Théâtre

Les estivants – une jolie mise en scène du texte de Gorki à la Comédie française

          « Comme chaque été, Bassov et sa femme Varvara retrouvent leurs amis dans une datcha en bord de mer. En retrait du monde, se réunissent ainsi une quinzaine d’individus oisifs qui emploient leurs journées à échanger sur l’amour, la mort, l’art ou la révolution. Mais deux nouveaux personnages, une intellectuelle engagée, Maria Lvovna, et un poète en panne d’inspiration, Chalimov, vont bousculer l’équilibre des vacanciers, obligeant les uns et les autres à prendre position. » 

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          Je ne connaissais pas du tout ce texte de Gorki. C’est d’ailleurs un auteur que je connais assez peu même si j’avais beaucoup aimé Une vie inutileCa faisait un moment que je voulais lire autre chose de lui quand j’ai vu que cette pièce était au programme de la Comédie Française. Et comme Loïc Corbery faisait partie de la distribution, j’avais franchement hâte de voir ça ! J’étais moyennement bien placée, de côté derrière un projecteur, avec une visibilité assez médiocre qui m’a forcée à me tordre le cou pendant toute la durée de la pièce qui dure quand même 3h (avec entracte) ! Malgré ça, je n’ai pu qu’admirer la beauté des costumes et des décors. Certains trouveront sans doute ça trop classique, convenu, mais je  début me suis sentie plongée en plein dans la Russie du XX° s. et j’ai adoré ça : c’est tellement beau !

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          Rien que pour admirer le raffinement de la mise en scène et les décors, ça vaut le déplacement. En revanche, on peut trouver la pièce un peu lente. Il faut dire que le sujet ne se prête pas vraiment à l’action. Il porte plutôt sur la vacuité des relations entre la nouvelle élite moscovite. Les discussions sont oiseuses et la fausseté des sentiments le dispute à l’ennui. Mais cette lenteur n’est en rien inutile et sert au mieux le propos. Les choses se mettent en place peu à peu et si parfois j’ai trouvé le temps un peu long, le dernier acte ne manque pas d’intensité (moi qui n’aime pas les engueulades, j’ai été servie) et le final m’a quelque peu sonnée. Sa violence le dispute à sa modernité. J’ai trouvé que ce texte n’avait pas pris une ride et un siècle après son écriture restait parfaitement d’actualité. En effet, les propos oiseux ne sont pas sans rappeler les réflexions de certains parisiens en villégiature à la campagne.

LES ESTIVANTS (Gerard DESARTHE) 2015

          Les comédiens sont vraiment excellents. Je crains parfois un peu les mises en scène de la Comédie Française, certains acteurs ayant une tendance à déclamer qui m’horripile. Un effet de mode sans doute. Pas de ça cette fois fort heureusement mais au contraire une distributions d’une grande justesse. Loïc Corbéry est toujours aussi convaincant, Bruno Raffaelli est un immense acteur dont la voix qui me séduit toujours autant, quant à Pierre Hancisse, je ne l’avais jamais repéré jusque-là mais je l’ai ici trouvé particulièrement convaincant. Une quinzaine de personnes sur scène pour une mise en scène qui rappelle un ballet. Tout est très soigné dans mise en scène minutieuse et délicate. Certains la jugeront sans doute trop sage mais je l’ai trouvée très réussie. Je suis toujours enchantée par les beaux costumes et les décors imposants. J’ai passé un très bon moment avec cette pièce qui nous fait parfois frôler l’ennui mais s’avère aussi joliment présentée que percutante. Une réussite. 

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Les estivants, Maxime Gorki

Comédie Française, Salle Richelieu

Place Colette, 75001 Paris

Jusqu’au 25 mai 2015

A partir de 13€

Mise en scène de Gérard Desarthe avec :

Théâtre

Le misanthrope : Molière à son meilleur à la Comédie Française

          Alceste est un homme intransigeant qui aime Célimène, veuve depuis peu et éprise de liberté. Il demande à la jeune femme de choisir entre son amour pour lui et celui qu’elle semble porter à deux petits marquis qui lui font la cour. Pendant ce temps, il ne manque pas de reprocher à son ami Philinte  ses complaisances vis-à-vis de la société. 

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          Je n’ai jamais été une inconditionnelle de Molière, loin s’en faut, mais cette pièce est une des rares que j’apprécie dans son répertoire. Je sais, c’est la honte de ne pas aimer Molière, surtout quand on a fait des études de lettres (ça complique les choses, je vous le dis !) mais si je reconnais l’intérêt de ses textes et leur aspect social passionnant, j’ai généralement beaucoup de mal à accrocher avec son humour, ce qui gâche totalement mon plaisir. Mais Le Misanthrope échappe à cette règle. Une pièce pleine de finesse et dont le personnage me parle particulièrement. Quand j’ai vu qu’elle passait à la Comédie Française, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai découvert plus tard par hasard que Loïc Corbery, découvert dans Pas son genretiendrait le rôle principal. J’avais donc hâte de le découvrir sur scène.

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          Au théâtre plus encore qu’au cinéma, la première impression est à mes yeux essentielle. Elle préfigure souvent de ce que sera le spectacle. Et là, dès le début, j’ai su que j’allais aimer cette pièce. Elle démarre le rideau levé, avec Loïc Corbery déjà en scène et un décor assez simple mais efficace. Le jeu d’acteur est particulièrement convaincant et fait tout le charme de cette mise en scène réussie. J’ai cru à un moment que les choses allaient se compliquer, en effet, j’ai eu le plus grand mal avec la voix des actrices. Elles n’y peuvent rien les pauvres, cela n’a rien à voir avec la qualité de leur jeu, mais je me suis rendu compte à cette occasion à quel point la voix pouvait être essentielle au théâtre. Fort heureusement, pour l’une, j’ai fini par m’habituer, notamment grâce à la qualité de son jeu, et l’autre avait assez peu de texte, ça n’a donc eu que peu d’incidence sur mon appréciation de ce spectacle.

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          En revanche, du côté des hommes, j’ai trouvé la prestation vraiment exceptionnelle. Je n’avais jamais vu Loïc Corbery sur scène et je l’ai trouvé presque aussi bon que lorsque je l’ai découvert au cinéma, ce qui n’est pas peu dire. Il incarne son personnage avec beaucoup de force et de conviction. A tel point que certains passages semblent légèrement surjoués, défaut qu’on retrouve dans nombre des pièces que j’ai vues à la Comédie Française. Toutefois, ça reste très ponctuel et l’ensemble est très juste. Il a une présence sur scène absolument incroyable et tout à fait fascinante. Quand à Eric Ruf, il est tout simplement parfait, comme d’habitude. Chaque fois que je le vois sur scène, mon admiration pour ce comédien se confirme. Il est toujours d’une incroyable justesse et insuffle une force de vie incroyable aux personnes qu’il incarne.

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           La mise en scène est assez simple mais fonctionne très bien. Le personnage du misanthrope semble être dans une fuite constante, courant d’un bout à l’autre de la pièce, y entrant et en sortant constamment. Cela renforce l’idée qu’il veut échapper à ses semblables et vient appuyer le propos porté par le texte. Le texte est d’ailleurs très bien mis en valeur par la diction claire et précise des acteurs qui nous permet d’en apprécier toute la subtilité. Loïc Corbéry parvient à donner un sérieux extrême à son personnage qui le rend presque tragique et vient encore renforcer son caractère excessif et touchant à la fois. La force de cette pièce tient sans doute aussi dans le fait qu’on se retrouve tous un peu dans l’un ou l’autre des personnages et qu’elle n’a absolument pas vieilli. Sa modernité est frappante et m’a réellement impressionnée. Un très beau texte servi par une mise en scène efficace et un excellent jeu d’acteurs. Une pièce comme on aimerait en voir plus souvent.

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Le Misanthrope de Molière

Mise en scène par Clément Hervieu-Léger, avec :

Comédie Française – Salle Richelieu

Place Colette – 75001 Paris

Jusqu’au 17 juillet

à partir de 13 €

Cinéma

Pas son genre, mais tout à fait le mien !

Comédie romantique française de Lucas Belvaux avec Emilie Dequenne, Loïc Corbery, Sandra Nkake

          Quand Clément, jeune professeur de philosophie parisien, est affecté à Arras pour un an, il frôle le désespoir. Là-bas, il trompe l’ennui avec Jennifer, la jolie coiffeuse qui partage sa vie entre son fils et le karaoké avec ses copines. Mais l’amour est-il possible entre ces êtres que tout oppose ?

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          Ceux qui me suivent le savent sans doute, je ne suis pas une inconditionnelle des comédies romantiques. Bien que j’en voie finalement pas mal, je trouve le genre particulièrement casse-gueule, tombant trop souvent dans la facilité ou pire, la mièvrerie (quand ce n’est pas les deux). Je dois avouer que la première fois que j’ai entendu parler de ce film, je n’étais guère tentée, ni le titre ni l’affiche ne m’inspiraient confiance : quelle grave erreur ! Et puis, j’en ai entendu dire tellement de bien de toutes part, dans la presse comme sur les blogs ou dans mon entourage, il fallait que j’aille voir par moi-même. J’aurais eu tort de ne pas me déplacer, j’ai été loin d’être déçue !

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          J’ai trouvé que ce film atteignait un bel équilibre. Les sentiments y sont décrits avec beaucoup de finesse et l’ensemble sonne très juste. Bien que les deux personnages soient extrêmement différents, on se retrouve un peu dans les deux et on comprend les motivations et réactions de chacun. La grande force de ce film, c’est que si les personnages peuvent sembler un peu fades, répondant aux clichés du genre, ils s’échappent rapidement des stéréotypes et gagnent peu à peu en épaisseur et en humanité. Cette évolution les rend plus touchants encore.

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          Les acteurs sont absolument bluffants. Je n’avais jamais vu Loïc Corbery bien qu’il soit sociétaire de la Comédie Française à laquelle je suis pourtant abonnée depuis mon arrivée à Paris. Le hasard a fait que je n’ai jamais vu de pièce dans laquelle il jouait mais ce sera bientôt chose faite puisqu’il sera justement dans le dernier spectacle que j’avais réservé pour cette saison. Quant à Emilie Dequenne, je ne l’ai pas vue très souvent à l’écran mais je n’en gardais pas un souvenir impérissable. Si Loïc Corbery a été pour moi une véritable révélation, c’est bien la jeune femme qui crève l’écran dans ce film et le rend irrésistible. Elle insuffle à la petite coiffeuse qu’elle joue une telle énergie et une telle joie de vivre qu’on ne peut que succomber. Un charme fou et un sourire communicatif qui font franchement du bien.

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          Je n’avais pas tellement apprécié le dernier film de Lucas Belvaux, 38 témoins, que j’avais trouvé terne. Il se rattrape largement ici en signant un film d’une grande justesse sur un sujet pourtant périlleux. Chacun s’y reconnaît un peu, y retrouve un peu de ses propres défauts, de ses propres blessures. Parce que l’amour c’est beau mais compliqué, et que c’est raconté avec une simplicité désarmante. Pour en avoir parlé avec d’autres personnes qui l’ont vu, si tout le monde l’a aimé, on y a tous trouvé des réponses différentes car on ne le regarde pas de la même façon en fonction de notre propre expérience. J’ai eu le sourire du début à la fin de la projection, ce qui est on ne peut plus rare. J’ai été émue aussi. Un film touchant et lumineux sur un sujet universel qu’on a envie de voir et revoir.

          J’ai eu un mal fou à écrire cette chronique tant il est difficile d’analyser des émotions nées avec une telle spontanéité. L’impression que tout a déjà été dit et de ne pouvoir faire que moins bien ne m’a pas aidée. A ce sujet, je vous conseille de lire la très bonne critique que Filou a faite de ce film. Il y dit exactement je ce que j’en pense mais en mieux. Bonne lecture et bon film à ceux qui ne l’ont pas encore vu.