintenant un certain temps mais j’attendais un peu pour vous en parler (vous voyez, finalement je m’habitue aux articles groupés). Ils ne sont donc plus en salle depuis plus ou moins longtemps mais vous pouvez bien sûr pour la plupart les retrouver un DVD – et pour les autres ça ne saurait tarder. Voici donc 8 films très différents, venus du monde entier, mais qui ont en commun de porter à l’écran des femmes fortes avec qui la vie n’a pas toujours été tendre.
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Difret – Ethiopie
A 14 ans, Hirut est kidnappée sur le chemin de l’école. Une tradition contre laquelle elle se révolte en tuant son agresseur pour s’enfuir. Une jeune avocate qui milite pour le droit des femmes va la soutenir face aux accusations de meurtre qui pèsent contre elle.
Si le résumé de ce film me plaisait bien, je n’en attendais pas grand chose pour autant. Pourtant, ç’a été un de mes gros coups de cœur de 2015. La réalisation est classique. On a parfois l’impression d’être assez proche du documentaire. Mais l’histoire est incroyablement forte et le casting extrêmement convaincant. Difret c’est l’histoire d’une adolescente qui a osé se révolter contre l’ordre établi, contre la culture ancestrale de l’enlèvement et du viol, et surtout, l’histoire de la première éthiopienne a avoir gagné ce combat contre les traditions, contribuant à faire évoluer les lois et les mentalités. Difret veut dire « courage ». Un film magnifique sur une jeune femme au courage immense, appuyée par une avocate décidée à défendre ses droits. Une volonté qui force le respect et de grands moments d’émotion. On ressort un peu abasourdi à l’idée que ces traditions perdurent aujourd’hui encore. En effet, cette histoire a réellement eu lieu en Ethiopie il y a à peine 20 ans ! Ce petit film en partie produit par Angelina Jolie, très engagée en Ethiopie, aurait mérité une mise en scène moins banale pour attirer un plus large public mais son histoire à elle seule mérite amplement le déplacement.
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Massan – Inde
Film indien de Neeraj Ghaywan avec Richa Chadda, Vicky Kaushal, Sanjay Mishra
Le père de Devi est en prise avec la corruption depuis que sa fille a été surprise avec un homme, qui s’est ensuite suicidé. Deepak lui, aime une femme qui n’est pas de sa caste. A Bénarès, ville sacrée au bord de Gange, il ne fait pas bon vivre en dehors de la tradition.
J’avais entendu dire le plus grand bien de ce film et j’ai été heureuse d’avoir l’occasion de le voir au cinéma. J’en attendais surement un trop car bien que j’aie aimé ce film, j’ai été un peu déçue. Toutefois, il est loin d’être sans qualités. Le film est très sobre dans sa réalisation et je l’ai trouvé un peu lent par moments. Le point de départ est intéressant, avec une histoire forte, c’est dommage qu’une autre histoire qui n’a pas vraiment de rapport vienne se greffer à la première, ça n’aide pas à rendre le propos très clair et ça donne un résultat qui a tendance à être brouillon. On a l’impression que le réalisateur a voulu trop en dire et n’a pas su choisir. Cependant, le film reste intéressant sur la place de la femme en Inde mais aussi sur les coutumes ancestrales ou les problèmes de corruption. On en ressort avec la nette impression qu’il ne fait pas bon être une femme ! Les relations entre cette jeune fille et son père sont touchantes. Malgré tout, ça manque un peu d’émotion. Un film brouillon sur un sujet intéressant, le résultat est un peu lisse mais tout de même attachant.
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Vierge sous serment – Albanie
Film italo-albanais de Laura Bispuri avec Alba Rohrwacher, Flonja Kodheli, Lars Eidinger
En Albanie, pour ne pas vivre sous la tutelle masculine, Hana se plie à une tradition ancestrale : elle fait le serment de rester vierge et de vivre comme un homme afin d’acquérir son indépendance.
Voici sans doute l’histoire la plus originale de cette sélection. En effet, j’ignorais totalement qu’en Albanie, une femme qui ne souhaitait pas se marier pouvait « devenir » un homme – en cachant sa féminité et en adoptant un comportement et un prénom masculins – à condition de faire le serment de rester vierge. Je dois avouer que j’ai trouvé ça assez fou (ça m’avait fait le même effet quand j’avais découvert le mariage temporaire en Iran dans Noces éphémères). C’est quand cette jeune femme décide de quitter ses montagnes pour aller en ville chez sa sœur en Italie que tout va se compliquer. Le film est avant tout basé sur la psychologie de cette jeune femme : comment le vit-elle ? peut-elle se défaire du carcans de traditions ? peut-elle s’adapter à la société ? C’est extrêmement intéressant. On est plus dans l’analyse que dans l’émotion même s’il y a quelques beaux moments. La réalisation est à première vue proche du documentaire, toutefois, visuellement l’austérité de l’Albanie s’oppose aux couleurs chatoyantes de l’Italie, appuyant les clivages entre les deux sociétés. Ce film assez austère met en avant une tradition méconnue et traite le sujet avec une certaine finesse et beaucoup de retenue.
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Much loved – Maroc
Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane
A Marrakech, Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent en vendant leur corps. Ensemble, elles surmontent tant bien que mal la violence du quotidien, dans une société qui les utilise et les condamne tout à la fois.
Encore un film qui m’intriguait, d’autant qu’on en disait beaucoup de bien. Pourtant j’avais un peu peur de ce que j’allais y trouver. Une fois de plus, le sujet est difficile et le film aurait pu aussi bien être très glauque que carrément vulgaire, voire même les deux à la fois. Il n’en est rien. Bien sûr, il y a des passages durs, difficile d’y échapper étant donné le sujet, mais le film est loin de se résumer à ça (il y a quand même 2 ou 3 scènes assez violentes, âmes sensibles s’abstenir). C’est finalement assez lent comme rythme, on suit le quotidien de prostituées qui partagent un appartement et travaillent parfois ensemble. Il y a à la fois les moments où elles travaillent mais aussi les autres, ceux où elles restent en pyjama à la maison, où elles discutent, où elles s’engueulent. Le film ne joue pas la carte du sexe à tout va et du voyeurisme. S’il y a des scènes de sexe, c’est qu’elles sont indispensables au récit. Ca commence d’ailleurs très fort avec une soirée folle où il est « obligatoire » de s’amuser. C’est bien réalisé et surtout très bien joué. C’est à la fois triste et joyeux et il s’en dégage autant d’humanité que d’espoir. J’en suis ressortie assez chamboulée. Un film lumineux sur un quotidien plutôt sombre : une belle tranche de vie.
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Ixcanul – Guatemala
Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec María Mercedes Croy, Maria Telon, Manuel Antún
Maya a 17 ans. Elle vit avec ses parents sur une plantation de café au Guatemala et rêve d’ailleurs, de la ville et de la modernité. Mais sa vie va basculer et elle va se retrouver enfermée dans le carcan des traditions.
J’avais très envie de voir ce film dont – une fois de plus – on m’avait dit beaucoup de bien. J’aime beaucoup le cinéma sud-américain même si j’en vois trop peu et les coutumes indiennes m’attirent toujours. Il y a pourtant eu comme un malentendu. Le synopsis laissait entendre quelque chose qui n’arrive jamais vraiment. J’ai limite eu l’impression qu’il n’y avait aucun rapport entre le film et son résumé, ou en tout cas qu’il faisait d’un détail la trame essentielle. La conséquence fâcheuse, c’est que j’ai passé tout le film à attendre quelque chose qui ne vient pas. Très frustrant. J’ai mis très longtemps (trop longtemps) à le comprendre et c’est un peu dommage. Mais une fois mes attentes révisées, je n’en ai pas moins trouvé que c’était un très bon film. Bien qu’on soit proche du documentaire, le réalisateur parvient à rendre une ambiance particulière et assez étrange, à la fois sombre et empreinte de mystère. Les paysages à couper le souffle n’y sont pas étrangers et il y a quelques scènes fascinantes. L’histoire quant à elle est très poignante, elle nous immerge dans la tradition, et j’ai trouvé la jeune actrice impressionnante. Un premier film fort et beau qui est loin de laisser indifférent.
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Les innocentes – Pologne (1945)
Film franco-polonais d’Anne Fontaine avec Lou de Laâge, Vincent Macaigne, Agata Buzek
Mathilde, jeune interne à la Croix Rouge, est appelée au secours par une religieuse polonaise. Dans le couvent, elle va découvrir que plusieurs de ces Bénédictines coupées du monde sont sur le point d’accoucher après leur viol par des soldats. Elle va essayer de gagner leur confiance pour leur venir en aide.
Voilà un film que j’attendais avec une certaine impatience. Le sujet est très fort et ça m’a donné envie d’en savoir plus sur cette histoire atroce. J’ai beaucoup aimé le film mais il m’a déçue par certains aspects. Le film commence au moment où la jeune infirmière découvre que des bonnes sœurs sont enceintes après avoir été violées. Il occulte ainsi le début de l’histoire si l’on peut dire. C’est logique en un sens puisqu’il s’agit de l’adaptation du récit de l’infirmière en question qui ne pouvait donc pas relater ce qu’elle n’a pas vu. Toutefois la réalisatrice aurait pu choisir de combler les lacunes du récit. J’ai trouvé ces femmes très attachantes et le casting très convaincant. Quant à l’esthétique, elle est très travaillée avec des plans vraiment splendides, d’une froideur qui tend presque au monochrome. Pourtant, le résultat est un peu lisse au vu de l’horreur de l’histoire. Le viol est à peine évoqué et on ne suit finalement que leur grossesse à travers cette jeune infirmière. Leurs sentiments sont esquissés mais auraient pu être mis plus en avant. Un beau film qui aurait à mon sens mérité un engagement plus important pour marquer durablement.
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Carol – Etats-Unis (1950)
Film américain de Todd Haynes avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler
La rencontre de Carol, femme distinguée et malheureuse dans son mariage, et de Therese, employée d’un grand magasin, va bouleverser leurs vies. Les deux femmes vont se retrouver coincées entre leur attirance et le respect des conventions. Un choix difficile va s’imposer à elles.
On m’avait dit le plus grand bien de Carol et j’en attendais beaucoup, d’autant plus que Cate Blanchet a souvent de très beaux rôles. C’est d’ailleurs le cas ici aussi, même si j’ai trouvé son personnage très froid et pas du tout dans l’émotion malgré une histoire qui s’y prêtait. Rooney Mara a un rôle plus nuancé (mais beaucoup moins glam’) qu’elle tient avec un certain brio. Contrairement à beaucoup, j’ai trouvé son prix d’interprétation parfaitement justifié. L’histoire est très forte et montre une femme indépendante tiraillée entre son amour pour sa fille et son envie de vivre sa vie comme elle l’entend, en essayant de se défaire du carcan de la société. Visuellement ce film est très beau : impeccablement réalisé, il porte un grand soin à la photographie. La musique est également très bien choisie. Bien que cela s’y prête assez, on ne sombre jamais dans le pathos. Malheureusement, on tombe un peu dans l’excès inverse. Tout en retenue, j’ai trouvé que ce film manquait d’émotion. Un film classique mais élégant qui aborde un sujet fort avec une certaine distance : beau mais un peu froid.
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The Danish Girl – Danemark (1930)
Film américain de Tom Hooper avec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw
En 1930, quand Einar Wegener, peintre danois marié à Gerda, se transforme peu à peu en Lili Elbe, c’est tout leur univers qui bascule. Malgré les tensions, Gerda soutiendra son mari envers et contre-tout dans sa lutte pour devenir une femme. Il sera le premier de l’histoire à user de la chirurgie pour changer de sexe.
Bon, on s’éloigne peut-être un brin de la condition de la femme à proprement parler avec le premier transsexuel de l’histoire mais je ne voyais pas meilleur hommage que de le mettre dans cet article. Il y a dans ce film un très beau casting, les deux acteurs principaux sont très convaincants dans des rôles qui sont loin d’être faciles. L’histoire est magnifique. On ne sait ce qui est le plus touchant : le parcours du combattant pour cet homme qui souhaite devenir une femme ou celui de sa femme qui le soutient malgré tout. D’ailleurs cette partie semble parfois trop belle pour être vrai. Il y a bien quelques distensions au début mais elles auraient mérité d’être plus appuyée pour ajouter au réalisme du film qui là semble presque trop lisse. Visuellement, c’est irréprochable. Je ne connaissais pas ce peintre mais j’ai eu la sensation de me retrouver plongée dans un tableau d’un maître flamand. Mais si ce film est impeccable, il manque de caractère et joue trop sur la corde sensible à mon goût. A vouloir trop en faire, cette histoire qui aurait pu faire un grand film se transforme en mélo sympathique et très esthétique mais quelque peu insipide.
Un dossier qui me tenait beaucoup à cœur, j’espère qu’il vous aura plu. Les pays que j’ai indiqués sont ceux où se déroule l’histoire (ainsi que l’époque quand elle n’est pas contemporaine). J’espère que vous aurez l’occasion de voir quelques-uns de ces films dont certains sont très forts et qui offrent tous un éclairage intéressant sur la condition de la femme. En espérant qu’à force de temps et de persévérance, ils contribueront à faire avancer les choses et nous paraîtront dans un futur pas trop lointain quelque peu dépassés.
Le bleu est une couleur chaude – Julie Maroh
Le jour où Clémentine rencontre Emma, la fille aux cheveux bleus, sa vie bascule. Elle tombe éperdument amoureuse et découvre avec elle l’amour et le désir. Elle l’aidera aussi à affronter le regard des autres, malgré les difficultés. Un amour que rien ni personne ne semble pouvoir détruire.
Il y avait longtemps que je voulais lire cette BD dont j’avais beaucoup entendu parler, toujours dans les termes les plus élogieux. Quand le film qui en est inspiré est sorti, La vie d’Adèle, j’ai donc décidé d’aller le voir avant de lire l’original, l’inverse s’avérant bien souvent décevant. Je n’ai d’ailleurs guère apprécié ce film pourtant encensé par la critique mais on m’avait dit qu’il était fidèle à l’histoire d’origine ce qu’après lecture je trouve contestable, mais j’y reviendrai.
Hormis le sujet et l’histoire qui me tentaient bien, le dessin m’attirait beaucoup. Je le trouvais très beau et délicat. Les planches sont des aquarelles. L’ensemble reste essentiellement dans des tons neutres, des gris ou des beiges surtout, avec seulement quelques touches de couleur très lumineuses : le bleu des cheveux et des yeux d’Emma. Ca contribue au charisme du personnage et donne beaucoup de poésie à l’ensemble.
Et cette histoire dont on parlait tant ? est-elle si belle ? eh bien oui, elle est simplement magnifique. Deux personnes qui s’aiment, c’est simple et c’est beau. La bande dessinée, par la concision du texte, oblige à aller à l’essentiel et j’ai trouvé ce travail très intéressant. On rentre rapidement dans l’univers de Clémentine et on partage son amour, ses doutes, ses peines aussi.
L’adaptation au cinéma reprenait cela dans une certaine mesure, cependant, maintenant que j’ai lu le texte, je peux dire qu’à mon sens elle en trahit totalement l’esprit. Difficile de dire en quoi sans vous parler de la fin de l’un et l’autre mais disons qu’un amour est absolu et l’autre pas, et c’est là tout la différence. La différence entre l’Amour avec un grand A et une histoire parmi d’autres. En cela, j’ai amplement préféré la BD, qui répond bien plus à ce que j’attendais de cette histoire, à ma soif d’absolu.
Je lis peu de BD mais j’ai réellement dévoré celle-ci. Impossible de la lâcher une fois ouverte. Le personnage d’Emma est lumineux et fait partie de ces héroïnes qui marquent. J’ai aimé le dessin comme le texte et tous deux s’équilibrent bien, l’un ne prenant pas trop le pas sur l’autre. Mais c’est l’histoire surtout qui fait toute la différence, absolument magnifique. Un trait délicat, un personnage charismatique et une histoire bouleversante : à lire absolument !
La vie d’Adèle, ou encore une Palme d’Or que je n’ai pas aimée
Comédie dramatique, romance française d’Abdellatif Kechiche avec Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos, Salim Kechiouche
Adèle est une adolescente qui vit ses premières amours. Malgré les bonnes notes, les copines ou les petits amis, elle a l’impression d’un manque dans sa vie. Lorsqu’elle rencontre Emma, la fille aux cheveux bleus, c’est le coup de foudre. Aussi libérée qu’elle est introvertie, elles vont vivre toutes deux une histoire passionnée.
Cette année, enfin, pour la première fois depuis bien longtemps, le film primé à Cannes me tentait vraiment ! L’histoire de ces deux adolescentes qui s’aiment est tirée d’une BD, Le bleu est une couleur chaude, que j’ai envie de lire depuis un bon moment déjà et dont je n’ai entendu dire que du bien. Le sujet m’intéresse et le personnage de cette fille aux cheveux bleu m’intrigue : une touche de mystère comme je les aime. Après la projection lors du festival on parlait d’une magnifique histoire d’amour, et bien que toujours un peu réticente aux mièvreries, j’étais toute prête à me laisser cueillir et à pleurer d’émotion comme la Madeleine que je suis. Ca faisait donc des mois que j’attendais avec impatience la sortie de cette Palme d’Or un peu particulière, malgré les polémiques qui ont fait rage autour du tournage et dont à vrai dire je me suis à peu près totalement désintéressée. Inutile de vous dire que c’est avec beaucoup d’entrain que j’ai pris mes places en avance pour voir le film le soir-même de sa sortie.
Comment vous dire quel a été mon désarroi quand j’ai compris l’insondable profondeur de l’ennui qui me guettait ? J’ai pensé finir fossilisée sur mon fauteuil avant qu’il ne se passe quelque chose d’intéressant. Par curiosité, j’ai regardé ma montre à un moment donné, le film avait commencé depuis près d’une heure, Adèle n’avait toujours pas rencontré la fille aux cheveux bleus et je songeais déjà à aller retrouver mon lit confortable et le bon livre qui m’attendait sur ma table de chevet… Mais j’ai été courageuse ; j’ai tenu stoïquement jusqu’à la dernière seconde. On est tellement loin de l’exaltation à laquelle je m’attendais ! Comment expliquer pareil décalage entre l’enthousiasme en franchissant le seuil de la salle et la déception à peine quelques minutes après ? Et cela alors même que ce film est bien d’une certaine manière ce qu’on attendait ! Etrange décalage…
Tout d’abord, et c’est sans doute ce qu’il m’a le plus gênée, je n’ai pas du tout aimé la manière de filmer du réalisateur. Il a une manie du gros plan qui m’a franchement tapé sur les nerfs. Ce n’est pas que j’aie quoi que ce soit contre les plans serrés, au contraire, ça peut s’avérer très esthétique, mais de là à couper quasi systématiquement le haut du crâne de ses actrices, il y a de la marge tout de même. Ça me donne la désagréable impression qu’il ne sait pas tenir une caméra et qu’il a raté tous ses cadrage : « tiens elle serait pas mal celle-là mais tu lui as coupé le menton, celle-là aussi mais elle n’a plus d’oreille, ah et là c’est le front qui manque… ». A moins que ce ne soit un nouveau montage fait par vengeance suite à la polémique : « mes actrices ont tellement pris la grosse tête qu’elles ne tiennent même plus sur un écran de cinéma. » Toujours est-il qu’on est abreuvé de gros plans cadrés souvent de manière un peu hasardeuse pendant une bonne partie du film et que je n’avais qu’une envie, c’était que la caméra prenne un peu le large pour me laisser respirer. Une esthétique avec laquelle je me suis donc senti bien peu d’affinités. J’ai d’ailleurs trouvé que de ce point de vue-là le film était assez pauvre, avec des plans répétitifs et un brin monotones. Un peu de variation dans la manière de filmer aurait pu donner un peu plus de souffle il me semble.
Ce qui aurait pu donner plus de rythme également, c’est de couper les scènes interminables, tout simplement. J’en entends déjà certains crier au scandale. Je sais, je sais. Mais bon, le film dure 3h, et franchement, il y a des scènes d’un ennui mortel et d’un intérêt douteux qui aurait sans doute pu être écourtées. Surtout quand elles ont la fâcheuse tendance à se répéter… Honnêtement, dans la première partie, entre les repas en famille type « repasse-moi des spaghettis », les passionnantes discussions entre ados au lycée « vazi l’mec i’t’regarde il est trop canon, chui sure ya trop moyen d’niquer » (veuillez excusez les propos inconvenant mais ce se sont les premiers qui me reviennent à l’esprit) et les premières scènes de sexe (j’y reviens), rien ne nous est épargné. Tout ça avant même qu’on entre dans le vif du sujet ! Disons qu’on aurait peut-être pu écourter le supplice. Si au moins ça dressait un beau portrait du personnage, lui donnait de la consistance, tout ça… Alors certes, certaines questions sont effleurées mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’au bout de cette heure où on voit pourtant Adèle en gros plan quasi en permanence elle ait beaucoup gagné en profondeur. Et pour moi, à part peut-être une pointe d’agacement devant certains tics évidents de réalisation, aucune émotion n’apparaissait à l’horizon.
Heureusement, la rencontre me tenait en haleine. D’ailleurs, je l’ai presque trouvée trop rapide, trop simple d’une certaine manière. Mais je l’ai trouvée belle. C’est un passage que j’ai bien aimé, celui des premiers instants ensembles et de la séduction. D’une forme d’insouciance aussi. Mais très vite, les scènes de sexe arrivent et on verse alors dans la pornographie. Rien ne nous est épargné. On voit leurs ébats point par point en temps réel. J’ai beau ne pas être particulièrement mal à l’aise avec ça, là c’était quand même trop et trop souvent. Choisir de tout montrer pourquoi pas mais bon, ce n’est peut-être pas la peine d’y passer de looooongues minutes à chaque fois qui finissent par déclencher ricanements, commentaires et bâillements dans la salle. A force de longueurs qui se veulent sans doute esthétiques, on tombe souvent dans le chiant ou le ridicule, quand ce n’est pas les deux. Forcément, ça laisse peu de place à l’émotion. Difficile une fois qu’on est dans de telles dispositions de se laisser séduire par une histoire d’amour, aussi émouvante soit-elle.
La deuxième partie du film, plus courte, est bien meilleure que la première (je ne lui ferais d’ailleurs pas les mêmes reproches), même si on reste loin du chef-d’œuvre annoncé. J’ai même versé ma petite larme à un moment, ce qui est surprenant étant donné mon état d’agacement à ce stade ; c’est dire le talent des actrices ! Car oui, elles sont toutes deux exceptionnelles. Adèle est d’un naturel déconcertant, pendant 3h, presque constamment en gros plan, elle crève l’écran. Léa Seydoux n’est pas en reste et livre une très belle prestation dans le rôle de cette femme charismatique. Un incroyable panel d’émotion se lit sur leur visage dans cette deuxième partie, beaucoup plus riche et mieux travaillée. Ici justement le gros plan prend tout son sens, pour transmettre au spectateur les sentiments troubles des personnages. Pas étonnant que cette Palme d’Or ait aussi été la leur. Cette deuxième partie est plus sobre mais je l’ai aussi trouvée bien plus belle ; dommage que la première partie n’ait pas été du même niveau, je n’aurais peut-être pas adoré le film, mais au moins j’aurais bien aimé je pense alors que là je n’ai que quelques images pas désagréables dans un océan d’ennui.
Je dois admettre que je suis terriblement déçue de ne rien avoir de plus positif à vous dire sur ce film. Grosso modo, mis à part les actrices et l’idée de départ, je n’ai pas trouvé grand-chose à sauver et j’en suis la première désolée. Pourtant l’histoire est bien celle que j’attendais, ces deux filles qui s’aiment sont bien là. J’ai juste eu l’impression qu’elle était vue avec d’autres yeux que ceux que j’attendais. Qu’il y avait un énorme décalage de point de vue entre ce que j’espérais et ce qu’a imaginé le réalisateur. Un peu comme si j’avais demandé à un photographe de me prendre une photo d’Etretat et qu’au lieu de prendre la falaise il prenne le côté où c’est plat ; c’est bien le même endroit, ce n’est simplement pas ce que j’avais imaginé. Une sensibilité qui n’est visiblement pas du tout la même que la mienne et qui m’a laissée totalement froide. Une fois de plus, je suis passée totalement à côté de cette Palme d’Or qui m’a laissée perplexe.
PS : un petit mot au passage pour Filou, la séparation fut une épreuve pour moi qui ai un peu de mal avec les engueulades au cinéma !