La création se nourrit de l’échange, dans un flot permanent d’inspirations, de souffles partagés. (Benjamin Millepied)
Ce spectacle est conçu en trois temps. Trois chorégraphies très différentes mais qui pourtant se font écho. On commence par Benjamin Millepied, actuel directeur du ballet à l’Opéra de Paris qui nous livre Clear, Loud, Bright, Forward sur une musique de Nico Muhly. J’avais déjà eu l’occasion de voir une de ses chorégraphies – à peu de choses près ce que j’ai vu de plus beau – je suis depuis une de ses plus grandes fan. C’était beau, très beau. La musique est tantôt douce tantôt très angoissante. Il y a un magnifique jeu de lumière avec des ombres très intéressantes au mur (qui fonctionnent même vues de haut). Elles donnent une belle profondeur à la mise en scène et m’ont littéralement fascinée, je n’arrivais plus à m’en détacher. J’avoue que j’ai été assez émue de voir le chorégraphe venir saluer sur scène (oui, je suis à fond je vous dis). Un univers sombre que j’ai beaucoup apprécié. Une mise en scène épurée et pourtant très travaillée avec des lumières splendides. Magnifique.

On continue avec Jerome Robbins, et l’op 19, The dreamer, avec univers assez romantique. Il y avait trop de violons à mon goût mais la musique à tendance mélodramatique est particulièrement réussie (après vérification, normal, c’est du Prokofiev, c’est forcément beau !). Une très belle chorégraphie qui évoque la relation amoureuse. Ca apparaît comme étrangement cohérent avec ce qui était présenté précédemment. La mise en scène est assez moderne et le tout très harmonieux. Même si on sent ici quelque chose d’un peu moins contemporain qu’avec Millepied (à raison d’ailleurs), on retrouve un peu le même esprit avec une certaine douceur.

On finit par George Balanchine, Thèmes et variations, avec cette fois quelque chose de très très classique. La musique m’a fait penser au romantisme russe (évidement, c’est du Tchaïkovski, ce que j’aurais su si j’avais lu le programme avant, mais c’est moins drôle que de jouer aux devinettes), d’un genre très grandiloquent. Les costumes sont dans un pur style tutus en tulle et paillettes. On est dans un univers prince, princesse et leur Cour. Une chorégraphie qui après les deux précédentes paraît anachronique. On serait tentés de se railler de ce classicisme excessif. Toutefois, après un temps de surprise on note une belle performance technique (malgré quelques accrocs ce jour-là) et la beauté de l’ensemble, aussi carré et vieillot soit-il est indéniable. Moi qui préfère bien souvent les choses très classiques, ça m’a un peu étonnée de ne pas immédiatement reconnaître la grâce de cet ensemble de toute beauté.

Il aurait sans doute été plus compliqué de faire le chemin dans l’autre sens. Si on m’avait montré le contemporain après le classique, j’aurais sans doute trouvé ça trop épuré, mais faire le chemin inverse en terme de chronologie, ça m’a permis de me rendre mieux compte de la complexité des mises en scène et de la continuité dans le temps. Jerome Robbins est un chorégraphe américain géant de la comédie musicale dans les années 60/70. Il a notamment adapté à l’écran West Side Story. Il a travaillé avec George Balanchine qui l’a dirigé dans ses jeunes années. D’originaire russe, Balanchine a été un des pionniers du ballet américain et est notamment le cofondateur du New-York City Ballet où Benjamain Millepied a été danseur. C’est un magnifique hommage que signe ici Benjamin Millepied à ses maîtres à travers trois chorégraphies pleines de grâce qui retracent une très belle histoire du ballet moderne.
L’intégralité du spectacle est disponible sur le site de l’Opéra de Paris.
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