Le monde d’Anastasia s’est effondré.
À 29 ans, elle avait l’argent, la stabilité, le prestige. Hier encore, elle exerçait de hautes fonctions dans une grande entreprise. Une conquérante, Anastasia. Toujours en avance sur le reste de son monde. Même pour son cancer du sein.
Pour la première fois de sa vie, la voilà limitée. Pourtant, la maladie n’est pas le sujet de son histoire. Plutôt un point de départ, un détonateur. Un accélérateur. Un catalyseur.
J’avais entendu dire beaucoup de bien de ce premier roman. Encore une fois, un sujet plutôt intime mais qui me semblait cette fois abordé sous un angle qui pouvait m’intéresser. L’autrice est très jeune et j’avais un peu peur d’une vision stéréotypée de la maladie. Je me suis malgré tout lancée, une fois de plus, la curiosité l’a emporté. Et ça commençait plutôt très bien ! L’écriture est pour le moins brillante ! Dans un premier temps, j’ai été séduite. D’autant plus que malgré un sujet délicat, la description de la maladie est souvent assez juste. Sur la fatigue, sur le fait de se replier sur soi, beaucoup de choses que les malades chroniques connaissent bien et qu’on retrouve ici.
Pourtant au fil de pages, j’ai décroché. L’aspect « pratique » de la maladie est totalement laissé de côté : les arrêts de travail qui n’auraient pas manqué d’inquiéter une fille aussi carriériste que le personnage, rien là-dessus, ou sur l’enfer administratif que représente la maladie. Ce n’est pas forcément nécessaire dans l’absolu, mais étant donné la psychologie du personnage, il semble difficile de passer à côté. D’autre part, certaines réactions m’ont parfois paru sorties de nulle part et peu crédibles. Beaucoup de détails du quotidien qui ne semblent pas spécialement importants sont négligés dans le récit, ce qui mit bout à bout finit par nuire à la crédibilité de l’histoire.
Et ce style si beau, étrangement, dessert aussi le roman par moments. C’est bien trop chiadé pour rendre la douleur, la colère et l’enfer d’un quotidien à peiner à atteindre ses toilettes pour aller y vomir. La fatigue est évoquée de manière quasi poétique. C’est trop esthétisant pour rendre compte de la maladie et de la violence des sentiments qui l’accompagnent. On sent pourtant que l’autrice touche du doigts ce que c’est que d’être malade, ce qui est déjà énorme en soi, ce n’est pas à côté de la plaque mais ça donne l’impression d’une leçon apprise par cœur dont on veut prouver qu’on la connaît.
C’est dommage parce qu’il y a un beau potentiel et j’ai l’impression qu’on a voulu trop bien faire. Ca manque des petits écarts qui donnent de la texture, de la profondeur. Ca éblouit par la forme mais le fond manque de tenue. Attention, c’est loin d’être mauvais, j’aurais peut-être adoré ce texte si je n’étais pas moi-même malade chronique. Si je suis dure avec celui-ci c’est parce que c’est d’assez près qu’il m’a semblé passer à côté de l’essentiel. Ca reste un premier roman ambitieux aux qualités stylistiques remarquables. Un texte splendide sur le plan esthétique mais qui n’est pas habité et à trop vouloir en faire, lasse sur la longueur.
Aujourd’hui, il ne reste plus rien, plus de force, plus de couleur, plus d’ouverture, plus de mécanisme à enclencher, plus de relief, plus de colère, plus de peur, seul le vide, le vide et la douleur.
Tu peux potentiellement tout perdre, mais la seule personne à qui tu devras rendre des comptes, la seule personne qui pourra te juger objectivement, la seule personne qui pourra légitimement te faire des reproches ou des félicitations, c’est toi-même.