Une cinquantaine de nouveautés vues cette année, sensiblement comme l’année dernière. Je suis très peu allée au cinéma après l’été et j’ai raté beaucoup de films qui me tentaient en salles. Voici tout de même une petite sélection de mes coups de cœur et déceptions de 2023. Très peu de films qui m’ont réellement marquée, quelques moments d’ennui. Au final un top assez contemplatif qui me surprend moi-même.
Top 10
Le bleu du caftan, Maryam Touzani
Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs.
Coup de cœur pour ce film sobre et délicat, tout en non-dits et en finesse. L’histoire se met en place doucement, dans un décor soigneusement étudié, toujours servi par une photo et une lumière impeccables. Les personnages se dessinent peu à peu et déploient leurs contradictions et leur humanité. Les liens qu’ils tissent sont touchants, se dessinant par petites touches. Si le film est long à démarrer, il séduit par sa subtilité et quelques scènes lumineuses qui viennent le conclure en beauté.
Les filles d’Olfa, Kaouther Ben Hania
La vie d’Olfa, Tunisienne et mère de 4 filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent. Pour combler leur absence, la réalisatrice Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles. Un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité qui va questionner le fondement même de nos sociétés.
A mi-chemin entre le film et le documentaire sur la réalisation du dit film avec Olfa et deux de ses quatre filles dans leur propre rôle. Ca fonctionne étonnamment bien. Le film est très dur. C’est étrange de voir comme la relation entre Olfa et ses filles semble forte alors même qu’elles racontent des actes de maltraitance. On sent une évolution et une réflexion sur l’éducation, le poids de la culture, la reproduction sociale, qui n’est pas totalement aboutie mais se met en place au fur et à mesure de la construction du film. L’histoire des deux filles absentes est très forte mais c’est la manière donc celles qui restent essaient de se reconstruire qui m’a profondément touchée. Un film inclassable et fort qui ne laisse pas indifférent.
Youssef Salem a du succès, Baya Kasmi
Youssef Salem, 45 ans, a toujours réussi à rater sa carrière d’écrivain. Mais les ennuis commencent lorsque son nouveau roman rencontre le succès car Youssef n’a pas pu s’empêcher de s’inspirer des siens, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Il doit maintenant éviter à tout prix que son livre ne tombe entre les mains de sa famille…
Je dois avouer que quand on m’a vanté les mérites de ce film, j’ai été intriguée. Ca m’avait l’air sympathique mais sans plus. Finalement je dois bien admettre que c’est une très bonne surprise. La première moitié m’a particulièrement fait rire. C’est drôle, c’est enlevé mais c’est surtout très juste et bien plus profond qu’il n’y paraît avec des questions sociales et religieuses qui sont abordées. Ca peine un peu à tenir le rythme sur la longueur mais jamais le film ne perd totalement le ton décalé et la justesse qui font son charme.
Empire of light, Sam Mendes
Hilary est responsable d’un cinéma dans une ville balnéaire anglaise et tente de préserver sa santé mentale fragile. Stephen est un nouvel employé qui n’aspire qu’à quitter cette petite ville de province où chaque jour peut vite se transformer en épreuve. En se rapprochant l’un de l’autre, ils vont apprendre à soigner leurs blessures grâce à la musique, au cinéma et au sentiment d’appartenance à un groupe…
Sur le moment, j’ai bien aimé ce film mais sans pour autant pouvoir parler de coup de cœur. Je n’aurais pas cru qu’il se retrouverait dans mon top annuel. Mais l’impression qu’il m’avait laissé en quittant la salle ne s’étant pas tellement estompée plusieurs mois après, je crois pouvoir dire qu’il est finalement plus marquant que ce que j’aurais cru. J’ai aimé l’esthétique du film et si le tout est peut-être un peu trop lisse, Sam Mendès parvient à créer peu à peu une certaine atmosphère qui m’a finalement touchée.
Vivre, Oliver Hermanus
Londres panse encore ses plaies après la Seconde Guerre mondiale. Williams, fonctionnaire chevronné, est un rouage impuissant dans le système administratif de la ville qui doit se reconstruire. Il mène une vie morne et sans intérêt, mais tout change lorsqu’on lui diagnostique une maladie grave qui l’oblige à faire le point sur son existence. Rejetant son quotidien banal et routinier, Williams va alors se dépasser et enfin vivre pleinement sa vie.
Gros coup de cœur, non pas tant pour le film que pour ses plans ultra léchés, très esthétisants, avec notamment des lumières splendides. Très beau travail sur la photo et le cadre. Peut-être trop parfois, ce côté très lisse prenant le pas sur l’émotion. Je n’avais pas vu le film dont il est le remake, je ne peux donc pas comparer. Mais j’ai aimé celui-ci, tout en retenue, très britannique, mais non dénué d’une discrète touche d’humour. Assez feel good malgré son apparente austérité. Un film dont il se dégage une douceur discrète que j’ai appréciée.
La dernière reine, Damien Ounouri et Adila Bendimerad
Algérie, 1516. Le pirate Aroudj Barberousse libère Alger de la tyrannie des Espagnols et prend le pouvoir sur le royaume. Selon la rumeur, il aurait assassiné le roi Salim Toumi, malgré leur alliance. Contre toute attente, une femme va lui tenir tête : la reine Zaphira. Entre histoire et légende, le parcours de cette femme raconte un combat, des bouleversements personnels et politiques endurés pour le bien d’Alger.
J’ai apprécié cette fresque historique aux airs de film d’aventure. Les costumes et les décors sont très réussis et j’ai aimé le soin apporté à la reconstitution de l’Algérie au XVIe s. Il y a pas mal d’action, ça a un côté très film de cape et d’épée (même si on est plutôt sur un côté turban et sabre en l’occurrence). Mais c’est surtout par ses personnages féminins – remarquablement interprétés – et leur volonté d’émancipation que le film se démarque. Un très bon divertissement à l’image soignée, et un sérieux fond politique. Une très bonne surprise.
The quiet girl, Colm Bairéad
Irlande, 1981, Cáit, une jeune fille effacée et négligée par sa famille, est envoyée vivre auprès de parents éloignés pendant l’été. Mais dans cette maison en apparence sans secret, où elle trouve l’épanouissement et l’affection, Cáit découvre une vérité douloureuse.
Encore un film tout en retenue et en délicatesse. C’est décidément le cas de quasi tous les films de ce top. Il ne se passe pas grand chose dans ce film mais pourtant j’ai beaucoup aimé la manière dont les relations se nouent peu à peu entre l’enfant et le couple qui l’accueille, et surtout la manière dont on les découvre doucement. La lumière est belle, le récit est doux sous un aspect un peu rugueux. Rien de très ostentatoire mais un joli film dont j’ai apprécié la pudeur.
La femme de Tchaïkovski, Kirill Serebrennikov
Russie, 19ème siècle. Antonina Miliukova, jeune femme aisée et apprentie pianiste, épouse le compositeur Piotr Tchaïkovski. Mais l’amour qu’elle lui porte n’est pas réciproque et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments, Antonina accepte de tout endurer pour rester auprès de lui.
C’est visuellement splendide, avec une photo très travaillée. Ca ressemble à une peinture du XIXe. J’ai beaucoup aimé l’esthétique qui se construit autour de la folie du personnage. Les deux personnages ont des besoins et désirs contradictoires et c’est difficile de savoir lequel est le plus à plaindre. Gros bémol sur la figure de la femme folle et persécutrice, très male gaze, malgré tout j’ai aimé l’ambiance de ce film dont on ressort avec un certain malaise.
Hokusai, Hajime Hashimoto
Japon, XVIIIème siècle. Alors que le pouvoir impérial impose sa censure sur les artistes, le jeune Shunrô, apprenti peintre, est exclu de son école à cause de son tempérament impétueux et du style peu conventionnel de ses estampes. Personne n’imagine alors qu’il deviendra Hokusai, célèbre auteur de la Grande vague de Kanagawa.
J’ai parfois eu l’impression de manquer de références culturelles pour pleinement apprécier ce film mais j’ai beaucoup aimé son esthétique et je me suis laissée porter par son côté contemplatif. J’aime beaucoup les estampes d’Hokusai (sans aucune originalité) mais je ne savais rien de sa vie. Peut-être trop sage et classique dans sa mise en scène mais je suis bon public pour les biopics et j’ai apprécié cette incursion dans le Japon du XVIIIe.
Babylon, Damien Chazelle
Los Angeles des années 1920. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, Babylon retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.
J’ai longuement hésité à mettre ce film dans mon top même si je l’ai apprécié. J’ai adoré la première partie, totalement décadente, Chazelle filme la fête – et particulièrement les musiciens – avec un certain brio : il y a du rythme, de la couleur et une bonne dose de démesure. Un tourbillon qui laisse KO. Dans un second temps, le tempo se calme mais les personnages gagnent en épaisseur. Dommage que la dernière heure ne soit pas à la hauteur, c’est laborieux, ça peine à conclure. On commence sur les chapeaux de roues mais ça pêche sur la longueur, malgré tout, un des films qui m’a le plus marquée cette année, à défaut de me convaincre totalement.
Flop 5
Vers un avenir radieux, Nanni Moretti
Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui le délaisse, tout semble jouer contre lui ! Toujours sur la corde raide, Giovanni va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux.
D’habitude j’adore Nanni Moretti mais là vraiment je comprends pas. C’est tellement condescendant. Franchement, je n’arrive pas à y voir autre chose qu’un film de vieux con nostalgique d’un passé révolu qui en profite pour cracher à la gueule de la nouvelle génération. J’ai à peu près tout détesté dans ce film qui m’a semblé atrocement long. Jusqu’à un interminable monologue de metteur en scène donneur de leçons qui m’a achevée. S’il y a du second degré à y voir, il est trop subtil pour moi. J’ai trouvé ce film et ses personnages infects de bout en bout.
The killer, David Fincher
Après un désastre évité de justesse, un tueur se bat contre ses employeurs et lui-même, dans une mission punitive à travers le monde qui n’a soi-disant rien de personnel.
J’ai détesté. Tellement fort. Quelle énorme bouse. Bon déjà, faut admettre, plus ça va et plus Fincher m’insupporte, même dans les films de lui que j’apprécie je trouve qu’il y a une bonne dose de virilisme et d’autosatisfaction qui est assez horripilante. Le sujet me tentait bien, les retours étaient positifs, je le sentais bien. Franchement, je n’ai pas compris l’enthousiasme, c’est tellement verbeux… Les 15 premières minutes sont mon pire moment d’ennui depuis bien longtemps. C’est assez rare mais je ne suis pas venue à bout de ce film aussi creux que soporifique.
Tár, Todd Field
Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare un concerto très attendu de la célèbre Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle. En émerge un examen virulent des mécanismes du pouvoir, de leur impact et de leur persistance dans notre société.
Le film que tous les cinéphiles encensent. J’ai détesté. Une esthétique très froide qui me rappelle une pub pour une voiture et ne me touche absolument pas, un personnage insupportable, le tout servi par un discours creux et pompeux. Le personnage semble avoir été écrit pour un homme et féminisé à la truelle. Le discours n’est pas clair, je lui ai trouvé un petit côté mascu mal assumé. Beaucoup de détails m’ont paru peu crédibles. La forme est belle mais le fond est loin de suivre : une belle coquille vide.
Tirailleurs, Mathieu Vadepied
Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf.
Sur le papier le genre de film que j’avais toutes les raisons de bien aimer : le sujet, les acteurs, ça commençait bien. Mais c’est tellement laborieux… Ca dégouline de bons sentiments et s’embarrasse bien peu de crédibilité. Malgré ses gros sabots, je continuais à trouver le film vaguement sympathique mais la fin m’a achevée. Ca continue à s’enfoncer jusqu’au bout. Gros gros ratage.
L’amour et les forêts, Valérie Donzelli
Quand Blanche croise le chemin de Gregoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.
Soyons honnêtes, j’y allais à reculons, j’avais détesté le livre et je n’apprécie pas du tout le cinéma de Valérie Donzelli, je n’avais aucune envie de voir le film mais je me suis laissée convaincre, en partie en raison des retours dithyrambiques. Je n’avais pas du tout un souvenir précis de l’histoire mais le film m’a très fortement agacée. J’ai trouvé que c’était mal joué, avec des acteurs dirigés à la truelle et pas mal d’incohérences. Sans être catastrophique, un film qui m’a laissée grandement perplexe.


















