Mes lectures

Terminus radieux, Antoine Volodine

          Dans un monde où l’explosion des centrales nucléaires a rendu inhabitable une grande partie du territoire, alors que la 2° Union Soviétique s’effondre, trois amis fuient au milieu des terres désolées. En chemin, ils rencontreront un président de kolkhoze tyrannique et ses trois filles. A leurs côtés, ils vont errer entre la vie et la mort.

couv Terminus radieux

          D’Antoine Volodine, je n’avais lu que le splendide Ecrivains, un récit qui se présente comme un recueil de nouvelles, publié il y a 4 ans. La découverte de son style a été une décharge, une illumination, un éblouissement. Je crois bien que jamais je n’avais rien lu d’aussi beau. Il est vrai que le sujet me parlait mais surtout, quel style : riche, dense poétique. Rien n’est facile dans cette écriture-là, elle se mérite et pourtant elle m’a semblé couler d’elle-même. Je me souviens d’une phrase de 2 pages lue sans m’en rendre compte, comme dans un souffle. Une évidence. J’avais rarement trouvé un texte aussi dense et aussi beau.

          Je l’ai prêté autour de moi, mes amis l’ont abandonné les uns après les autres. Je crois que c’est le moment où j’ai compris à quel point cette lecture pouvait être ardue si on ne tombait pas sous le charme de son style. Cette année-là, Antoine Volodine publiait en même temps 3 romans, sous 3 pseudonymes différents. Je les ai tous achetés. Le 2° auquel je me suis attaquée m’a paru, sombre, compliqué voire carrément sordide (ma critique ici, d’ailleurs à la relire, j’avais adoré le style alors que je ne me souviens que de l’univers ultra glauque, comme quoi). J’ai abandonné au bout de 50 pages d’une lecture laborieuse. Le 3° est resté à sommeiller dans ma bibliothèque et attend encore que je l’en déloge. J’étais donc très curieuse de voir ce que celui-ci aller donner. D’autant plus que quand j’en ai parlé à une libraire fan de l’auteur elle m’a dit « c’est aussi sombre que tous les autres », comme je n’en avais lu que deux qui n’avaient pas le moindre rapport, je n’étais pas sure d’aimer cette réponse.

toundra

          La 4° de couverture fait un peu peur, il y est question de soldats fantômes, de morts vivants et d’inquiétantes princesses dans un monde dévasté par des accidents nucléaires. Pas joyeux et surnaturel en prime. Pourtant, dès les premières pages, j’ai retrouvé cette écriture si particulière qui m’avait charmée la première fois. Quant au côté surnaturel, il est assez peu présent (au début surtout). On est dans un futur où de vastes zones sont rendues inhabitables par les accidents nucléaires successifs ce qui est quand même on ne peut plus crédible. On plonge doucement aux frontières de fantastique peu à peu, mais comme on a 600 pages pour s’habituer, la transition se fait en douceur.

          J’ai beaucoup aimé cette lecture même s’il faut dire qu’il y a tout de même quelques longueurs. Toutefois, rares sont les passages où je me suis ennuyée. C’est surtout sur la fin que j’ai un peu décroché par moments, quand ça devient un peu plus étrange. Je trouve très difficile de parler de ce roman riche, complexe et à mes yeux assez indéfinissable. En général, quand j’aime un livre, j’ai envie de le partager avec la terre entière. Celui-ci a beau être considéré comme l’un de plus réussis de Volodine (et des plus accessibles par la même occasion), je ne vois vraiment pas qui autours de moi pourrait bien l’apprécier. Et je suis entourée de grands lecteurs ! Il me semble que malgré ses qualités nombreuses et indéniables Terminus Radieux s’adresse tout de même à un public assez restreint et disons-le plutôt intello.

          J’ai toujours aimé la littérature russe. Je ne sais pas pourquoi l’évocation de la taïga et de la toundra me fait autant rêver. Toujours est-il que ça fonctionne à tous les coups ! Je trouve toujours dans la lenteur des traversées de ces grands espaces une poésie qui me ravit. Etant donné que tous le roman ou presque ce déroule dans des espaces vierges, j’ai été comblée. J’ai beaucoup aimé cette lecture que j’ai d’ailleurs trouvée moins ardue que ce que je pensais du point de vue du style. Il est certes complexe mais pas retors et on avance dans cette épopée futuriste rapidement. L’histoire est sans doute un peu moins évidente mais là aussi, je m’attendais tellement à un univers apocalyptique que je l’ai finalement trouvé assez abordable. Ce texte interroge sur la société et l’avenir de l’humanité tout en virant parfois au mystique. Un roman, dense, complexe, intelligent, terriblement bien écrit : à la fois sombre et lumineux.

volodine-site

Le vent de nouveau s’approcha des herbes et il les caressa avec une puissance nonchalante, il les courba harmonieusement et il se coucha sur elles en ronflant, puis il les parcourut plusieurs fois, et, quand il en eut terminé avec elles, leurs odeurs se ravivèrent, d’armoises-savoureuses, d’armoises-blanches, d’absinthes.
Le ciel était couvert d’une mince laque de nuages. Juste derrière, le soleil invisible brillait. On ne pouvait lever les yeux sans être ébloui.

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Nous n’avions aucune explication quand nous nous interrogions sur les mauvais choix de I’humanité. L’optimisme marxiste nous interdisait d’y voir les preuves de graves défauts dans le patrimoine génétique de notre espèce. Une attirance imbécile pour I’autodestruction, une passivité masochiste devant les prédateurs, et peut-être aussi et surtout une inaptitude fondamentale au collectivisme. Nous pensions cela au fond de nous, mais, comme la théorie officielle balayait ces hypothèses d’un haussement d’épaules, nous n’abordions pas le sujet, même entre camarades. Même dans les plaisanteries entre camarades.

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Quand on progresse dans la vieille forêt, quand on écrase sous ses bottes des branchettes perdues par les arbres, les sapins centenaires, les mélèzes noirs, quand on a le visage caressé ou battu par les mousses ruisselantes, on se trouve dans un univers intermédiaire, dans quelque chose où tout existe fortement, où rien n’est illusion, mais, en même temps, on a l’inquiétante sensation d’être prisonnier à l’intérieur d’une image, et de se déplacer dans un rêve étranger, dans un bardo où l’on est soi-même étranger, où l’on est un intrus peu sympathique, ni vivant ni mort, dans un rêve sans issue et sans durée.

5 commentaires sur “Terminus radieux, Antoine Volodine

    1. Merci. C’est vraiment très très particulier. J’hésiterais à le conseiller alors que d’habitude quand j’aime un roman j’ai envie de le partager. Là il y a quelque chose de trop intime dans le lien avec cette écriture, c’est assez étrange.

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