Cinéma

Cinéma et condition de la femme

          Des films sur la condition de la femme : c’est à un gros morceau que je m’attaque aujourd’hui. Bien sûr, ils sont légion, mais il se trouve que j’en ai vu pas mal ces derniers mois, c’est eux que je voulais mettre à l’honneur. Certains ont été vu il y a maintenant un certain temps mais j’attendais un peu pour vous en parler (vous voyez, finalement je m’habitue aux articles groupés). Ils ne sont donc plus en salle depuis plus ou moins longtemps mais vous pouvez bien sûr pour la plupart les retrouver un DVD – et pour les autres ça ne saurait tarder. Voici donc 8 films très différents, venus du monde entier, mais qui ont en commun de porter à l’écran des femmes fortes avec qui la vie n’a pas toujours été tendre.

A 14 ans, Hirut est kidnappée sur le chemin de l’école. Une tradition contre laquelle elle se révolte en tuant son agresseur pour s’enfuir. Une jeune avocate qui milite pour le droit des femmes va la soutenir face aux accusations de meurtre qui pèsent contre elle.

Difret, afficheSi le résumé de ce film me plaisait bien, je n’en attendais pas grand chose pour autant. Pourtant, ç’a été un de mes gros coups de cœur de 2015. La réalisation est classique. On a parfois l’impression d’être assez proche du documentaire. Mais l’histoire est incroyablement forte et le casting extrêmement convaincant. Difret c’est l’histoire d’une adolescente qui a osé se révolter contre l’ordre établi, contre la culture ancestrale de l’enlèvement et du viol, et surtout, l’histoire de la première éthiopienne a avoir gagné ce combat contre les traditions, contribuant à faire évoluer les lois et les mentalités. Difret veut dire « courage ». Un film magnifique sur une jeune femme au courage immense, appuyée par une avocate décidée à défendre ses droits. Une volonté qui force le respect et de grands moments d’émotion. On ressort un peu abasourdi à l’idée que ces traditions perdurent aujourd’hui encore. En effet, cette histoire a réellement eu lieu en Ethiopie il y a à peine 20 ans ! Ce petit film en partie produit par Angelina Jolie, très engagée en Ethiopie, aurait mérité une mise en scène moins banale pour attirer un plus large public mais son histoire à elle seule mérite amplement le déplacement.

 

Film indien de Neeraj Ghaywan avec Richa Chadda, Vicky Kaushal, Sanjay Mishra

Le père de Devi est en prise avec la corruption depuis que sa fille a été surprise avec un homme, qui s’est ensuite suicidé. Deepak lui, aime une femme qui n’est pas de sa caste. A Bénarès, ville sacrée au bord de Gange, il ne fait pas bon vivre en dehors de la tradition. 

Masaan, afficheJ’avais entendu dire le plus grand bien de ce film et j’ai été heureuse d’avoir l’occasion de le voir au cinéma. J’en attendais surement un trop car bien que j’aie aimé ce film, j’ai été un peu déçue. Toutefois, il est loin d’être sans qualités. Le film est très sobre dans sa réalisation et je l’ai trouvé un peu lent par moments. Le point de départ est intéressant, avec une histoire forte, c’est dommage qu’une autre histoire qui n’a pas vraiment de rapport vienne se greffer à la première, ça n’aide pas à rendre le propos très clair et ça donne un résultat qui a tendance à être brouillon. On a l’impression que le réalisateur a voulu trop en dire et n’a pas su choisir. Cependant, le film reste intéressant sur la place de la femme en Inde mais aussi sur les coutumes ancestrales ou les problèmes de corruption. On en ressort avec la nette impression qu’il ne fait pas bon être une femme ! Les relations entre cette jeune fille et son père sont touchantes. Malgré tout, ça manque un peu d’émotion. Un film brouillon sur un sujet intéressant, le résultat est un peu lisse mais tout de même attachant.

 

Film italo-albanais de Laura Bispuri avec Alba Rohrwacher, Flonja Kodheli, Lars Eidinger

En Albanie, pour ne pas vivre sous la tutelle masculine, Hana se plie à une tradition ancestrale : elle fait le serment de rester vierge et de vivre comme un homme afin d’acquérir son indépendance.

Vierge sous serment, afficheVoici sans doute l’histoire la plus originale de cette sélection. En effet, j’ignorais totalement qu’en Albanie, une femme qui ne souhaitait pas se marier pouvait « devenir » un homme – en cachant sa féminité et en adoptant un comportement et un prénom masculins – à condition de faire le serment de rester vierge. Je dois avouer que j’ai trouvé ça assez fou (ça m’avait fait le même effet quand j’avais découvert le mariage temporaire en Iran dans Noces éphémères). C’est quand cette jeune femme décide de quitter ses montagnes pour aller en ville chez sa sœur en Italie que tout va se compliquer. Le film est avant tout basé sur la psychologie de cette jeune femme : comment le vit-elle ? peut-elle se défaire du carcans de traditions ? peut-elle s’adapter à la société ? C’est extrêmement intéressant. On est plus dans l’analyse que dans l’émotion même s’il y a quelques beaux moments. La réalisation est à première vue proche du documentaire, toutefois, visuellement l’austérité de l’Albanie s’oppose aux couleurs chatoyantes de l’Italie, appuyant les clivages entre les deux sociétés. Ce film assez austère met en avant une tradition méconnue et traite le sujet avec une certaine finesse et beaucoup de retenue.

 

Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane

A Marrakech, Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent en vendant leur corps. Ensemble, elles surmontent tant bien que mal la violence du quotidien, dans une société qui les utilise et les condamne tout à la fois.

Much loved, afficheEncore un film qui m’intriguait, d’autant qu’on en disait beaucoup de bien. Pourtant j’avais un peu peur de ce que j’allais y trouver. Une fois de plus, le sujet est difficile et le film aurait pu aussi bien être très glauque que carrément vulgaire, voire même les deux à la fois. Il n’en est rien. Bien sûr, il y a des passages durs, difficile d’y échapper étant donné le sujet, mais le film est loin de se résumer à ça (il y a quand même 2 ou 3 scènes assez violentes, âmes sensibles s’abstenir). C’est finalement assez lent comme rythme, on suit le quotidien de prostituées qui partagent un appartement et travaillent parfois ensemble. Il y a à la fois les moments où elles travaillent mais aussi les autres, ceux où elles restent en pyjama à la maison, où elles discutent, où elles s’engueulent. Le film ne joue pas la carte du sexe à tout va et du voyeurisme. S’il y a des scènes de sexe, c’est qu’elles sont indispensables au récit. Ca commence d’ailleurs très fort avec une soirée folle où il est « obligatoire » de s’amuser. C’est bien réalisé et surtout très bien joué. C’est à la fois triste et joyeux et il s’en dégage autant d’humanité que d’espoir. J’en suis ressortie assez chamboulée. Un film lumineux sur un quotidien plutôt sombre : une belle tranche de vie.

 

Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec María Mercedes Croy, Maria Telon, Manuel Antún

Maya a 17 ans. Elle vit avec ses parents sur une plantation de café au Guatemala et rêve d’ailleurs, de la ville et de la modernité. Mais sa vie va basculer et elle va se retrouver enfermée dans le carcan des traditions.

Ixcanul, afficheJ’avais très envie de voir ce film dont – une fois de plus – on m’avait dit beaucoup de bien. J’aime beaucoup le cinéma sud-américain même si j’en vois trop peu et les coutumes indiennes m’attirent toujours. Il y a pourtant eu comme un malentendu. Le synopsis laissait entendre quelque chose qui n’arrive jamais vraiment. J’ai limite eu l’impression qu’il n’y avait aucun rapport entre le film et son résumé, ou en tout cas qu’il faisait d’un détail la trame essentielle. La conséquence fâcheuse, c’est que j’ai passé tout le film à attendre quelque chose qui ne vient pas. Très frustrant. J’ai mis très longtemps (trop longtemps) à le comprendre et c’est un peu dommage. Mais une fois mes attentes révisées, je n’en ai pas moins trouvé que c’était un très bon film. Bien qu’on soit proche du documentaire, le réalisateur parvient à rendre une ambiance particulière et assez étrange, à la fois sombre et empreinte de mystère. Les paysages à couper le souffle n’y sont pas étrangers et il y a quelques scènes fascinantes. L’histoire quant à elle est très poignante, elle nous immerge dans la tradition, et j’ai trouvé la jeune actrice impressionnante. Un premier film fort et beau qui est loin de laisser indifférent.

 

Film franco-polonais d’Anne Fontaine avec Lou de Laâge, Vincent Macaigne, Agata Buzek

Mathilde, jeune interne à la Croix Rouge, est appelée au secours par une religieuse polonaise. Dans le couvent, elle va découvrir que plusieurs de ces Bénédictines coupées du monde sont sur le point d’accoucher après leur viol par des soldats. Elle va essayer de gagner leur confiance pour leur venir en aide.

Les innocentes, afficheVoilà un film que j’attendais avec une certaine impatience. Le sujet est très fort et ça m’a donné envie d’en savoir plus sur cette histoire atroce. J’ai beaucoup aimé le film mais il m’a déçue par certains aspects. Le film commence au moment où la jeune infirmière découvre que des bonnes sœurs sont enceintes après avoir été violées. Il occulte ainsi le début de l’histoire si l’on peut dire. C’est logique en un sens puisqu’il s’agit de l’adaptation du récit de l’infirmière en question qui ne pouvait donc pas relater ce qu’elle n’a pas vu. Toutefois la réalisatrice aurait pu choisir de combler les lacunes du récit. J’ai trouvé ces femmes très attachantes et le casting très convaincant. Quant à l’esthétique, elle est très travaillée avec des plans vraiment splendides, d’une froideur qui tend presque au monochrome. Pourtant, le résultat est un peu lisse au vu de l’horreur de l’histoire. Le viol est à peine évoqué et on ne suit finalement que leur grossesse à travers cette jeune infirmière. Leurs sentiments sont esquissés mais auraient pu être mis plus en avant. Un beau film qui aurait à mon sens mérité un engagement plus important pour marquer durablement.

 

  • Carol – Etats-Unis (1950)

Film américain de Todd Haynes avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler

La rencontre de Carol, femme distinguée et malheureuse dans son mariage, et de Therese, employée d’un grand magasin, va bouleverser leurs vies. Les deux femmes vont se retrouver coincées entre leur attirance et le respect des conventions. Un choix difficile va s’imposer à elles.

Carol, afficheOn m’avait dit le plus grand bien de Carol et j’en attendais beaucoup, d’autant plus que Cate Blanchet a souvent de très beaux rôles. C’est d’ailleurs le cas ici aussi, même si j’ai trouvé son personnage très froid et pas du tout dans l’émotion malgré une histoire qui s’y prêtait. Rooney Mara a un rôle plus nuancé (mais beaucoup moins glam’) qu’elle tient avec un certain brio. Contrairement à beaucoup, j’ai trouvé son prix d’interprétation parfaitement justifié. L’histoire est très forte et montre une femme indépendante tiraillée entre son amour pour sa fille et son envie de vivre sa vie comme elle l’entend, en essayant de se défaire du carcan de la société. Visuellement ce film est très beau : impeccablement réalisé, il porte un grand soin à la photographie. La musique est également très bien choisie. Bien que cela s’y prête assez, on ne sombre jamais dans le pathos. Malheureusement, on tombe un peu dans l’excès inverse. Tout en retenue, j’ai trouvé que ce film manquait d’émotion. Un film classique mais élégant qui aborde un sujet fort avec une certaine distance : beau mais un peu froid.

 

Film américain de Tom Hooper avec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw

En 1930, quand Einar Wegener, peintre danois marié à Gerda, se transforme peu à peu en Lili Elbe, c’est tout leur univers qui bascule. Malgré les tensions, Gerda soutiendra son mari envers et contre-tout dans sa lutte pour devenir une femme. Il sera le premier de l’histoire à user de la chirurgie pour changer de sexe.

The Danish girl, afficheBon, on s’éloigne peut-être un brin de la condition de la femme à proprement parler avec le premier transsexuel de l’histoire mais je ne voyais pas meilleur hommage que de le mettre dans cet article. Il y a dans ce film un très beau casting, les deux acteurs principaux sont très convaincants dans des rôles qui sont loin d’être faciles. L’histoire est magnifique. On ne sait ce qui est le plus touchant : le parcours du combattant pour cet homme qui souhaite devenir une femme ou celui de sa femme qui le soutient malgré tout. D’ailleurs cette partie semble parfois trop belle pour être vrai. Il y a bien quelques distensions au début mais elles auraient mérité d’être plus appuyée pour ajouter au réalisme du film qui là semble presque trop lisse. Visuellement, c’est irréprochable. Je ne connaissais pas ce peintre mais j’ai eu la sensation de me retrouver plongée dans un tableau d’un maître flamand. Mais si ce film est impeccable, il manque de caractère et joue trop sur la corde sensible à mon goût. A vouloir trop en faire, cette histoire qui aurait pu faire un grand film se transforme en mélo sympathique et très esthétique mais quelque peu insipide.

 

          Un dossier qui me tenait beaucoup à cœur, j’espère qu’il vous aura plu. Les pays que j’ai indiqués sont ceux où se déroule l’histoire (ainsi que l’époque quand elle n’est pas contemporaine). J’espère que vous aurez l’occasion de voir quelques-uns de ces films dont certains sont très forts et qui offrent tous un éclairage intéressant sur la condition de la femme. En espérant qu’à force de temps et de persévérance, ils contribueront à faire avancer les choses et nous paraîtront dans un futur pas trop lointain quelque peu dépassés.

8 commentaires sur “Cinéma et condition de la femme

  1. Beau travail! j’ai beaucoup aimé Difret surtout, mais aussi les innocentes et Vierge sous serment. Carol dans un autre registre, n’est pas mal non plus.

  2. A reblogué ceci sur Madimado's Bloget a ajouté:

    Suite et fin de ma série sur les articles phare du blog. Après ceux qui ont eu le plus de succès, ceux que j’ai pris le plus de plaisir à écrire, et celui-ci est sans hésiter en tête de liste. Un article très peu lu mais dont je suis pourtant assez fière et que j’aurais eu bien des occasion de compléter depuis (l’occasion peut-être de ressortir quelque chose sur le sujet ?). J’espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire ou le relire que j’en ai eu à l’écrire.

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