Martin est boulanger en Normandie. Il est passionné de littérature et Madame Bovary est son roman préféré. Quand des anglais, Charly et Gemma Bovery, s’installent en face de chez lui, il y voit un signe. Leur comportement lui semble inspiré des personnages de Flaubert. Sous le charme de la belle Gemma, il va tout faire pour influer sur son destin.
Gemma Bovery, c’est avant tout un roman graphique de Posy Simmonds. Après Tamara Drewe, adapté au cinéma par Stephen Frears en 2010, c’est au tour de cette histoire d’arriver sur nos écrans avec cette fois encore Gemma Atterton dans le premier rôle. L’éditeur m’a gentiment fait parvenir un exemplaire du livre afin que je puisse en parler à l’occasion de la sortie du film. Mon erreur aura été de lire le livre en premier. Ne jamais lire un livre avant d’aller voir le film qui en est tiré ! A moins d’avoir eu le temps de presque tout oublier de l’histoire, c’est s’exposer à une déception quasi-certaine. L’inverse est toujours plus flatteur. Ceci étant dit, voyons quand même ce qu’il en est de cette BD et de son adaptation au cinéma.
J’ai été assez surprise par le livre de Posy Simmonds avec lequel le nom de « roman graphique » prend tout son sens. Le texte est extrêmement présent, ce qui m’a franchement déroutée. On est loin de la BD traditionnelle ! Il y a pourtant un poil trop de dessin pour parler de roman illustré. Jamais l’appellation de roman graphique ne m’avait parue aussi limpide tant l’équilibre entre texte et image est fort. Les deux se complètent d’ailleurs parfaitement. Toutefois, je dois avouer qu’au début autant de texte m’a un peu rebutée. Je lis beaucoup de romans, même des pavés, mais quand j’ouvre une BD j’ai envie de quelque chose de léger, rapide, facile – dans une certaine mesure en tout cas. Je dois admettre que j’ai eu un peu de mal à me plonger dedans.
Après quelques pages, j’ai été assez prise par cette histoire qui ne manque pas d’humour. Cette réinterprétation d’Emma Bovary est teintée d’une ironie qui lui donne beaucoup de charme. Je me suis finalement laissée prendre au jeu de cette réécriture. A priori, je n’aime pas trop qu’on réécrive, continue ou interprète les classiques (je vous en parlais déjà pour Contre-enquête sur la mort d’Emma Bovary, qui décidément a du succès côté réécriture). Je suis sans doute vieux jeu mais je trouve que les classiques doivent rester à leur place, je suis toujours mal à l’aise devant la vision qu’ont les autres de ces textes qu’on connaît tous et qui souvent diffère de la nôtre. J’ai bien ressenti cette petite gêne ici mais la réécriture est tellement décalée que ça passe finalement plutôt bien.
Bien que très dense, le texte va droit au but et réinvente avec beaucoup d’inventivité et d’humour le roman de Flaubert. J’ai trouvé l’idée d’un homme tellement obsédé par son livre préféré qu’il tient absolument à ce que ses voisins vivent les mêmes aventures vraiment très chouette. Ca crée un décalage juste suffisant pour que la référence au texte de départ soit claire sans être pesante. Le dessin apporte souvent des nuances au texte et l’enrichit. Bien que ce ne soit a priori pas le style de BD que je préfère, je l’ai trouvé très agréable et j’ai aimé cette lecture.
Le film est une adaptation très fidèle. Je l’ai vu de suite après avoir fini de lire la BD et la plupart des dialogues sont mot pour mot les mêmes que dans le texte d’origine. C’est d’ailleurs assez déroutant quand on les a encore bien en tête. J’avoue que même si j’adore Gemma Atterton, je ne l’aurai pas spécialement vue dans ce rôle. Au début, Gemma est sensée être grosse et moche du coup choisir une actrice aussi belle et qui serait sublime même avec un sac à patate me semble relativement peu judicieux. Mais bon, comme c’est une actrice que j’aime bien et que je vois finalement assez peu, ça ne m’a pas tellement dérangée.
J’ai bien aimé ce film mais j’ai trouvé qu’il n’apportait pas grand chose par rapport à la BD. J’ai trouvé qu’à l’écran les personnages avaient moins de profondeur que sur le papier. Gemma est moins sympathique dans le livre mais ses petits défauts agaçants la rendent aussi plus humaine. Les rares modifications apportées à l’histoire ne m’ont pas franchement convaincue. Il aurait peut-être fallu prendre un peu plus de recul avec le texte pour mieux le mettre en valeur. Je n’ai pas tout à fait retrouvé le même humour et la même fraîcheur dans le film que dans le livre.
Les acteurs sont assez convaincants. J’avais peur que comme à son habitude Fabrice Luchini n’en fasse trop mais contre toute attente il est assez crédible en boulanger obsédé par sa jeune voisine. Formellement parlant, le film est assez lisse. J’ai trouvé que l’histoire passait parfois un peu vite sur certains aspects. Le film m’a semblé surtout centré sur l’adultère de Gemma, passant un peu sous silence les problèmes qui font le sel de cette histoire. Je suis toutefois mauvais juge, difficile d’apprécier à sa juste valeur le film quand on a encore autant le livre en tête. Je pense que ceux qui n’ont pas lu la BD l’apprécieront bien mieux. Un livre surprenant et plein de charme et un film assez réussi, extrêmement fidèle et qui se regarde avec plaisir. Gemma Bovery mérite qu’on la découvre.
Luchini qui n’en fait pas trop. … c’est rare
Enfin si, il en fait beaucoup et parfois un poil trop mais ça va bien avec son personnage exalté du coup pour une fois ça ne m’a pas vraiment dérangée.
J’aimerais bien voir ce film 🙂
Tu me diras ce que tu en penses si tu le vois 🙂
tiens c’est marrant-j’ai aussi prévu un billet comparant les deux, le film et le livre car l’éditeur m’a également gentiment envoyé la BD- enfin plutot le roman graphique-mais contrairement à toi c’était après avoir eu le livre…et je pense que tu as raison il vaut mieux dans ce cas là voir le film avant sinon le livre te parait nettement au dessus…
Là je t’avouerai que lire le roman graphique juste après avoir vu le film est une approche assez étrange et je me demande si contrairement à toi je ne préfère pas finalement le film au livre… l’adaptation est fidèle certes mais il y a quand même de grosses variantes et notamment le fait que le personnage du boulanger est bien plus présent dans le livre que dans le film avec quelques scènes supplémentaires ( celle de la guèpe notamment), et comme moi je suis un inconditionnel de Luchini, et que je ne trouve pas vraiment qu’il en fasse trop-ce n’est plus vraiment le cas des derniers films dans lequel il joue il est bien plus dans la retenue- j’adore surtout le film dans ces scènes entre le boulanger et Gemma, et j’ai été surpris de voir qu’il y en avait beaucoup plus dans le film alors que la BD axe beaucoup plus sur la vie de Charlie et sa femme avant de venir en Normandie, et les problèmes de Charlie et de son ex femme, passages qui ne semblent pas passionnants… de même la fin du film, absolument hilarante, varie de celle du roman graphique … et j’ai également été très étonné de voir que dans le roman graphique, Gemma soit vue comme grosse et pas très jolie alors que dans le film il ne fait aucun doute que Gemma Aterton est une bombe, ce qu’elle est effectivement. et qui explique mieux les comportements des hommes à son égard.. donc pas mal de petites variantes qui me font pencher vers le film plutot que vers le livre, même si évidemment l’excellente idée de départ vient de Peggy Simmons, on ne peut pas lui oter ce mérite là… mon com est long mais j’avais pas mal de choses à dire dessus :o) bonne journée à toi!!
Si j’avais vu le film avant, je l’aurais peut-être préféré au livre. Il y a des variantes qui ne m’ont paru indispensables mais je pense que comme toi j’aurais peut-être trouvé qu’il manquait des choses dans l’histoire de départ, ou qu’il y avait des longueurs si j’avais vu le film avant. Je trouve que les deux étant très proches mais avec des variantes, notre appréciation dépend clairement de l’ordre dans lesquels on les découvre. D’ailleurs même si j’ai laissé passer du temps avant de faire mon article, j’ai beaucoup de mal à me faire un avis sur ce film indépendamment de ce que j’en attendais après ma lecture. En tout cas j’ai passé un bon moment, c’est déjà pas mal 🙂