Alceste est un homme intransigeant qui aime Célimène, veuve depuis peu et éprise de liberté. Il demande à la jeune femme de choisir entre son amour pour lui et celui qu’elle semble porter à deux petits marquis qui lui font la cour. Pendant ce temps, il ne manque pas de reprocher à son ami Philinte ses complaisances vis-à-vis de la société.
Je n’ai jamais été une inconditionnelle de Molière, loin s’en faut, mais cette pièce est une des rares que j’apprécie dans son répertoire. Je sais, c’est la honte de ne pas aimer Molière, surtout quand on a fait des études de lettres (ça complique les choses, je vous le dis !) mais si je reconnais l’intérêt de ses textes et leur aspect social passionnant, j’ai généralement beaucoup de mal à accrocher avec son humour, ce qui gâche totalement mon plaisir. Mais Le Misanthrope échappe à cette règle. Une pièce pleine de finesse et dont le personnage me parle particulièrement. Quand j’ai vu qu’elle passait à la Comédie Française, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai découvert plus tard par hasard que Loïc Corbery, découvert dans Pas son genre, tiendrait le rôle principal. J’avais donc hâte de le découvrir sur scène.
Au théâtre plus encore qu’au cinéma, la première impression est à mes yeux essentielle. Elle préfigure souvent de ce que sera le spectacle. Et là, dès le début, j’ai su que j’allais aimer cette pièce. Elle démarre le rideau levé, avec Loïc Corbery déjà en scène et un décor assez simple mais efficace. Le jeu d’acteur est particulièrement convaincant et fait tout le charme de cette mise en scène réussie. J’ai cru à un moment que les choses allaient se compliquer, en effet, j’ai eu le plus grand mal avec la voix des actrices. Elles n’y peuvent rien les pauvres, cela n’a rien à voir avec la qualité de leur jeu, mais je me suis rendu compte à cette occasion à quel point la voix pouvait être essentielle au théâtre. Fort heureusement, pour l’une, j’ai fini par m’habituer, notamment grâce à la qualité de son jeu, et l’autre avait assez peu de texte, ça n’a donc eu que peu d’incidence sur mon appréciation de ce spectacle.
En revanche, du côté des hommes, j’ai trouvé la prestation vraiment exceptionnelle. Je n’avais jamais vu Loïc Corbery sur scène et je l’ai trouvé presque aussi bon que lorsque je l’ai découvert au cinéma, ce qui n’est pas peu dire. Il incarne son personnage avec beaucoup de force et de conviction. A tel point que certains passages semblent légèrement surjoués, défaut qu’on retrouve dans nombre des pièces que j’ai vues à la Comédie Française. Toutefois, ça reste très ponctuel et l’ensemble est très juste. Il a une présence sur scène absolument incroyable et tout à fait fascinante. Quand à Eric Ruf, il est tout simplement parfait, comme d’habitude. Chaque fois que je le vois sur scène, mon admiration pour ce comédien se confirme. Il est toujours d’une incroyable justesse et insuffle une force de vie incroyable aux personnes qu’il incarne.
La mise en scène est assez simple mais fonctionne très bien. Le personnage du misanthrope semble être dans une fuite constante, courant d’un bout à l’autre de la pièce, y entrant et en sortant constamment. Cela renforce l’idée qu’il veut échapper à ses semblables et vient appuyer le propos porté par le texte. Le texte est d’ailleurs très bien mis en valeur par la diction claire et précise des acteurs qui nous permet d’en apprécier toute la subtilité. Loïc Corbéry parvient à donner un sérieux extrême à son personnage qui le rend presque tragique et vient encore renforcer son caractère excessif et touchant à la fois. La force de cette pièce tient sans doute aussi dans le fait qu’on se retrouve tous un peu dans l’un ou l’autre des personnages et qu’elle n’a absolument pas vieilli. Sa modernité est frappante et m’a réellement impressionnée. Un très beau texte servi par une mise en scène efficace et un excellent jeu d’acteurs. Une pièce comme on aimerait en voir plus souvent.
Le Misanthrope de Molière
Mise en scène par Clément Hervieu-Léger, avec :
- Yves Gasc: Basque
- Éric Ruf: Philinte
- Florence Viala: Arsinoé
- Loïc Corbery: Alceste
- Serge Bagdassarian: Oronte
- Gilles David: Dubois
- Georgia Scalliet: Célimène
- Adeline d’Hermy: Eliante
- Louis Arene: Acaste
- Benjamin Lavernhe: Clitandre
Comédie Française – Salle Richelieu
Place Colette – 75001 Paris
Jusqu’au 17 juillet
à partir de 13 €
Oui, un misanthrope aussi bien joué, on en redemande! Et quand on est soi même un peu misanthrope on ne peut qu’aimer
Oui, on s’y retrouve un peu et quand c’est aussi bien joué, c’est un régal.