Gifty, américaine d’origine ghanéenne, est une jeune chercheuse en neurologie qui consacre sa vie à ses souris de laboratoire. Mais du jour au lendemain, elle doit accueillir chez elle sa mère, très croyante, qui n’est plus que l’ombre d’elle-même et reste enfermée dans sa chambre toute la journée. Grâce à des flashbacks fort émouvants, notamment sur un frère très fragile, nous découvrons progressivement pourquoi la cellule familiale a explosé, tandis que Gifty s’interroge sur sa passion pour la science si opposée aux croyances de sa mère et de ses ancêtres.
De cette autrice j’avais adoré No home, son premier roman, qui avait été un gros coup de cœur. J’attendais donc avec impatience celui-ci. J’avoue avoir été bien moins convaincue. Même si globalement c’est un bon roman, j’ai trouvé qu’il n’avait ni l’ampleur ni la portée du précédant. Le sujet, beaucoup plus intime, m’a moins touchée. Mais là c’est aussi une question de goûts, je ne suis pas très portée sur les drames personnels, je leur préfère toujours l’aspect historique ou social, même si ça se rejoint souvent.
Lucy Diamond, quatorze ans, file à toute allure vers l’âge adulte. Prise entre l’urgence de vivre et la crainte de devoir abandonner ses manières de garçon manqué, Lucy se cherche et joue avec l’amour. Elle découvre par la même occasion que le mariage de ses parents n’est pas aussi solide qu’enfant, elle l’a cru. Son père, bûcheron, est toujours absent. Sa mère, encore jeune, rêve d’une autre vie. Et Lucy entre eux semble soudain un ciment bien fragile. Armée d’une solide dose de culot, elle s’apprête à sortir pour toujours de l’enfance et à décider qui elle est. Quitte à remettre en question l’équilibre de sa vie et à en faire voir de toutes les couleurs à ceux qui l’aiment.
Il y a peu, j’ai eu la chance de pouvoir choisir 3 titres parmi le catalogue des éditions Gallmeister (l’une de mes maisons favorites). J’aime toutes leurs parutions ou presque, ça n’a donc pas été facile ! Pour réduire un peu les possibilités, je me suis concentrée sur des écrivains que je n’avais pas encore lus. Pete Fromm faisait partie de ceux que j’avais envie de découvrir depuis longtemps. Pour le choix du titre, ça n’a pas été simple, finalement j’ai opté de quelque de très différent des titres que j’avais déjà à lire, pour de varier les plaisirs. Les histoires d’adolescentes, c’est un peu quitte ou double, le moins qu’on puisse dire c’est que ce n’est pas toujours bien traité et ça peut rapidement être niais. J’attendais de voir.
J’ai de suite beaucoup aimé le style de Pete Fromm. Son écriture est un immense coup de cœur. Le personnage de Lucy est également une belle réussite, on apprend à la connaître au fil des pages, on la voit évoluer autant qu’on la voit grandir et elle gagne en subtilité peu à peu. Elle s’avère très attachante, une ado un peu spéciale, un peu « garçon manqué » qui échappe pour l’essentiel aux clichés du genre. J’ai beaucoup aimé ce personnage et la manière dont ses relations aux autres (ses parents, son meilleur ami…) sont traitées. Il y a beaucoup de tendresse et de fraîcheur dans ces lignes.
Pour autant, l’histoire de Lucy est loin d’être simple. Elle connaît évidemment les affres de l’adolescence : le corps qui change, les repères qui sont chamboulés, le futur incertain, les émotions à fleur de peau… Tout cela est très bien décrit, la peur de sortir de l’enfance, les premiers pas dans la séduction, le flou autour de tout ça aussi. Mais à cela s’ajoute une prise de conscience sur les manquements de ses parents, et notamment de son père, toujours absent. Elle prend peu à peu conscience du mystère qui entoure ses absences et de côté fuyant de celui qu’elle a toujours tant admiré. Cela suscite des questions dont les réponses pourraient bien bouleverser sa vie.
J’ai pris un immense plaisir à suivre l’évolution de cette petite fille qui devient peu à peu une jeune femme et dont le caractère s’affirme au fil des pages. Ce texte pourtant parle de choses assez simples et quotidiennes mais j’ai trouvé qu’il y avait un côté universel dans les émotions décrites et il y a une touche de dérision qui donne beaucoup de charme à ce texte. Seule la fin m’a laissée un peu perplexe, je ne sais trop que penser des dernières pages. Un roman léger en apparence mais qui ne manque pourtant pas de profondeur. Coup de cœur pour le personnage de Lucy et la vivacité tant du personnage que de l’écriture. Coup de cœur aussi pour ce texte tendre et pétillant, une excellente surprise.
C’était donc ça, boire. Encore une étape dans ma vie. Ça et le sexe, je pouvais maintenant les ranger dans une sorte de boîte à souvenirs. « Étapes franchies ». Ça tinterait comme mes dents de lait dans la vieille boîte de tabac Copenhagen de Papa. Expériences vécues. C’était amusant, mais plus je faisais les choses – comme embrasser Justin Haven devant tout le monde -, plus je me sentais vide.
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Chez nous, l’amour n’est pas une chose qu’on fait semblant de ne pas voir dans l’espoir que ça disparaisse.
New Jersey, 1946. Alors que le monde sort tout juste des horreurs de la guerre, travailler dans l’industrie florissante de Trenton est une des clés de l’émancipation pour les classes populaires de la côte est des États-Unis. Le rêve américain fonctionne à plein, et le mystérieux Abe Kunstler, nouveau venu à l’usine, semble déterminé à en tirer parti. Travailleur obstiné, bon camarade, buveur émérite, Abe est l’archétype du col bleu : sauf qu’Abe est un mirage, un imposteur qui cache un terrible secret.
Toujours pas de gros coup de cœur dans cette rentrée littéraire mais voici au moins un roman dont je suis venue (péniblement) à bout. C’est déjà un progrès vu que j’en ai abandonné la plupart. J’avoue que celui-ci à failli subir le même sort mais j’ai tenu bon. J’en avais entendu dire le plus grand bien de ce premier roman singulier mais j’ai immédiatement déchanté aux premières lignes de cette lecture. Je n’ai pas du tout, du tout accroché avec le style froid et impersonnel (même si ça colle assez bien avec le personnage, admettons-le). Je ne sais pas si c’est moi mais à une ou deux exceptions près en ce moment aucun style ne trouve grâce à mes yeux dans les nouveautés : trop sec ou trop intello, il n’y a pas trop de juste milieu.
Bref, le style donc, pas trop ma tasse de thé. Ensuite, le personnage aurait pu – aurait dû même – être intéressant : une femme qui tue son mari et prend sa place après la guerre en se faisant passer pour un homme, il y a quand même un sacré potentiel côté dramaturgie et psychologie. Sauf que le personnage est extrêmement antipathique. Du genre gros con misogyne plus vrai que nature. On n’accède que très peu à ses pensée et il est totalement impénétrable en plus d’être carrément tordu. Ca se justifie tout à fait par la nécessité de se cacher et de vouloir passer pour « un homme un vrai » avec tout ce que ça peut supposer de violence pour cacher son secret mais n’empêche, niveau zéro de l’empathie en ce qui me concerne.
Dans un second temps, le roman se consacre au fils du personnage principal. Je vous épargne la manière dont il a réussi à avoir un fils… Le fils a peur de son père qui est déçu que son fils ne soit pas un gros dur. Bonne ambiance à la maison. Il est évidemment question de mensonges, de secrets, de reproches. Le personnage du fils ne m’a guère été plus sympathique, c’est un ado paumé assez peu charismatique. Et le père déjà pas très chaleureux devient en plus alcoolique et violent qu’il ne l’était déjà. C’est pour le moins pesant. Je n’ai pas trop accroché avec ce roman, son style, ses personnages, rien ne m’a franchement emballée même si le point de départ est pour le moins original et que l’ambiance de cette petite ville ouvrière est bien retranscrite. Si je n’ai pas à proprement parlé apprécié cette lecture, je dois toutefois lui reconnaître une certaine originalité, un style à part et un côté dérangeant qui méritent quand même qu’on s’y arrête. Le genre de roman qui ne laisse pas indifférent.
Elle ne ressentit jamais rien de semblable au désespoir larmoyant de sa mère. Elle pensait alors que c’était parce que déjà alors elle était laide et le savait, et que la laideur l’avait protégée de la douleur, pu plutôt que c’était en soi une si grande douleur que toutes les autres semblaient moindre en comparaison.
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Ils n’arrêtent pas de dire que l’armée et la guerre, ça fait de vous un homme, mais à aucun moment je n’ai été un homme là-bas, si par homme on veut dire humain. J’aurais éventré n’importe lequel d’entre vous pour sauver ma propre peau, voilà la vérité.
Drame américain de Chloé Zhao avec Brady Jandreau, Tim Jandreau, Lilly Jandreau Le jeune cowboy Brady, étoile montante du rodéo, apprend qu’après son tragique accident de cheval, les compétitions lui sont désormais interdites. De retour chez lui, Brady doit trouver une nouvelle raison de vivre, à présent qu’il ne peut plus s’adonner à l’équitation et la compétition qui donnaient tout son sens à sa vie. Dans ses efforts pour reprendre en main son destin, Brady se lance à la recherche d’une nouvelle identité et tente de définir ce qu’implique être un homme au cœur de l’Amérique.
Attention, film le plus perturbant de ce début d’année. Je suis allée voir The ride sur un malentendu. Je voulais aller voir ? je ne me rappelais plus du titre, j’ai vu un cheval sur l’affiche, j’ai cru que c’était ça. Pas du tout. En même temps je ne pouvais pas non plus savoir qu’il y avait 2 films du Far West avec un gus à cheval sur l’affiche qui sortaient en même temps non plus. Bref. Dès les premières images ce film m’a mise particulièrement mal à l’aise. C’est cru et plutôt direct dans son genre.
Ce film est pour le moins minimaliste, avec des personnages taiseux et un univers austère. J’aime le cinéma intimiste mais là, je n’étais pas préparée je crois. J’ai eu le plus grand mal à rentrer dans cet univers inhospitalier. Quant au personnage principal, on ne peut pas dire qu’il ait déclenché immédiatement une vive sympathie. Ca ne s’annonçait pas très bien… J’ai même hésité un moment à partir. Et puis, finalement, j’ai fini par trouver une certaine beauté à tout ça. Les dialogues sont assez peu nombreux, tout est dans le non dit. Mais peu à peu les relations entre les personnages se construisent et s’avèrent intéressantes.
C’est également au passage une immersion dans l’Amérique profonde, celle qu’on voit finalement peu au cinéma. Rien que pour ça, ça vaut le coup de découvrir ce film on ne peut plus éloigné Hollywood et ses paillettes. Le film a été tourné dans une réserve indienne, chez les cowboys lakotas qui mènent une vide rude. Le film est très proche du documentaire : la réalisatrice filme une histoire vraie où les acteurs amateurs jouent leur propre rôle. Et ça fonctionne bien, ils ont une présence assez incroyable qui m’a rappelé Tempête, que j’avais adoré. J’ai trouvé qu’il y a avait beaucoup de justesse dans ce film, que ce soit dans les relations entre les personnages ou dans les réactions du jeune homme, même si j’ai parfois eu l’impression de manquer de références pour bien en comprendre toutes les subtilités. Un film fort et déroutant dont je suis ressortie un peu sonnée.
Quand il a rencontré Tess Wolff au cours d’un été pluvieux, Joe March a été saisi d’une violente transe amoureuse, un désir qui le dévore. Cette première déflagration sera suivie d’une seconde, encore plus forte : en ce même été, sa mère, son adorée, commet l’irréparable. L’oiseau, c’est l’existence de Joe qui explose en mille morceaux. Le goudron, c’est la peur qui l’engloutit. Et l’extase, c’est cet élan vital, qui chaque jour va lui donner la force d’avancer…
Certains s’en souviennent peut-être, j’avais eu il y a quelques temps un immense coup de cœur pour La mesure de la dérive d’Alexander Maksik. Un roman absolument bouleversant dont j’étais ressortie sonnée. Merci encore à Filou de me l’avoir fait découvrir ! Quand j’ai vu que l’auteur sortait un nouveau roman, je n’ai donc eu qu’une hâte : le lire. Avec quand même une terrible peur d’être déçue parce qu’après un pur chef-d’œuvre, bien souvent vient le temps de la déception. Je ne vais pas vous faire languir. Est-ce que j’ai été déçue ? Non (ouf). Est-ce que j’ai autant aimé que le précédent ? Non plus (mais presque quand même). Explications.
Si je n’ai pas tout à fait trouvé ce roman au niveau du précédent en terme de chamboulement et de cœur brisé en refermant le livre (mais comment aurait-il pu ?), je suis bien loin d’avoir été déçue. Déjà, le style est toujours aussi délicat, on se délecte de chaque phrase, simple et juste à la fois. Bravo d’ailleurs à la traductrice qui a restitué ce petit bijou de subtilité. Ensuite, le sujet est tout aussi fort, même s’il me touche un peu moins. Je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà vu la bipolarité (j’espère ne pas me tromper en mettant un mot sur ce qui n’est jamais nommé) décrite avec une pareille force. On a l’impression de vivre la maladie de l’intérieur tant ce que décrit l’auteur est intense. L’empathie avec le personnage est énorme et j’ai trouvé le ressenti à la lecture d’une rare violence.
Je crois bien qu’en toutes ces années de lecture assidue, c’est la première fois que j’ai dû reposer mon livre aussi souvent parce que ce que je lisais était trop fort, trop dense. Toutes les 10 pages environ j’ai eu besoin d’une pause, de digérer toutes ces émotions. C’a donc été une lecture longue et fastidieuse. Mais terriblement belle aussi. Le genre qui remue et qui laisse un peu sonné. Seul petit bémol, j’ai trouvé que ça traînait un peu en longueur sur la fin, ça perd en intensité, on commence à se détacher du personnage. Pas vraiment au point de se lasser, mais suffisamment pour estomper l’effet coup de poing de la première moitié.
Le roman pose également des questions intéressantes sur le couple, la famille, l’hérédité, l’amitié. Sur la culpabilité et le devoir aussi. Même si finalement, ce sont les passages les plus intimistes que j’ai préférés, ce sont les plus touchants et les plus justes. Certains aspects survoltés des personnages féminins m’ont parfois mise mal à l’aise (en même temps, ce n’est pas comme si l’auteur cherchait à nous épargner). Malgré une fin un peu en dessous du reste du roman et quelques longueurs, Alexander Maksik signe ici encore un grand texte, subtil et poignant. Bouleversant. Un auteur à découvrir absolument.