Cinéma·Mes lectures

Honneur aux femmes

          Il y a peu, je consacrais un article à la condition de la femme au cinéma (à retrouver ici). Voici un petit complément avec un film vu depuis (sur les conseils de Bernieshoot suite à mon article justement), un roman et un livre photo où les femmes sont à l’honneur.

Drame indien de Leena Yadav avec Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte, Surveen Chawla

Dans l’état du Gujarat, en Inde, les femmes sont de nos jours encore largement sous l’emprise des hommes. Elles sont quatre, une veuve, une femme stérile, une prostituée et une jeune mariée. Le chemin de la liberté est semé d’embûches mais leur amitié va les aider à s’affranchir d’une société qui les étouffe.

La saison des femmes, afficheCe film est mon gros coup de cœur de cette première moitié de l’année. S’il n’est pas exempt de défauts, j’ai trouvé son énergie communicative et j’en suis ressortie euphorique. Dès les premières images, j’ai été totalement happé par l’univers de ce film : les couleurs de l’Inde, ses traditions ancestrales, ses femmes malmenées. Le film retranscrit très bien le poids des traditions dont les personnages essaient tant bien que mal de s’affranchir. Le film s’inspire de récits fait par des femmes de cette région reculée de l’Inde. Les quatre femmes au centre du récit ont des personnalités exceptionnelles et j’ai trouvé les deux qu’on voit dès le début particulièrement attachantes. Les actrices sont assez incroyables. La complexité des personnages se révèle peu à peu, laissant apparaître les failles de chacune. Les hommes sont en retrait dans le film et n’ont pas franchement le beau rôle mais cela ne m’a pas gênée outre mesure et l’histoire ne m’a pas donné l’impression d’être caricaturale. Un film que j’ai vraiment adoré : plein de couleurs, d’énergie et porteur d’un message universel. Un magnifique films de femmes et un énorme coup de cœur.

 

En Iran, de nos jours, l’histoire de deux gamines extraordinairement belles, séparées pour être mariées, avec qui la vie ne va pas être facile. Et celle de prostituées assassinées qui offrent un regard surprenant sur le plus vieux métier du monde.

Les putes voilées n'iront jamais au Paradis ! couvertureAllez savoir pourquoi je m’étais convaincue que ce livre était un essai. J’avais un peu tardé à m’y mettre, le genre n’étant pas particulièrement celui qui m’attire le plus spontanément. J’ai donc été ravie de découvrir qu’il s’agissait en réalité d’un roman : et quel roman ! Je suis de suis tombée sous le charme de ce style riche et enlevé, particulièrement maîtrisé. Un vrai coup de foudre ! L’histoire m’a tout autant absorbée. L’auteur s’inspire d’un fait réel : une série de meurtres de prostituées en Iran. Partant de là, elle imagine l’histoire de chacune et leur donne la parole. L’intention est louable et parfaitement menée à bien. On passe du rire à l’émotion en lisant leur récit, oubliant parfois même qu’il est fictif, tant ces femmes semblent vivantes. Les incursions de l’auteur dans le récit ont un côté ludique qui vient casser un peu l’aspect tragique du texte. Mais sous la légèreté de la plume, c’est un portrait très sombre de la société iranienne que dresse l’auteur, une société qui étouffe la femme et l’exploite à la moindre occasion. Un roman qui se lit d’une traite avec un réel plaisir mais n’en cache pas moins un engagement profond : un énorme coup de cœur.

Vous voulez connaître une société ? faites parler ses prostituées ! Vous découvrez tout sur les gens, sur leur culture, leurs coutumes, leurs préjugés, leurs croyances, sur les violences sociales, sur le commerce, la politique et même sur le système judiciaire…Parmi les clients des putes, il y a des hommes de tout rang et de out milieu.

Pendant plus de trente ans, les plus belles femmes ont été saisies par l’objectif de Jeanloup Sieff. Ses photographies – qu’il s’agisse de portraits, de nus ou de séries de mode – révèlent une femme impertinente, sensuelle, infiniment consciente de son pouvoir de séduction.

Femmes, Jeanloup Sieff, couvertureOn m’a offert ce livre l’année dernière pour mon anniversaire. Je ne connaissais pas du tout ce photographe – il faut dire que ma culture en matière de photo est proche du néant – et j’avais hâte de découvrir son travail. J’ai toujours beaucoup aimé les nus féminins, que ce soit en photo ou en peinture, j’ai donc été ravie de me voir offrir cet ouvrage qui y est en partie consacré – alternant avec des portraits ou des photos de mode. Tous les clichés que contient ce petit livre au format carré sont en noir et blanc et souvent très contrastés. Je me suis d’ailleurs rendu compte que certains étaient célèbres. C’est un peu inégal mais j’ai trouvé qu’il y avait des clichés vraiment magnifiques avec en particulier de très beaux jeux de contre-jour et de clair-obscur ainsi que des jeux d’ombres intéressants. Il y a également quelques belles constructions, assez originales. Il y a des choses plutôt classiques, d’autres drôles ou poétiques. Le femme est le trait d’union entre ces univers assez disparates. Ca m’a donné envie de voir ce qu’il avait fait d’autre même si je n’en ai pas encore eu l’occasion. Il y a une certaine élégance dans ce travail qui n’est jamais vulgaire. Un bel hommage à la femme.

Le violoncelle, Jeanloup Sieff, 1985
Le violoncelle, Jeanloup Sieff, 1985
Mes lectures

Littérature : les sorties du mois d’avril

Daddy Love, de Joyce Carol Oates

 

Robbie a cinq ans quand il est enlevé sur le parking d’un centre commercial sous les yeux de sa mère. Un long calvaire va commencer pour lui auprès de son ravisseur. Adapte des petits enfants, celui-ci se fait appeler Daddy love. 

Daddy Love, Joyce Carol OatesSi j’entends parler de cette auteur depuis longtemps, j’ai découvert Joyce Carol Oates sur le tard, avec son roman paru cette été, Carthage, que j’avais beaucoup aimé. J’ai donc été ravie d’apprendre qu’elle en sortait un nouveau (elle publie à un rythme effréné d’environ 2 romans par an !) et je me suis jetée dessus. Ca parle cette fois aussi d’enlèvement d’enfant. Mais sur un tout autre ton. Si on suit un peu la famille, c’est surtout sur l’enfant et les sévisses qu’il subit qu’est centré le texte. Autant vous dire que c’est très sombre et difficile comme roman, malgré un style fluide et agréable. C’est pourtant très prenant, on ne peut s’empêcher de vouloir savoir jusqu’où ça va aller et comment ça va finir. La fin justement m’a beaucoup surprise. Elle m’a mise très très mal à l’aise et je n’ai absolument pas su quoi en penser. Il y avait longtemps que je n’avais pas été aussi bloquée sur le sens à donner à un roman – c’est d’ailleurs bien le but ! Et si c’est très frustrant, c’est aussi agréable de tomber sur un texte d’une telle maîtrise ! J’ai adoré ce roman au sujet difficile qui se lit comme un thriller. Ames sensibles s’abstenir.

Elle n’avait pas cessé d’espérer – naturellement. Les désespérés ne cessent pas d’espérer, c’est une preuve de leur désespoir.

L’envers de l’espoir, de Mechtild Borrmann

 

Matthias Lessmann doit faire un choix difficile quand une jeune fille atterrit un matin d’hiver devant sa ferme. Doit-il la recueillir ? Pendant ce temps, dans la zone interdite de Tchernobyl, Valentina attend le retour de sa fille qui a disparu.

L'envers de l'espoir, Mechtild BorrmannJe dois avouer que le titre de ce roman ne m’inspirait pas des masses et au moment de commencer ma lecture je me suis demandée ce qui avait bien pu le pousser à le demander en service de presse. Je m’attendais à quelque chose d’assez mièvre et je n’étais pas franchement d’un enthousiasme débordant en attaquant ce roman, sur ma liseuse qui plus est. Finalement, j’ai été mauvaise langue parce que j’ai assez vite accroché. Dans l’ensemble le style est agréable, même s’il y a parfois quelques tournures un peu faciles, peut-être dues à la traduction. L’histoire est particulièrement prenante et j’ai vraiment dévoré ce livre qui met vite en place une certaine tension. Ce n’est qu’après l’avoir refermé que je me suis posé la question de la vraisemblance mais ça n’avait plus guère d’importance. Si certains personnages sont stéréotypés, tous sont attachants et on se prend à vouloir connaître leur histoire. Le contexte est intéressant et le côté historique et social du récit ajoute à son charme. Sans être un grand roman, il évoque avec une certaine légèreté des sujets assez lourds. Une lecture agréable et une bonne surprise.

Ces pauses qui la distraient, les ménage-t-elle dans le but d’arrondir les angles et les coins des vieilles images, pour leur donner une allure satisfaisante sur le papier ?

Le destin funeste de Michael Rockefeller, de Carl Hoffman

 

Le 21 novembre 1961. Michael C. Rockefeller disparaît lors d’une expédition en Nouvelle-Guinée néerlandaise. Son corps ne sera jamais retrouvé. S’est-il noyé ou a-t-il fini dévoré par les cannibales Asmat ? 50 ans après, les rumeurs continuent de courir et cette histoire de fasciner.

Le destin funeste de Michael Rockefeller, Carl HoffmanCe livre est présenté comme un roman, pourtant j’ai beau tourner et retourner ça dans tous les sens, c’est à mes yeux une biographie. Romancée sans doute, mais une biographie tout de même. Ou en tout cas un témoignage sur une enquête en vue d’écrire ladite biographie, ce qui revient plus ou moins au même. Maiiis, il y a écrit « roman » sur la couverture et qui suis-je pour contredire l’auteur (où plus probablement l’éditeur qui se prémunit ainsi contre d’éventuelles poursuites de la famille Rockefeller) ? A vrai dire, mon article sur la non-fiction débordait déjà un peu et il me restait de la place alors finalement, ça m’arrangeait plutôt comme ça. Roman, enquête, témoignage, le tout saupoudré d’un peu d’anthropologie (d’anthropophagie aussi tant qu’on qu’y est) et d’histoire des civilisations : aucun doute, on ne s’ennuie pas dans ce livre ! Ca se dévore plus que ça ne se lit ! Au début, on fait quelques grimaces de dégoût devant les descriptions de cannibalisme, puis, on laisse peu à peu de côté ce que ça peut avoir de fascinant et de dérangeant à la fois pour comprendre un peu mieux l’histoire de ces sociétés si différentes des nôtres. C’est clairement ce que j’ai préféré dans ce livre. Cette évolution qu’on sent aussi bien dans le regard de l’auteur que dans le nôtre. Si on ne peut prétendre comprendre ses sociétés en quelques pages, au moins ressortons-nous de cette lecture époussetés de quelques-uns de nos clichés d’occidentaux. C’est déjà un premier pas vers l’autre que je ne m’attendais pas à trouver dans un livre sur le rejeton d’une des familles les plus riches des Etats-Unis. Plus qu’un roman sur la mort de Michael Rockefeller, une rencontre touchante avec la culture asmat. Une belle découverte.

Les histoires les plus fascinantes ne portent pas sur les gens qui entrent dans le moule mais sur ceux qui accomplissent des choses imprévisibles.

La grande panne, de Hadrien Klent

 

Une mine de graphite explose en Italie, avec des conséquences inattendues : le nuage s’enflamme au contact des lignes haute-tension. Le gouvernement français décide une coupure d’électricité et installe sa cellule de crise sur l’île de Sein. Voyage au cœur du pouvoir.

La grande panne, Hadrien KlentLe résumé de ce roman avait attisé ma curiosité pourtant, je n’étais pas sure du tout d’apprécier. Ce n’est pas le type d’histoire que je lis habituellement et j’avais peur de ne pas accrocher avec cette sorte de « politique fiction ». Durant les premières pages, ça m’a semblé mal parti. Le style est comment dire… très très particulier… J’ai bien cru que je n’y arriverai jamais. J’ai toutefois continué histoire de laisser une petite chance à ce roman et j’ai bien fait ! Passées les premières pages un peu étranges, je l’ai dévoré ! Bon, ça reste assez particulier, aussi bien du côté de l’histoire que du style, mais au moins ça a le mérite d’être original. Les chapitres sont courts et alternent entre plusieurs personnages hauts en couleurs. Ca rend la lecture assez facile. L’idée de départ est originale est plutôt bien menée. Mais ce qui fait la force de ce roman, c’est son écriture qui sort des sentiers battus, même si l’auteur se perd parfois en digressions qui traînent en longueur, il se dégage de l’ensemble une belle énergie. Le roman propose quelques réflexions intéressantes sur des sujets de société parmi lesquels l’écologie ou le pouvoir. Je ne suis pas absolument certaine d’avoir saisi où ce roman voulait en venir mais j’ai trouvé son petit côté anarchiste plutôt plaisant. Une « politique-fiction » au style agréable qui m’a un peu changée de mes lectures habituelles.

Cinéma

Cinéma et condition de la femme

          Des films sur la condition de la femme : c’est à un gros morceau que je m’attaque aujourd’hui. Bien sûr, ils sont légion, mais il se trouve que j’en ai vu pas mal ces derniers mois, c’est eux que je voulais mettre à l’honneur. Certains ont été vu il y a maintenant un certain temps mais j’attendais un peu pour vous en parler (vous voyez, finalement je m’habitue aux articles groupés). Ils ne sont donc plus en salle depuis plus ou moins longtemps mais vous pouvez bien sûr pour la plupart les retrouver un DVD – et pour les autres ça ne saurait tarder. Voici donc 8 films très différents, venus du monde entier, mais qui ont en commun de porter à l’écran des femmes fortes avec qui la vie n’a pas toujours été tendre.

A 14 ans, Hirut est kidnappée sur le chemin de l’école. Une tradition contre laquelle elle se révolte en tuant son agresseur pour s’enfuir. Une jeune avocate qui milite pour le droit des femmes va la soutenir face aux accusations de meurtre qui pèsent contre elle.

Difret, afficheSi le résumé de ce film me plaisait bien, je n’en attendais pas grand chose pour autant. Pourtant, ç’a été un de mes gros coups de cœur de 2015. La réalisation est classique. On a parfois l’impression d’être assez proche du documentaire. Mais l’histoire est incroyablement forte et le casting extrêmement convaincant. Difret c’est l’histoire d’une adolescente qui a osé se révolter contre l’ordre établi, contre la culture ancestrale de l’enlèvement et du viol, et surtout, l’histoire de la première éthiopienne a avoir gagné ce combat contre les traditions, contribuant à faire évoluer les lois et les mentalités. Difret veut dire « courage ». Un film magnifique sur une jeune femme au courage immense, appuyée par une avocate décidée à défendre ses droits. Une volonté qui force le respect et de grands moments d’émotion. On ressort un peu abasourdi à l’idée que ces traditions perdurent aujourd’hui encore. En effet, cette histoire a réellement eu lieu en Ethiopie il y a à peine 20 ans ! Ce petit film en partie produit par Angelina Jolie, très engagée en Ethiopie, aurait mérité une mise en scène moins banale pour attirer un plus large public mais son histoire à elle seule mérite amplement le déplacement.

 

Film indien de Neeraj Ghaywan avec Richa Chadda, Vicky Kaushal, Sanjay Mishra

Le père de Devi est en prise avec la corruption depuis que sa fille a été surprise avec un homme, qui s’est ensuite suicidé. Deepak lui, aime une femme qui n’est pas de sa caste. A Bénarès, ville sacrée au bord de Gange, il ne fait pas bon vivre en dehors de la tradition. 

Masaan, afficheJ’avais entendu dire le plus grand bien de ce film et j’ai été heureuse d’avoir l’occasion de le voir au cinéma. J’en attendais surement un trop car bien que j’aie aimé ce film, j’ai été un peu déçue. Toutefois, il est loin d’être sans qualités. Le film est très sobre dans sa réalisation et je l’ai trouvé un peu lent par moments. Le point de départ est intéressant, avec une histoire forte, c’est dommage qu’une autre histoire qui n’a pas vraiment de rapport vienne se greffer à la première, ça n’aide pas à rendre le propos très clair et ça donne un résultat qui a tendance à être brouillon. On a l’impression que le réalisateur a voulu trop en dire et n’a pas su choisir. Cependant, le film reste intéressant sur la place de la femme en Inde mais aussi sur les coutumes ancestrales ou les problèmes de corruption. On en ressort avec la nette impression qu’il ne fait pas bon être une femme ! Les relations entre cette jeune fille et son père sont touchantes. Malgré tout, ça manque un peu d’émotion. Un film brouillon sur un sujet intéressant, le résultat est un peu lisse mais tout de même attachant.

 

Film italo-albanais de Laura Bispuri avec Alba Rohrwacher, Flonja Kodheli, Lars Eidinger

En Albanie, pour ne pas vivre sous la tutelle masculine, Hana se plie à une tradition ancestrale : elle fait le serment de rester vierge et de vivre comme un homme afin d’acquérir son indépendance.

Vierge sous serment, afficheVoici sans doute l’histoire la plus originale de cette sélection. En effet, j’ignorais totalement qu’en Albanie, une femme qui ne souhaitait pas se marier pouvait « devenir » un homme – en cachant sa féminité et en adoptant un comportement et un prénom masculins – à condition de faire le serment de rester vierge. Je dois avouer que j’ai trouvé ça assez fou (ça m’avait fait le même effet quand j’avais découvert le mariage temporaire en Iran dans Noces éphémères). C’est quand cette jeune femme décide de quitter ses montagnes pour aller en ville chez sa sœur en Italie que tout va se compliquer. Le film est avant tout basé sur la psychologie de cette jeune femme : comment le vit-elle ? peut-elle se défaire du carcans de traditions ? peut-elle s’adapter à la société ? C’est extrêmement intéressant. On est plus dans l’analyse que dans l’émotion même s’il y a quelques beaux moments. La réalisation est à première vue proche du documentaire, toutefois, visuellement l’austérité de l’Albanie s’oppose aux couleurs chatoyantes de l’Italie, appuyant les clivages entre les deux sociétés. Ce film assez austère met en avant une tradition méconnue et traite le sujet avec une certaine finesse et beaucoup de retenue.

 

Film marocain de Nabil Ayouch avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane

A Marrakech, Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent en vendant leur corps. Ensemble, elles surmontent tant bien que mal la violence du quotidien, dans une société qui les utilise et les condamne tout à la fois.

Much loved, afficheEncore un film qui m’intriguait, d’autant qu’on en disait beaucoup de bien. Pourtant j’avais un peu peur de ce que j’allais y trouver. Une fois de plus, le sujet est difficile et le film aurait pu aussi bien être très glauque que carrément vulgaire, voire même les deux à la fois. Il n’en est rien. Bien sûr, il y a des passages durs, difficile d’y échapper étant donné le sujet, mais le film est loin de se résumer à ça (il y a quand même 2 ou 3 scènes assez violentes, âmes sensibles s’abstenir). C’est finalement assez lent comme rythme, on suit le quotidien de prostituées qui partagent un appartement et travaillent parfois ensemble. Il y a à la fois les moments où elles travaillent mais aussi les autres, ceux où elles restent en pyjama à la maison, où elles discutent, où elles s’engueulent. Le film ne joue pas la carte du sexe à tout va et du voyeurisme. S’il y a des scènes de sexe, c’est qu’elles sont indispensables au récit. Ca commence d’ailleurs très fort avec une soirée folle où il est « obligatoire » de s’amuser. C’est bien réalisé et surtout très bien joué. C’est à la fois triste et joyeux et il s’en dégage autant d’humanité que d’espoir. J’en suis ressortie assez chamboulée. Un film lumineux sur un quotidien plutôt sombre : une belle tranche de vie.

 

Film guatémaltèque de Jayro Bustamante avec María Mercedes Croy, Maria Telon, Manuel Antún

Maya a 17 ans. Elle vit avec ses parents sur une plantation de café au Guatemala et rêve d’ailleurs, de la ville et de la modernité. Mais sa vie va basculer et elle va se retrouver enfermée dans le carcan des traditions.

Ixcanul, afficheJ’avais très envie de voir ce film dont – une fois de plus – on m’avait dit beaucoup de bien. J’aime beaucoup le cinéma sud-américain même si j’en vois trop peu et les coutumes indiennes m’attirent toujours. Il y a pourtant eu comme un malentendu. Le synopsis laissait entendre quelque chose qui n’arrive jamais vraiment. J’ai limite eu l’impression qu’il n’y avait aucun rapport entre le film et son résumé, ou en tout cas qu’il faisait d’un détail la trame essentielle. La conséquence fâcheuse, c’est que j’ai passé tout le film à attendre quelque chose qui ne vient pas. Très frustrant. J’ai mis très longtemps (trop longtemps) à le comprendre et c’est un peu dommage. Mais une fois mes attentes révisées, je n’en ai pas moins trouvé que c’était un très bon film. Bien qu’on soit proche du documentaire, le réalisateur parvient à rendre une ambiance particulière et assez étrange, à la fois sombre et empreinte de mystère. Les paysages à couper le souffle n’y sont pas étrangers et il y a quelques scènes fascinantes. L’histoire quant à elle est très poignante, elle nous immerge dans la tradition, et j’ai trouvé la jeune actrice impressionnante. Un premier film fort et beau qui est loin de laisser indifférent.

 

Film franco-polonais d’Anne Fontaine avec Lou de Laâge, Vincent Macaigne, Agata Buzek

Mathilde, jeune interne à la Croix Rouge, est appelée au secours par une religieuse polonaise. Dans le couvent, elle va découvrir que plusieurs de ces Bénédictines coupées du monde sont sur le point d’accoucher après leur viol par des soldats. Elle va essayer de gagner leur confiance pour leur venir en aide.

Les innocentes, afficheVoilà un film que j’attendais avec une certaine impatience. Le sujet est très fort et ça m’a donné envie d’en savoir plus sur cette histoire atroce. J’ai beaucoup aimé le film mais il m’a déçue par certains aspects. Le film commence au moment où la jeune infirmière découvre que des bonnes sœurs sont enceintes après avoir été violées. Il occulte ainsi le début de l’histoire si l’on peut dire. C’est logique en un sens puisqu’il s’agit de l’adaptation du récit de l’infirmière en question qui ne pouvait donc pas relater ce qu’elle n’a pas vu. Toutefois la réalisatrice aurait pu choisir de combler les lacunes du récit. J’ai trouvé ces femmes très attachantes et le casting très convaincant. Quant à l’esthétique, elle est très travaillée avec des plans vraiment splendides, d’une froideur qui tend presque au monochrome. Pourtant, le résultat est un peu lisse au vu de l’horreur de l’histoire. Le viol est à peine évoqué et on ne suit finalement que leur grossesse à travers cette jeune infirmière. Leurs sentiments sont esquissés mais auraient pu être mis plus en avant. Un beau film qui aurait à mon sens mérité un engagement plus important pour marquer durablement.

 

  • Carol – Etats-Unis (1950)

Film américain de Todd Haynes avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler

La rencontre de Carol, femme distinguée et malheureuse dans son mariage, et de Therese, employée d’un grand magasin, va bouleverser leurs vies. Les deux femmes vont se retrouver coincées entre leur attirance et le respect des conventions. Un choix difficile va s’imposer à elles.

Carol, afficheOn m’avait dit le plus grand bien de Carol et j’en attendais beaucoup, d’autant plus que Cate Blanchet a souvent de très beaux rôles. C’est d’ailleurs le cas ici aussi, même si j’ai trouvé son personnage très froid et pas du tout dans l’émotion malgré une histoire qui s’y prêtait. Rooney Mara a un rôle plus nuancé (mais beaucoup moins glam’) qu’elle tient avec un certain brio. Contrairement à beaucoup, j’ai trouvé son prix d’interprétation parfaitement justifié. L’histoire est très forte et montre une femme indépendante tiraillée entre son amour pour sa fille et son envie de vivre sa vie comme elle l’entend, en essayant de se défaire du carcan de la société. Visuellement ce film est très beau : impeccablement réalisé, il porte un grand soin à la photographie. La musique est également très bien choisie. Bien que cela s’y prête assez, on ne sombre jamais dans le pathos. Malheureusement, on tombe un peu dans l’excès inverse. Tout en retenue, j’ai trouvé que ce film manquait d’émotion. Un film classique mais élégant qui aborde un sujet fort avec une certaine distance : beau mais un peu froid.

 

Film américain de Tom Hooper avec Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw

En 1930, quand Einar Wegener, peintre danois marié à Gerda, se transforme peu à peu en Lili Elbe, c’est tout leur univers qui bascule. Malgré les tensions, Gerda soutiendra son mari envers et contre-tout dans sa lutte pour devenir une femme. Il sera le premier de l’histoire à user de la chirurgie pour changer de sexe.

The Danish girl, afficheBon, on s’éloigne peut-être un brin de la condition de la femme à proprement parler avec le premier transsexuel de l’histoire mais je ne voyais pas meilleur hommage que de le mettre dans cet article. Il y a dans ce film un très beau casting, les deux acteurs principaux sont très convaincants dans des rôles qui sont loin d’être faciles. L’histoire est magnifique. On ne sait ce qui est le plus touchant : le parcours du combattant pour cet homme qui souhaite devenir une femme ou celui de sa femme qui le soutient malgré tout. D’ailleurs cette partie semble parfois trop belle pour être vrai. Il y a bien quelques distensions au début mais elles auraient mérité d’être plus appuyée pour ajouter au réalisme du film qui là semble presque trop lisse. Visuellement, c’est irréprochable. Je ne connaissais pas ce peintre mais j’ai eu la sensation de me retrouver plongée dans un tableau d’un maître flamand. Mais si ce film est impeccable, il manque de caractère et joue trop sur la corde sensible à mon goût. A vouloir trop en faire, cette histoire qui aurait pu faire un grand film se transforme en mélo sympathique et très esthétique mais quelque peu insipide.

 

          Un dossier qui me tenait beaucoup à cœur, j’espère qu’il vous aura plu. Les pays que j’ai indiqués sont ceux où se déroule l’histoire (ainsi que l’époque quand elle n’est pas contemporaine). J’espère que vous aurez l’occasion de voir quelques-uns de ces films dont certains sont très forts et qui offrent tous un éclairage intéressant sur la condition de la femme. En espérant qu’à force de temps et de persévérance, ils contribueront à faire avancer les choses et nous paraîtront dans un futur pas trop lointain quelque peu dépassés.

Mes lectures

Chimère(s) 1887, 2 : Dentelles écarlates – Melanÿn, Peling, Vincent

          Chimère est une jeune fille de 13 ans qui a été vendue par ses tuteurs à la Perle Pourpre, un célèbre tripot parisien. Mais si la jeune fille semblait incarner l’innocence à son arrivée, elle apprend vite et se montre particulièrement futée. Un comportement qui pourrait bien lui attirer des ennuis dans un milieu où il vaut mieux faire profil bas.

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          J’avais bien aimé le premier tome de cette série (qui en compte trois), lu il y a déjà un certain temps. Le sujet me plaisait bien et j’avais trouvé le dessin très agréable, l’histoire était toutefois son point faible. Très longue à démarrer, elle laissait finalement assez peu de place à la petite Chimère, qui en est pourtant l’héroïne. Mais c’est souvent le défaut des premiers tomes, ce sont ceux où l’univers se met en place et ils sont bien souvent d’une extrême lenteur. De ce point de vue, ce deuxième tome est bien meilleur. On est cette fois directement placés au cœur de l’histoire et le rythme est beaucoup plus soutenu, avec de nombreux rebondissements.

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          Si cette suite tient dans l’ensemble les promesses faites par le premier tome, je suis toutefois un peu restée sur ma faim. J’ai un peu regretté que les personnages, et notamment celui de Chimère, ne soient pas un peu plus fouillés. Ce n’est évidemment jamais simple d’aller à l’essentiel d’un personnage en quelques bulles à peine, c’est l’une des difficultés à laquelle se heurte bien souvent la BD. En intégrant des faits et personnages historiques ainsi que l’amorce d’une trame policière, j’ai eu l’impression que l’histoire se dispersait et perdait un peu de vue l’essentiel : Chimère. Malgré tout, cette BD reste très agréable à lire et ce tome-ci se concluant sur un moment particulièrement fort, on a hâte d’en lire la suite, en espérant que le troisième toma viendra clôturer cette série en beauté.

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Cinéma

The Immigrant

Drame, romance, américain de James Gray avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner

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          Quand Ewa et Magda quittent la Pologne pour les Etat-Unis en 1921, elles espèrent y trouver une vie meilleure. Mais à leur arrivée, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine. Sa sœur va alors tout faire pour la sortir de là, dût-elle pour cela se prostituer.

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          On attendait beaucoup du dernier James Gray, annoncé comme l’un des grands films de cette année. Je l’ai vu le jour même de sa sortie, c’est dire le temps qu’il m’aura fallu pour vous en parler. Oui, j’ai pris un peu de retard dans mes articles récemment, non seulement je n’écris pas beaucoup mais en plus je sors pas mal… On va essayer de combler ce retard en 2014 ! Je dois avouer que pour ma part je n’étais pas bien sure de goûter autre mesure les charmes de ce grand mélo – n’étant pas une adepte du genre, je suis très exigeante en la matière – et puis Marion Cotillard et moi, ce n’est pas franchement une grande histoire d’amour… Tout ça pour dire que si je voulais voir ce film, j’étais un peu réticente tout de même.

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          Je dois bien admettre que ce film s’est avéré assez proche de ce que j’attendais. L’image est très belle, extrêmement travaillée. Quant à l’histoire, elle est très forte. En revanche, malgré ses indéniables atouts, je n’ai pas vibré autant que je l’aurai voulu. Tout d’abord, Marion Cotillard, que je n’apprécie guère – quoiqu’elle joue plutôt bien dans ce film – est à l’écran du début à la fin, presque toujours en gros plan. Il n’y en a que pour elle ! Difficile donc pour moi d’apprécier pleinement l’histoire quand tout ne tient que par un personnage qui m’est assez antipathique… Ensuite, j’ai trouvé l’ensemble quelque peu figé et froid.

www.indiewire.com

          Tout est impeccable dans ce film, il n’y a pas grand chose à y redire. Il est splendide et mené de main de maître. Mais un peu trop peut-être, il reste peu de place pour l’émotion dans cette mécanique bien huilée. On est dans un univers sombre et violent digne des Misérables, avec une bonne dose de désespoir que vient éclairer une histoire d’amour et de jalousie. Tout est là pour nous faire vibrer. Et pourtant… Si j’ai pris beaucoup de plaisir à regarder ce film, j’étais bien loin de verser ma petite larme, ce qui est un peu décevant pour un mélo tout de même. Certes, nul n’était besoin de tomber dans le larmoyant mais un rien d’émotion n’eut pas été du luxe et aurait un peu réchauffé l’atmosphère. Un beau film à l’esthétique intéressante mais qui manque un peu de chaleur pour être le chef-d’œuvre qu’on attendait.