Mes lectures

Chavirer, Lola Lafon

1984. Cléo, treize ans, qui vit entre ses parents une existence modeste en banlieue parisienne, se voit un jour proposer d’obtenir une bourse, délivrée par une mystérieuse Fondation, pour réaliser son rêve : devenir danseuse de modern jazz. Mais c’est un piège, sexuel, monnayable, qui se referme sur elle et dans lequel elle va entraîner d’autres collégiennes.
2019. Un fichier de photos est retrouvé sur le net, la police lance un appel à témoins à celles qui ont été victimes de la Fondation.

De Lola Lafon, je n’avais lu que La petite communiste qui ne souriait jamais. J’avais bien aimé malgré quelques longueurs. J’étais donc curieuse de découvrir un autre de ses textes. Celui de cette rentrée avait un thème qui me parlait particulièrement, c’était donc l’occasion de se lancer. J’en avait entendu dire le plus grand bien, il a été plus d’une fois présenté comme l’un des grands textes de cette année et j’avais hâte de voir de quoi il retournait.

Couverture de Chavirer de Lola Lafon

Je suis loin d’avoir été déçue malgré des attentes importantes. J’ai adoré le style. Il est assez particulier, quelque peu bancal et décousu mais aussi vif et au final très agréable à lire. Malgré un sujet difficile, l’autrice prend le parti de ne pas faire dans le pathos et de laisser l’émotion à distance, rendant le texte moins plombant que ce à quoi on aurait pu s’attendre. C’a été une bonne surprise, même si je peux comprendre que certains lecteurs aient eu du mal avec cet aspect.

Tout tourne autour de l’histoire de Cléo. On alterne les points de vue, changeant d’un chapitre à l’autre, un aspect qui peut être déroutant, d’autant plus qu’il y a souvent des ellipses entre les chapitres. Pour ma part j’ai aimé cette façon de construire l’histoire et le personnage. On voit Cléo se construire tant bien que mal autour du traumatisme vécu dans son adolescence, avec ses parts d’ombres, de culpabilité et sa confiance entachée.

La manière de traiter le sujet est assez différente de ce que j’avais pu voir jusque-là. Ne serait-ce que par la particularité du traumatisme vécu par cette adolescente, mi-victime, mi-complice, avec ce que cela a pu ajouter comme poids à porter. J’ai trouvé ce texte d’une grande justesse, sur la culpabilité justement, la manière de se reconstruire après un traumatisme, la manière dont cela nous affecte, guide nos choix et nos réactions. Mais aussi ce qui nous rend si vulnérables à l’adolescence, ce sentiment d’être déjà presque adultes alors qu’on n’a pas encore les clefs pour comprendre le monde. J’ai trouvé que ce texte démontait très bien les mécanismes derrière tout ça, à la fois ce qui nous rend vulnérable et comment ensuite on vit avec ce poids terrible à porter. Seule la fin m’a laissée un peu perplexe. Je ne suis pas loin d’avoir lu ce texte d’une traite. J’ai été happée par cette histoire et par ce style, on de mes gros coups de cœur de cette année.

Portrait de Lola Lafon

Ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche ; ces hontes minuscules de consentir à renforcer ce qu’on dénonce : j’achète des objets dont je n’ignore pas qu’ils sont fabriqués par des esclaves, je me rends en vacances dans une dictature aux belles plages ensoleillées. Je vais à l’anniversaire d’un harceleur qui me produit. Nous sommes traversés de ces hontes, un tourbillon qui, peu à peu, nous creuse et nous vide. N’avoir rien dit, rien fait. Avoir dit oui parce qu’on ne savait pas dire non.


Elle sait seulement ceci : il faut raconter ce qui hante. Et les sujets des documentaires comme ceux des romans sont des paravents qui masquent nos questions irrésolues.


La honte ne perd jamais la mémoire, la honte a la mémoire si longue.

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