Mes lectures

La petite fille sur la banquise

           J’ai neuf ans. Un dimanche de mai, je rentre seule de la fête de l’école, un monsieur me suit. Un jour blanc. Après, la confusion. Année après année, avancer dans la nuit. Quand on n’a pas les mots, on se tait, on s’enferme, on s’éteint, alors les mots, je les ai cherchés. Longtemps. Et de mots en mots, je me suis mise à écrire.

           Voici un de mes gros coups de cœur de ce printemps. Je ne savais pas exactement a quoi m’attendre. Le titre un peu enfantin ne m’inspirait pas plus que ça, en revanche le thème m’intéressait. J’en avais un peu entendu parler et toujours en bien, j’étais donc curieuse de découvrir ce texte. Dès le début, j’ai beaucoup aimé. Le style est en apparence simple mais plus travaillé qu’il n’y paraît, il crée de suite une empathie avec le personnage tout en gardant une certaine légèreté. C’est d’ailleurs une des grosses réussites de ce roman. L’autre gros point fort étant bien sûr l’histoire.

Couverture de La petite fille sur la banquise, Adélaïde Bon

           On entre de suite dans le vif du sujet, puisque le roman commence de suite après qu’une petite fille ait subi des attouchements. Toute sa vie va s’en trouver bouleversée et elle va se construire sans en avoir conscience autour de ce traumatisme, mettant en place des mécanismes qu’elle-même ignore et qui la détruisent. C’est sa propre histoire que raconte ici Adélaïde Bon. Ses difficultés à l’adolescence, ses problèmes relationnels, l’image faussée qu’elle a d’elle-même, ses relations souvent compliquées avec les hommes, sa quête de réponses… Toutes ces choses qui vont peu à peu se décanter quand on retrouve l’homme qui l’a agressée.

           C’est un parcours long et difficile qu’elle nous livre. J’ai retrouvé dans ce texte des choses qui me parlent et qui pourraient s’appliquer à beaucoup de femmes autour de moi qui pourtant n’ont pas vécu des traumatismes de cette ampleur. Il y ait des schémas récurrents qui se mettent en place après des agressions sexuelles, qui sont d’autant plus importants que la victime était jeune. Le constater a été une prise de conscience assez rude. Un soulagement aussi. L’auteur a un recul incroyable sur sa propre histoire et il s’en dégage une forme de douceur qui fait un bien fou. J’ai conseillé ce roman à de nombreuses femmes autour de moi qui, je le sais, s’y retrouveront et se sentirons un peu moins seules après ça. Un roman magnifique et juste à mettre entre toutes les mains. Essentiel, salutaire.

Portrait d'Adélaïde Bon

Je suis ce qu’il reste d’une femme après qu’on l’a violée. Et de l’écrire me renoue, me relie, me répare.

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Sourire, dissimuler, s’épuiser. Passer chaque journée en dehors de soi. Se vivre déportée, sans que nul ne sache. Elle rit toujours, peut-être un peu plus qu’avant, c’est qu’elle a le cœur si lourd que quand la joie lui vient, elle s’y jette.

3 commentaires sur “La petite fille sur la banquise

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