Et si le monde n’était qu’un grand théâtre ? Si nos désirs les plus profonds pouvaient être comblés par un masque, une parure, une posture ? Si des acteurs de génie pouvaient les déceler et nous mettre à nu par leur jeu, faisant de nous des pantins ? Et si les pièces de Shakespeare détenaient les clefs de notre subconscient ?
Diana est un de ces acteurs qui peuvent accéder à nos désirs les plus refoulés. On les appelle les appâts. La police de Madrid les utilise pour arrêter les criminels les plus dangereux. Quand un psychopathe enlève sa soeur, elle se lance dans une course effrénée pour tenter de la sauver.
Il y a quelques mois, j’avais découvert Somoza avec Clara ou la pénombre. Ce fut une révélation. Un choc comme on en connaît trop peu dans sa vie de lecteur. Un livre qui vous retourne, vous engloutis, vous transforme et vous laisse à la fois surpris et émerveillé. J’attendais donc avec impatience d’en lire un autre, même si je savais que ce genre de miracle ne pouvait décemment pas se produire deux fois. Quand L’appât est sorti en décembre, je me suis donc empressée de l’ajouter à ma liste au Père Noël et l’ai commencé à peine le papier déchiré.
La trame est extrêmement complexe. On est entre le polar, l’anticipation et l’essai sur le théâtre, le tout servi avec un brin de psychanalyse. C’est très déroutant et sans la 4° de couverture je pense que j’aurais mis très très longtemps à comprendre cette histoire d’appâts qui utilisent Shakespeare comme arme. Dans Clara, on avait sensiblement la même chose avec la peinture mais c’était bien plus visuel et donc un peu moins difficile à appréhender. J’ai donc décidé de laisser tant bien que mal de côté ce que je ne comprenais pas, me disant que ça finirait bien par s’expliquer, pour me concentrer sur l’histoire de meurtres.
Il n’y a pas de doute, Somoza est bien le roi du suspens. L’histoire est bien ficelée, très vite on se laisse prendre au jeu, on dévore chaque page avec anxiété, attendant la suite comme si notre propre vie en dépendait. On tombe dans tous les pièges qu’ils nous tend. Il y avait longtemps qu’un livre ne m’avait pas autant « accrochée » et que je n’avais pas regardé autour de moi avec autant d’anxiété dans mon appartement vide à cause d’un livre.
L’auteur demande à son lecteur un effort quasi insurmontable pour rentrer dans son univers (un immense merci au professeur aussi cruel qu’avisé qui a eu l’idée de nous mettre cet auteur au programme, nous forçant à passer le cap difficile des premiers chapitres auxquels on ne comprend pas grand chose). Toutefois, la sueur et les larmes (comment ça j’exagère ?) sont largement récompensés. Le monde que nous propose Somoza est d’une incroyable richesse. Il nous pousse à nous poser des questions qui jamais ne nous seraient venues à l’esprit, à envisager les choses sous des angles improbables. Il bouscule les conventions avec brio dans un style incomparable. Un texte exigeant mais aussi brillant, intelligent, complexe, troublant. Un peu en de ça de Clara à mes yeux mais un texte de haute volée qui se mérite.
Citations à venir
Une très bonne année 2012, avec plein de lectures passionnantes à venir!
Merci beaucoup. Bonne année et bonnes lectures à vous aussi.
Jamais lu encore cet auteur espagnol contemporain mais je vais m’y mettre: ça a l’air vraiment bien ce qu’il fait…
C’est très très particulier. C’est assez difficile de rentrer dedans mais une fois qu’on a passé le cap de l’adaptation à son univers bizarre, on devient accro !